Les inspecteurs du travail s’inquiètent du non-remplacement des postes vacants

En région Centre-Val-de-Loire, sur un effectif de 67 inspecteurs du travail, 27 feront défaut d’ici la fin de l’année. Le travail du personnel manquant se répercute sur celui des autres. Excédés, les agents ont commencé une grève des suppléances dans l’Indre-et-Loire et le Loiret.

Selon le dernier rapport de la Cour des comptes de 2020, "l’organisme manque d’effectifs dédiés aux contrôles, ce qui entrave sa mission". La France devrait compter 2 000 inspecteurs du travail soit un inspecteur pour 10 000 salariés. Il en manque actuellement plus de 300.

Depuis le début de l’année, certaines antennes refusent de faire les remplacements des sections vacantes. Cette grève des suppléances a été décidée par les agents eux-mêmes. La moitié des postes d'inspecteurs du travail sont vacants dans le Cher, 23% en Indre-et-Loire et 30%, dans le Loiret.

Plus d’un tiers des inspecteurs va disparaître en deux ans

Faute de recrutement, des secteurs géographiques entiers du département de l’Indre-et-Loire, n'ont pas d'agent de contrôle qui leur est affecté.

Boycotter, c’est terrible pour nous, mais c’est la seule solution pour se faire entendre.

une inspectrice

"On veut faire respecter les droits les plus élémentaires des salariés victimes de l’arbitraire patronal. Dans beaucoup d’entreprises, il y a des abus" lâche une inspectrice sous couvert d’anonymat.

Un métier ingrat

Inspecteur du travail, le métier est peu connu et mal considéré. "Il faut pousser des portes toute la journée pour faire des contrôles, et souvent sans être bienvenu" précise un élu du CHSCT.

"Bonjour, je suis inspecteur du travail, pourrai-je avoir accès aux plannings, aux bulletins de salaire et au document d’évaluation des risques".

Indispensables pour vérifier la situation en temps réel, les contrôles inopinés permettent de savoir si les temps de pause sont respectés. L’inspecteur vérifie les amplitudes du temps d'activité, et les conditions de travail. Il contrôle aussi l’existence ou non, des instances de représentation.

Une inspectrice en Touraine précise que "le code du travail est là pour rééquilibrer la relation entre employeur et salarié, qui est inégale. La loi met quelques obligations à la charge de l'employeur nous, on vient pour les vérifier".

Des enquêtes parfois longues

Sanctions administratives ou pénales, ils peuvent taper fort. Dans le Loir-et-Cher, les abus de travailleurs détachés dans le milieu agricole ont ainsi été dénoncés. De 2012 à 2015, un homme avait fait travailler plus de 2000 Bulgares.

Plusieurs contrôles ont été nécessaires mobilisant 19 agents. Une enquête exemplaire, qui a duré deux ans. Mais ce genre d’enquête nécessite des effectifs et du temps.

"À qui vais-je passer le relai ?"

Un autre élu, inspecteur depuis des années en Touraine, sait que son départ n’a pas été anticipé : "Pour ceux qui partent, c’est terrible. À qui je vais-je passer le relai ?  Tout le boulot va être perdu. Pour le personnel, c’est une déconsidération totale. On est au-delà du fonctionnement en mode dégradé".

Les élus tirent la sonnette d'alarme

Un élu du CHSCT regrette le problème d’attractivité. "Les jeunes diplômés le boudent. Quand un poste est vacant, il ne peut être remplacé que par un agent statutaire qui a reçu une formation de 18 mois. Les postes sont déjà là, mais vu le temps qu’il faudra pour recruter et ensuite, il nous faudra attendre la fin des formations… Nous voulons des perspectives et un plan qui permette aux collègues de pouvoir se projeter".

Dans un autre département, un inspecteur est désabusé. "Notre mission de régulation ne sera plus remplie, cela pose des problème de légalité et d’égalité. Il y a des soucis avec des licenciements de salariés protégés, les décisions ne sont pas prises ou de façon plus ou moins régulière par la hiérarchie. La diminution d’agents de contrôle ne correspond pas à la réalité du terrain".

"On va droit dans le mur"

Selon un autre agent, "On va dans le mur, et on y va en klaxonnant ! On reporte vers nous, l'obligation de faire des choix cornéliens, qu’est-ce que je peux faire, je choisis de répondre à untel ou à untel. C’est difficile à vivre!" Combien d'inspecteurs du travail seront encore en poste en 2023 en Indre-et-Loire ?

La question est récurrente depuis 2017. Le ministère du travail anticipe plus de 460 départs en retraite les 3 prochaines années, seuls 300 recrutements (théoriques) au plan national sont annoncés. Contacté par nos services, Pierre Ramain, le Directeur Général du Travail n’a pas souhaité s’exprimer.    

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