Alors que le coronavirus a chamboulé les plans des Jeux Olympiques 2024, le maire de Lamotte-Beuvron a appuyé une nouvelle fois la candidature de sa commune, ce qui ne met pas tout le monde d'accord.

"A un moment donné, les épreuves de voile ont lieu à la mer, alors pourquoi pas du cheval à la campagne ?" Comme tous les hommes de cheval, Pascal Deboudt, président du Comité régional d'équitation, va droit au but. Et la formule, qui semble frappée au coin du bon sens, trotte dans la tête de pas mal de monde dans le petit milieu de l'équitation.

Alors que la crise du covid-19 a jeté le doute sur les Jeux olympiques de 2024, dont les épreuves équestres devaient se dérouler dans le prestigieux cadre du château de Versailles, les partisans de la candidature de Lamotte-Beuvron sortent à nouveau du bois. A leur tête, le président de la Fédération française d'équitation, Serge Lecomte, qui a demandé ce 29 juillet au Comité d'organisation des jeux de "regarder de plus près" la candidature solognote
 

"Tant que la fin du match n'est pas sifflée, on n'a pas perdu !"

C'est d'ailleur le sens de la lettre adressée le 20 juillet au chef de l'Etat et au Comité d'organisation des Jeux olympiques (COJO) par le maire de la commune, Pascal Bioulac, également très proche de la FFE de Serge Lecomte. Dans ce courrier, ce dernier estime que "le choix du parc de Versailles, pour organiser les épreuves équestres des JO 2024, pose, plus encore aujourd'hui, un certain nombre de questions en matière de JO durables".

Joint par France 3, l'édile persiste et signe : "Moi j'ai l'esprit rugby, tant que la fin du match n'est pas sifflée, on n'a pas perdu !" Pour Pascal Bioulac, le terrain solognot a d'importants avantages sur le projet versaillais, notamment économiques. A l'installation éphémère et coûteuse de Versailles, chiffrée à 27 millions d'euros HT, Lamotte et la FFE veulent répliquer avec un projet durable de 10 millions d'euros HT.

La base de ce projet existe d'ailleurs déjà, rappelle l'édile, puisque le Parc équestre fédéral de 400 hectares accueille déjà annuellement "deux fois le volume du public des épreuves équestres aux JO de Londres" lors des Generali Open de France, le championnat national de toutes les disciplines et de tous les niveaux "club" et "poney".
 

Le plus agricole des sports olympiques

Autre enjeu : donner autre chose à voir de l'équitation qu'un sport confisqués par les nantis et les notables. "Les cavaliers professionnels sont les seuls athlètes olympiques dont le sport est mixte, qui travaillent avec des animaux et qui ont le statut d'agriculteurs", rappelle le maire de Lamotte, qui espère aussi voir sa commune et la Sologne profiter de ce coup de projecteur pour poursuivre la "revitalisation" du territoire.

"A un moment donné, est-ce que ce sont les JO de Paris ou les JO de la France ?" lâche de son côté Pascal Deboudt, qui voit aussi dans la candidature de Lamotte-Beuvron un cadre plus accueillant pour les athlètes, humains comme animaux, et l'occasion de "mettre en avant la ruralité". Les infrastructures du Centre-Val de Loire seraient d'ailleurs encore plus aptes selon à recevoir athlètes humains et animaux des JO, en leur imposant moins de temps de transit et plus d'espace.
 

On n'aura pas forcément d'événements plus important quantitativement, mais sur le plan qualitatif cela nous permettra d'accueillir par exemple des Championnats d'Europe

Pascal Deboudt

 

Des désaccords au sein du monde équestre

Cependant, la candidature solognote ne fait pas non plus l'unanimité, y compris au sein du milieu équestre. Certains professionnels critiquent particulièrement la gestion et la politique de Serge Lecomte, président indéboulonnable de la FFE depuis 2004 et architecte de la centralisation autour du Parc fédéral de Lamotte-Beuvron. Principal créateur du parc, où il a déménagé le siège de la Fédération en 2007, Serge Lecomte en a fait un atout central de la stratégie sportive et financière de la FFE.

Des critiques qui se regroupent sur les réseaux sociaux, comme au sein du groupe (privé) Facebook "Les indignés de la politique fédérale de la FFE", qui compte 10 000 membres et veut "donner la parole à ceux qui ne l'ont pas à la FFE". Parmi eux, des amateurs, mais aussi des cavaliers professionnels, qui reprochent notamment à la FFE de s'être concentrée sur la popularisation du sport au détriment du haut niveau, dans un contexte de tension économique du secteur équestre.

"La FFE et les jeux olympiques, c’est un peu l’image des mouettes suivant le chalutier", écrit par exemple dès 2018 le blogueur équestre Henry Moreigne dans "Planète CSO" . "Peu importe sa direction, ce qui compte, c’est de récupérer les sardines qui seront rejetées à la mer." Pour ce commentateur habituel du circuit international de concours de saut d'obstacle (CSO), "les dirigeants de la FFE aimeraient bien profiter de la manne financière des jeux olympiques pour améliorer des installations de second ordre dont l’histoire est sujette à polémique", et voit dans le Parc fédéral "une habile usine à fric".

Si la crise du covid-19 a donc bien rebattu les cartes de ces JO équestres, il faudra probablement attendre jusqu'à la fin de l'année pour savoir qui, de Versailles ou de Lamotte-Beuvron remporte la mise, sans oublier la candidature d'autres villes emblématiques, comme Chantilly.


Découvrez le reportage de Corinne Bian Rosa :
 
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