Situé à quelques encablures de Vendôme, le petit village de Thoré-La-Rochette est devenu un modèle de vie collective. Le documentaire "Les éclaireurs, photographie d’un nouveau monde" retrace le parcours de ce village pas comme les autres où il fait bon vivre et où l'entraide est sans limite.
Il y a trente ans, naissait la première ligne grande vitesse reliant Paris à Vendôme, en moins de 45 minutes. A cette époque déjà, des Parisiens avant-gardistes choisissent alors de travailler à Paris tout en vivant à la campagne. Cette opportunité aurait pu accoucher d’une génération métro, boulot, dodo. Thoré-la-Rochette serait alors devenue comme une simple grande banlieue de Paris.
Au lieu de cela, la commune s’est émancipée pour devenir un village alternatif où de nombreux rêves d’un autre monde sont parvenus à voir le jour. En collaborant les uns avec les autres, les acteurs de ce village, Thoréziens d’origines et néo-ruraux, ont réussi à créer un endroit où la créativité et l’entraide n’ont pas de limite. Pourtant ici tout s’est bâti dans la simplicité. Sans prévoir tout cela. Juste un sens du collectif qui était déjà là et qui s’est accru au fil des ans.
D’un festival de rock, à un autre de jazz dans les gares, en passant par une épicerie associative, une salle d’exposition de plein air fabriquée en forme de labyrinthe avec les vieilles portes des habitants, une exploitation viticole, ici, les parcours se croisent, se rencontrent, s’associent et les projets se réalisent.
Aujourd’hui Thoré-la-Rochette est un village qui compte un nombre impressionnant de bénévoles. Ici chacun s’implique dans les projets des autres pour le bien commun. Les jeunes aident les anciens, les artistes enseignent leur art à l’école et tout est organisé pour qu’un approvisionnement responsable et de qualité soit mis en place. Exceptionnel pour un village de 800 habitants.
Voir le documentaire "Les éclaireurs, photographie d’un nouveau monde"
L'épicerie associative le Comptoir des Cocottes
A Thoré-La-Rochette, l’épicentre du village est sans aucun doute "Le Comptoir des Cocottes". Créée en 2017, c’est le lieu incontournable où se rencontrent les Thoréziens. Cette épicerie, ils l’ont bâtie de leur mains et s’y investissent sur le modèle associatif, une solution pour consommer locavore et solidaire. L’entraide et la coopération en sont le moteur.
A l’initiative de ce lieu, Christine et Catherine, deux amies en reconversion qui sont tombées au bon endroit.
"Catherine et moi, on marchait beaucoup." raconte Christine. On se demandait comment se reconvertir. Moi j’étais journaliste. J’avais beaucoup voyagé. Catherine faisait du contrôle de gestion avant de s’occuper de ses deux enfants. Un jour elle m’a montré un film qui racontait l’histoire d’une épicerie associative à Brooklyn. Ça donnait super envie. Ça avait du sens. Il ne nous fallait pas un micro village. Il nous fallait au moins 500 habitants. On a failli s’installer dans un village voisin. Mais le maire est venu nous chercher. Il nous a dit "je vous prête un local", banco !"
Christine Bourdier, co-fondatrice de l'association "Le Comptoir des Cocottes" nous explique le concept :
Il faut reconnaître que le maire de Thoré-La-Rochette, également président de l’association des maires ruraux du Loir-et-Cher, Thierry Benoit, joue un rôle important dans ce village exceptionnel. Humblement comme il dit, il est facilitateur de projets.
L’épicerie "Le Comptoir des Cocottes" est un endroit magique comme il commence à en exister dans quelques rares endroits de nos jours.
C'est plus qu'une épicerie. C'est aussi un lieu de rencontre, un lieu de lien social, un lieu de sociabilisation, un lieu d'échanges culturels. C'est tout ce qu'on recherche dans nos petits villages. C'est d'arriver à maintenir du lien.
Thierry Benoit, maire de Thoré-la-Rochette
Le principe : pour pouvoir profiter des prix bas, tous les clients donnent de leur temps bénévolement. 42 bénévoles donnent chacun 3 heures par mois et ça marche ! Le magasin et l’association emploient aussi quatre personnes à temps plein. Les producteurs, eux, ont été impliqués dès la création du "Comptoir des Cocottes". C’est ensemble qu’ils ont pensé les volumes de production ainsi que les moyens d’approvisionnement. Les prix en magasin sont calculés pour leur permettre une rémunération juste et leur créer un point de vente fidèle. C’est plus de 90 producteurs, principalement en agriculture biologique, que Christine et Catherine ont rassemblés ici. Tous dans un rayon de 30 kilomètres.
