L'endométriose touche une femme sur dix en France. Le diagnostic met en moyenne sept ans à être posé. À l'occasion de la semaine européenne de prévention de cette maladie, deux femmes racontent leur parcours et leur engagement pour aider les autres malades.
"Là, je suis allongée sur mon canapé avec ma bouillotte, et une impression de coups de poignards dans le ventre." Au téléphone, la voix de Raphaëlle Graviou, 27 ans, ne laisse rien paraître. Résister à la douleur, elle l'apprend depuis l'adolescence.
Sept ans pour être diagnostiquée
Comme une femme sur dix, la Blésoise est atteinte d'endométriose. Lorsqu'elle est diagnostiquée en 2016, c'est un mélange d'angoisse et de soulagement. Le mot est posé, mais sans explication.
Plusieurs années plus tôt, Sandrine Corbery recevait le même couperet, plus violent encore : "Je n'avais qu'à serrer les dents et attendre la ménopause". Depuis, l'accompagnement a évolué, les structures médicales aussi, et le gouvernement a développé une "stratégie nationale de lutte contre l'endométriose". Mais en moyenne, la maladie met encore sept ans avant d'être diagnostiquée.
Le sentiment de ne pas être crue
Avant de comprendre, Raphaëlle Graviou souffre, à chaque fois qu'elle a ses règles, puis tout le temps, sans savoir pourquoi. Au niveau du ventre, mais aussi du dos, avec les mêmes effets qu'une sciatique. "J'avais l'impression d'être folle. Mon médecin ne me croyait pas, mes parents pensaient que je voulais rater des cours."
Ce sentiment d'être "folle" revient beaucoup dans les témoignages. Les femmes atteintes par la maladie se voient souvent soumises à une croyance populaire : c'est normal d'avoir mal quand on a ses règles. "C'est faux" assure fermement Sandrine.
Pour la quinquagénaire, il aura fallu vingt ans d'errance médicale avant le diagnostic. Lorsqu'elle voit sa fille subir les mêmes douleurs, à l'apparition de ses premières règles, impossible pour elle de ne pas réagir. Elle prend les choses en main, fait suivre l'adolescente, qui est aujourd'hui sous traitement hormonal et peut vivre sans se soucier des douleurs.
La contraception comme traitement
Cette contraception reste aujourd'hui le seul traitement connu. La plupart du temps, les jeunes femmes prennent une pilule en continu. Elle stoppe le cycle et les saignements, mettant en "sommeil" la maladie. Parce que de l'endométriose, on ne meurt pas, mais on ne guérit pas non plus.
Gynécologique inflammatoire et chronique, l'endométriose créée des lésions qui peuvent apparaître au niveau de l'utérus, mais aussi sur d'autres organes voisins. Au cœur du dysfonctionnement, des tissus semblables à la muqueuse utérine (l'endomètre) qui sortent de leur cavité.
Conjuguer douleurs et vie professionnelle
Quand le mal persiste, des anti-douleurs sont prescrits. Raphaëlle s'est mise à les enchaîner, jusqu'à consommer de la morphine. Mais le corps s'habitue, ou finit par rejeter les médicaments.
Pour Sandrine comme pour beaucoup, la bouillotte est devenue un indispensable "je me baladais quasiment tout le temps avec". Si l'Orléanaise a pu conjuguer douleurs et vie professionnelle, ce n'est pas le cas de Raphaëlle. Cette ancienne vendeuse ne peut plus travailler.
"Il m'est arrivé de passer des nuits sous l'eau chaude, c'est la seule chose qui calme un peu la douleur"
Raphaëlle Graviouatteinte d'endométriose
Alimentation, yoga, ostéopathie comme soins
Multiples et de différentes intensités, à chaque femme atteinte sa version des maux subis. Des douleurs qui interviennent à tout moment : pendant les règles, l'ovulation, ou encore pendant les rapports sexuels. L'endométriose peut notamment atteindre la vessie, le colon, directement ou en les compressant.
Les résultats d'imagerie, qui permettent la détection de la maladie, ne sont quant à eux pas forcément révélateurs de ce que subissent les patientes.
Lorsque la souffrance persiste, les "soins de support" sont alors primordiaux. "Chacune doit composer sa palette" explique Sandrine Corbery. Un équilibre entre pratique du yoga, alimentation anti-inflammatoire ou encore ostéopathie.
Certaines lésions peuvent nécessiter des interventions chirurgicales. Pendant longtemps, elles ont d'ailleurs été légion, au risque d'être contre-productives. C'est ce qui est arrivé à Raphaëlle, qui a, en tout, été opérée dix fois en trois ans. Aujourd'hui, elle vit avec une poche, qui lui permet d'aller à la selle.
Une maladie qui isole
Sandrine et Raphaëlle sont toutes les deux bénévoles pour l'association Endo France. En Région-Centre Val de Loire, elles sont six. Leur mission : "soutenir, informer, agir". "C'est une maladie qui isole" affirme Sandrine. Difficile, lorsque l'on a mal, de maintenir des sorties, repas, ou autres activités sociales.
Le soutien des proches devient central. Celui des associations aussi. Tous les mois, Endo France organise des conférences, tables rondes et répond aux mails. 45 000 en 2022 pour la structure nationale.
Dans la région Centre-Val de Loire, il existe plusieurs centres médicaux spécialisés dans l'endométriose, comme à Tours et Chartres. Pour y accéder, les patientes doivent être adressées par leur médecin ou gynécologue.