"La chasse n'a plus le soutien de la société", selon Michel Gauthier-Clerc

Dans son livre "Les chasseurs ont-ils tué la chasse ?", le docteur en écologie Michel Gauthier-Clerc revient sur plus de 60 ans d'histoire de la chasse en France. Et souhaite expliquer la déconnexion grandissante entre la société et le monde de la chasse.

Dans le Loiret et l'Indre-et-Loire, s'ouvre la saison de chasse ce dimanche 18 septembre. Sur fond de fébrilité pour le monde de la chasse française : un rapport du Sénat espère instaurer un nouveau cadre de sécurité autour de la pratique de la chasse. Rapport qui ne va pas assez loin pour les anti-chasse, et va trop loin pour la toute-puissante Fédération nationale des chasseurs (FNC).

Car le sujet même de la chasse cristallise de nombreuses oppositions politiques dans le pays depuis quelques années, avec la montée de mouvements prenant en compte le bien-être animal pour s'opposer purement et simplement à la mise à mort de la faune sauvage. De l'autre côté, les déclarations très médiatiques du patron de la FNC, Willy Schraen, provoquent régulièrement la polémique. Comme son emploi du terme de "racisme anti-chasse", prophétisant que les chasseurs finiront "par porter l'étoile orange". 

Vétérinaire et diplômé d'un doctorat en écologie à l'université de Tours, Michel Gauthier-Clerc a publié le 9 septembre son essai Les Chasseurs ont-ils tué la chasse ?, dans lequel il revient notamment sur cette posture récente de la FNC. Depuis vingt ans, il participe à des comités scientifiques sur la chasse, notamment auprès de l'office français de la biodiversité (OFB) et du conseil national de la chasse et de la faune sauvage. Entretien.

France 3 : Pourquoi vous-demandez vous si les chasseurs ont tué la chasse, comme le dit le titre de votre livre ?

Michel Gauthier-Clerc : Déjà parce qu'on est dans une situation où les représentants de la chasse, donc la FNC, et les chasseurs sont deux choses très différentes. Et il y a une déconnexion puissante entre la société et la chasse, remise en cause par ce qu’elle est et son image. 

Aujourd'hui, la chasse est notabilisée. Comme en Sologne, où les grands propriétaires mettent des barrières. Le président de la FNC, Willy Schraen, est en direct avec l’Elysée. Au niveau départemental, c'est pareil avec les préfets. 

France 3 : On entend régulièrement les déclarations polémiques de Willy Schraen dans les médias. À quoi répondent-elles ?

Michel Gauthier-Clerc : Les chasseurs seraient victimes d’agressions, de chasse-bashing, ils parlent d’écoterrorisme. C’est une stratégie de communication pour n’évoluer sur rien. La FNC essaie de reprendre la thématique de la ruralité, portée auparavant par Chasse, pêche, nature et traditions. Sauf que ça ne prend pas. Thierry Coste (important lobbyiste de la chasse, ndlr) a dit lui-même : "L’idée que défendre la chasse revient à défendre la ruralité dans son ensemble est une assimilation fallacieuse mais que nous avons réussi à installer." Et la chasse n'a même plus le soutien de la ruralité autant qu'avant. Parce que, en se notabilisant, la chasse est devenue déconnectée de la population. 

Aujourd'hui, les représentants de la chasse ne veulent aucun compromis avec les ONG de protection de la nature. Et les ONG ne sont pas par essence anti-chasse, mais veulent des réformes. En parallèle, le mouvement du bien être-animal s'est développé. La question n’est plus de ne plus chasser telle espèce en danger. Pour One Voice ou L214, on ne doit pas tuer un animal par loisir. C’est une question légitime : est-ce qu’on peut tuer un animal par loisir ? 

France 3 : Comment expliquer que la FNC campe sur ces positions ?

Michel Gauthier-Clerc : Les générations actuelles de chasseur ont toujours vécu dans un monde où ils ont le droit d’aller sur les propriétés, sans compromis avec les habitants, alors que ce n'était pas le cas avant les années 60. C’est vrai, ils ont la loi avec eux. Et il y a les années Chasse, pêche, nature et traditions où les succès électoraux étaient plus dus à la défense de la ruralité que de la chasse. Mais la FNC tente de récupérer ça, ça donne un surpoids électoral au monde de la chasse.

Pourtant, le vote des chasseurs aux élections présidentielles se répartit globalement comme le vote de la population française. Dans les années 2000, c'était encore transpartisan de défendre la chasse. Mais le vent tourne. Ils tiennent beaucoup sur le soutien d’Emmanuel Macron et du Sénat. Hors de la majorité et du Sénat, on a soit une demande forte de réforme comme à La France insoumise et chez les écologistes, soit des partis qui ne savent pas trop. Donc, si ils perdent le Sénat et le président, ça peut tourner très vite, parce qu'ils n'ont plus le soutien de la société. 

France 3 : Donc ils sont en retard sur la société ? La chasse pourrait disparaître en France ?

Michel Gauthier-Clerc : Le nombre de chasseurs diminue depuis 1975. Avant, la chasse se transmettait dans la famille. Dans les années 70, vous aviez le père, l’oncle et le fils qui étaient chasseurs. Mais la transmission à la génération d’après s’est cassée, avec l'écroulement de la chasse populaire. Notamment avec la disparition du petit gibier à cause de l'agriculture et de maladies. Il fallait une discussion avec les mouvements de défense de l’environnement à l'époque.

L’image du grand-père avec son fusil et son chien, qui va tirer la perdrix, à la Pagnol... c’est une carte postale. La chasse a beaucoup changé. Depuis les années 70, on est sur une approche productiviste, avec des éleveurs qui lâchent énormément d'animaux. La chasse populaire a disparu avec cette petite agriculture (en moyenne, le chasseur est un homme assez âgé et assez aisé, ndlr). Aujourd'hui, la chasse s’en sort avec le sanglier. Mais c'est une chasse particulière, vous ne vous baladez pas tranquille avec votre chien. 

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