"Cette réforme, c'est la casse du lycée pro" : les syndicats exigent le retrait de la réforme Grandjean

"Une terminale à deux vitesses, moins d'heures d'enseignements", l'intersyndicale unitaire des lycées professionnels demande le retrait de la réforme Grandjean et appelle à la grève ce mardi 12 décembre.

 "Plus de savoirs fondamentaux, un parcours personnalisé en fin d'année selon le projet de l’élève (insertion ou poursuite d’études)". Carole Grandjean, la ministre déléguée de l'enseignement et de la formation professionnelle a annoncé le 22 novembre une réorganisation de l’année de terminale dans la voie professionnelle. Cette réforme "Grandjean" est jugée "inacceptable" par les syndicats d'enseignants et de parents d'élèves de la voie professionnelle. 

Le choix entre six semaines de cours et six semaines de stage en terminale

Le 6 décembre 2023, la ministre a dévoilé une nouvelle version de son projet de bac pro 2024 : "Si quelques améliorations ont été obtenues, le projet global est inchangé : les élèves auront moins de cours. La ministre continue de passer en force, contre les personnels", s'indigne l'intersyndicale unitaire des lycées professionnels par voie de communiqué. 

La réforme Grandjean prévoit qu'à partir de la rentrée 2024  les élèves de terminale auront le choix, à la fin de l’année, entre six semaines de stages en entreprise pour préparer leur insertion professionnelle, et six semaines de préparation à la poursuite de leurs études.

Pour Stéphane Leroy, directeur académique du SNUEP-FSU du Loir-et-Cher, "ce parcours insertion" est synonyme de casse du bac professionnel. "Nos jeunes sont pour la plupart issus de milieux défavorisés. Donc quand on leur propose soit de suivre 30 heures par semaine au lycée soit d'être rémunérés 100 euros par semaine pendant six semaines, le choix risque d'être faussé," s'inquiète-t-il.

Et d'ajouter : "Cette réforme crée une terminale à deux vitesses. On est face à une inégalité entre les jeunes qui pourront rester au lycée et qui pourront préparer leurs deux dernières épreuves avec les enseignants et ceux qui seront très éloignés du lycée parce qu'ils seront en entreprise et à qui on n'offrira pas les mêmes chances de réussite aux examens". 

170 heures de cours en moins 

Selon le tableau récapitulatif établi par le syndicat SNUP-FSU, les élèves en lycée professionnel perdraient 170 heures de cours pendant tout le cursus du lycée. Une heure par semaine en seconde, une heure et demie en première et 71 heures d'enseignement professionnel en terminale remplacée par 31 heures d'enseignement général. 

"C'est au-delà de la casse de la terminale. C'est la casse du lycée professionnel et du bac pro", avertit Stéphane Leroy. "La dernière réforme Blanquer de 2018 mise en application en 2019 a supprimé des heures disciplinaires pour mettre en place des nouveaux dispositifs comme l'accompagnement personnalisé. Aujourd'hui, on rabote ces dispositifs pendant tout le cursus du lycée pour atteindre 170 heures de cours en moins. À chaque fois, on vous met des dispositifs à la place d'enseignements disciplinaires mais lorsqu'on arrête ces dispositifs, on ne remet jamais d'enseignement disciplinaire", constate Stéphane Leroy, professeur de maintenance industrielle en section professionnelle au lycée Augustin Thierry à Blois.

"Cette nouvelle réforme supprime 170 heures de formation sur tout le cursus. En 5 ans, nos élèves auront perdu 500 heures d'enseignement soit 6 mois de cours", déplore Stéphane Leroy. "On nous répète que la voie professionnelle est la voie d'excellence. Nos élèves sont tellement excellents que pour la peine ils auront six mois de cours en moins. " 

L'enseignant précise qu'"aujourd'hui l'industrie est très mécanisée et automatisée avec des outils de production très performants. Pour pouvoir comprendre et intervenir sur ces installations, il faut avoir des connaissances et être diplômés. Avec cette réforme, ils risquent d'échouer et donc d'être moins qualifiés." 

57% des élèves en lycée professionnel issus d'une origine sociale défavorisée

La voie professionnelle regroupe principalement des enfants d'ouvriers, d'employés ou d'inactifs selon le rapport annuel statistique de l'Éducation nationale de 2022.

Toujours selon ce rapport annuel, 6,8 % des élèves du lycée professionnel sont issus de parents étant cadres ou ayant une profession libérale, contre 28 % pour le lycée général et technologique. Dans le lycée professionnel, 57 % sont issus d'une origine sociale défavorisée alors que dans le lycée général et technologique, les chiffres tombent à 29 %.

"En lycée professionnel, il n'y a plus cette notion d'ascenseur social. Il y a 25 ans mes élèves partaient en BTS après leur bac pro et je les retrouve aujourd'hui  pour certains responsables de service maintenance. Ces jeunes-là avaient une formation solide de gestes et d'enseignement général. Aujourd'hui on donne de moins en moins d'enseignement général et professionnel. On ne donne pas toutes les chances à nos élèves déjà défavorisés," constate Stéphane Leroy. 

Une mobilisation partout en France ce 12 décembre

Dans le Loir-et-Cher, l’intersyndicale départementale organise un pique-nique revendicatif devant le lycée professionnel Ampère de Vendôme entre midi et 14h.

"Nous continuons de porter un projet de lycée professionnel émancipateur, porteur d’une formation globale pour tous les jeunes, avec des heures rendues aux disciplines, respectueux du travail des professeurs de lycée professionnel et des spécificités de l’enseignement professionnel public", annonce par communiqué l'intersyndicale unitaire des lycées pros FSU ( SNUEP, SNES, SNEP), SE-UNSA, SNETAA-FO, CGT Éduc’action, SGEN-CFDT, Fep-CFDT, SNCALC, Sud Education SNEC-CFTC, CNT-FTE et la FCPE.

L'intersyndicale a demandé au ministre de l'Education nationale Gabriel Attal qu'il renonce à ces projets et qu'il engage de véritables concertations au sein du ministère avec l’intersyndicale et la FCPE pour renforcer la voie professionnelle scolaire.

Le texte de la réforme Grandjean des lycées professionnels sera présenté en Conseil supérieur de l'Education le jeudi 14 décembre. 

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