L'ex-président du Département du Loir-et-Cher, Nicolas Perruchot, devait présenter ce nouveau livre intitulé "L'assassinat politique en France", le week-end dernier lors des RDV de l'Histoire. L'ouvrage est co-signé avec une historienne de renom, Colette Beaune. Sauf qu'il n'a écrit aucune ligne.
Colette Beaune, 78 ans, a l’habitude de prendre la parole seule face à un public très attentif. Maître de conférences à la Sorbonne, professeur d’Université à Nanterre, l’histoire médiévale est sa passion.
Ce dimanche 10 octobre, lors des Rendez-vous de l'Histoire de Blois, la grande spécialiste de Jeanne D’Arc a même la faculté de faire rire son auditoire plusieurs fois durant la présentation de son nouveau livre, paru quelques jours auparavant. Mais cet après-midi-là, celui que tout le monde attendait, le co-auteur de l'ouvrage, n'est pas venu. Nicolas Perruchot, ancien président du Conseil départemental, lui a fait faux bond. L'ex-élu s’est excusé pour son absence sans en évoquer la raison.
"Il m’a téléphoné et m’a dit qu’il ne pourrait pas venir", nous confie Colette Beaune. Elle devait présenter sa partie et lui la sienne, celle du 19ème siècle, "mais c’est moi qui ai tout écrit sauf les trois derniers chapitres" nous explique Colette Beaune. Le livre traite de la violence en politique, plus précisément de l’assassinat politique en France. C'est d’ailleurs le titre de l’ouvrage publié aux éditions Passés /Composés.
Pour faire naître cet ouvrage, il faut remonter trois ans en arrière, lorsque Colette Beaune demande au Conseil départemental de réparer la toiture de l’association de la Société des sciences et lettres du Loir-et-Cher, situé au 11, rue du bourg neuf à Blois. "Il pleuvait sur les livres du 17ème et 18ème siècles. Je voulais que le Conseil départemental qui possède les locaux répare la fuite sur le toit et nous installe le chauffage."
Nicolas Perruchot m’a alors demandé à la fin de notre entrevue de l’aider à écrire un livre. J’ai accepté et j’ai eu mon toit !
Colette Beaune et Mathieu Geagea ont écrit le livre sans contrepartie financière
Mathieu Geagea, ancien directeur de cabinet de Nicolas Perruchot en 2019 est historien de formation. Il a par ailleurs dirigé le Mémorial Charles de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises entre 2014 et 2018. Passionné du Général de Gaulle, il a écrit beaucoup d’articles et collaboré à plusieurs ouvrages. Lorsque Nicolas Perruchot alors président du Conseil départemental lui demande de rédiger les trois derniers chapitres du livre, il accepte.
La parution de l'essai ne lui a pas été communiquée par Nicolas Perruchot mais pas voie de presse. Mathieu Geagea fut étonné de l’apprendre ainsi. Son nom ne figure nullement dans l’ouvrage."Je savais d’emblée comment cela allait se passer, pour être franc. Je n'étais pas certain que ce livre paraisse un jour. J’ai mis trois ans à écrire les trois chapitres" nous confie l’ex-directeur de cabinet.
Se pose alors la question de l’emploi et du contrat qui lie les deux hommes, Mathieu Geagea est à ce moment-là directeur de cabinet au département et Nicolas Perruchot son président. Est-il légal de mettre à disposition sa plume pour un ouvrage privé et occuper en même temps un emploi public ? Une question que l'on peut se poser après l'affaire de l'ancien Premier ministre François Fillon, épinglé par une enquête du Parquet national financier (PNF) concernant l’emploi d’un assistant parlementaire entre 2013 et 2015 comme prête-plume. L'enquête avait été ouverte pour des soupçons de détournements de fonds publics.
Lorsque l'on évoque son emploi de directeur de cabinet au Département, Mathieu Geagea se défend : "J’ai une qualité d’historien, il en avait connaissance mais je n’ai pas été recruté pour écrire le livre. Cela s’est fait en dehors de mes heures de travail. Je dispose d’une grande faculté rédactionnelle". Il insiste sur ce point.
Colette Beaune et Mathieu Geagea ont écrit le livre sans contrepartie financière, mais l’ancien directeur de cabinet a été prolongé au Département jusqu’à la fin de la rédaction du livre. L'ancien président du Département, lui, touchera les droits d'auteur.