D’autres reconversions inspirantes
Rencontre avec Fawzi, un ancien ostéopathe tourangeau reconverti en jardinier professionnel. Dans sa mini-ferme d’un demi-hectare, son épouse et lui cultivent des légumes qui sont destinés principalement à des restaurateurs locaux. En arrivant ici, ils n’y connaissaient pas grand chose. Ils ont beaucoup appris, regardé des dizaines d’heures de vidéos sur les techniques de jardinage et se sont lancés. Après un an d’exploitation, Fawzi et son épouse ont dégagé un bénéfice supérieur à ce qu’ils avaient planifié. L’an prochain, cette micro ferme leur permettra de doubler leur chiffre d’affaire et ainsi de dépasser les objectifs fixés par ce modèle économique.
La culture pour tous et avec tous
Mat et Monica, artistes tous les deux font partie de cet élan néo-rural à Thoré-la-Rochette. Leur quête : proposer un nouveau monde pour demain sans jeter celui d’hier. A l’image du lieu culturel qu’ils ont crée : un labyrinthe, bâti de leurs mains, avec des portes abandonnées !
On est venu pour provoquer des initiatives autour de la culture. Et ça pour tous les publics. Ca nous intéresse pas de faire venir des gens de l'extérieur si y'a pas les gens du territoire, les locaux.
Mat Jacob, co-fondateur de l'espace culturel "Zone i"
Quand ils sont arrivés ici, parisiens en quête de sens et de relations différentes, Mat, photographe qui a parcouru le monde, et sa femme Monica directrice artistique, sont tombés sur un moulin et son terrain, sur une zone inondable, une terre non constructible. Pourtant, ils y ont vu le lieu de leur rêve, une terre à l’image de notre planète, qui semble condamnée, mais d’où peut sortir une créativité et une renaissance. Rebaptisé "Zone i", ce lieu, un centre culture dédié à l’image, représente à lui seul leur engagement pour un créer nouveau monde. I comme inondable? Non, I comme insubmersible, inventif, inédit…
Dès leur arrivée Mat et Monica ont rencontré des artistes qui animaient déjà la culture à Thoré-la-Rochette : Richard Gauvin, membre du collectif Figures Libres, organisait déjà le festival musical « Gare à la Rochette » qui réunit chaque année près de 3000 personnes; Pierre Lambla, un musicien qui enseigne également à l’école pour décloisonner l’art et transmettre sa passion aux enfants et Clelia, une scénariste venue vivre ici avec sa famille pour vivre son aventure artistique au cœur du partage, dans un lieu où ses enfants échangent avec des anciens, connaissent un vivre ensemble qui était de plus en plus difficile en ville. Il y a aussi HPO, un artiste venu créer ici, loin du tumulte parisien et qui ne veut pas trop qu’on parle de Thoré-La-Rochette et de sa qualité de vie : "Il ne faudrait pas que tout le monde débarque ici !".
Ces rencontres ont très vite donné des ailes à Mat et Monica pour monter leur projet un peu fou. Il faut dire qu’à l’origine de "Zone i", il n’y avait pas grand chose ! En arrivant ici, le couple a trouvé un lot impressionnant d’anciennes portes qui appartenaient au récupérateur de matériaux, précédent occupant des lieux. Au lieu de tout jeter, ils s’en sont servis pour édifier un labyrinthe qui est devenu le lieu d’expo dont ils rêvaient. Ils ont même complété leur dédale avec des portes apportée par les habitants.
Depuis trois ans, "Zone i" et son Moulin de la Fontaine, sont devenus leur terrain de jeu. Et cet endroit est beaucoup plus qu’un lieu d’exposition culturel. C’est d’abord pour eux un projet de vie. Il est la preuve qu’on peut créer de l’art et rassembler les gens en milieu rural; la preuve qu’on peut bâtir sur une zone inondable, symbole d’un monde que certains croient condamné; la preuve, qu’on peut décloisonner, inviter les habitants à participer à des expositions de photos comme celle d’il y a quelques mois avec leurs tirages à eux, thoréziens, au milieu de leurs portes abandonnées qui racontent leurs 10000 vies… La preuve qu’on peut faire du neuf avec du vieux.
► "Les éclaireurs, photographie d’un nouveau monde", une coproduction France Télévisions, TGA Production et Simone & Raymond Productions, réalisée par Stéphanie Elbaz et Luc David.
Première diffusion le jeudi 31 mars 2022 à 23h20 sur France 3 Centre-Val de Loire.