Un millier de jeunes agriculteurs reçus à l'Elysée ce jeudi par Emmanuel Macron et parmi eux Charlin Halloin, agriculteur à Danzé dans le Loir-et-Cher. Qu'attend-t-il de ce rendez-vous ? Interview.
Il aura 30 ans la semaine prochaine. Charlin Hallouin est agriculteur dans le Loir-et-Cher sur une exploitation familiale de 165 hectares. Il est la quatrième génération à travailler dans cette ferme de Danzé près de Vendôme.
Sur ses hectares, Charlin produit de la grande culture, du colza, du blé, de l'orge, des tournesols, des pois et du sarrasin. Il s'est installé en octobre 2017. Est-ce que ce sont ces critères qui lui valent une invitation à l'Elysée ce jeudi 22 février ? Qui le sait ? Pas Charlin en tout cas. "J'ai moins de 35 ans, je me suis installé l'année dernière... et j'ai un casier judiciaire vierge", rajoute-t'il dans un éclat de rire. "Je ne sais vraiment pas ce qui me vaut d'avoir été choisi. Mon voisin répond aux mêmes critères et il n'est pas invité par le président".
Une séance de calinothérapie à l'Elysée ?
En janvier, lors de ses voeux aux paysans français, Emmanuel Macron estimait que "l'agriculture était une des clés de notre avenir. Or elle est aujourd'hui à la croisée des chemins". Il a fait part de sa volonté "d'une transformation en profondeur de l'agriculture française" afin de lui faire "retrouver la voie vertueuse de la valeur" avait t-il déclaré. Quelques mois auparavant, son ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot annonçait l'arrêt du glyphosate, semant le trouble parmi les agriculteurs. La prochaine réforme de la carte de France des zones agricoles défavorisées, demandée par l'Union Européenne, n'a pas apaisé les esprits. A la veille du salon international de l'agriculture, c'est peu dire que la relation entre le président de la République et les agriculteurs est tendue. Dans ce contexte, le chef de l'Etat a souhaité recevoir au palais de l'Elysée, 1.000 jeunes agriculteurs. Va-t-il faire des annonces ? Réussira t-il à les rassurer ? Charlin Hallouin est sceptique.
Qu'attend Charlin de ce rendez-vous élyséen ? Comment voit-il son avenir d'agriculteur ? Qu'est ce qui l'a poussé à se lancer dans ce métier réputé difficile ? Interview sans filtre.
- C'est la pression familiale qui vous a poussé à devenir agriculteur ?
Dès mes 18 ans, j'ai voulu me lancer malgré la mise en garde de mon père. C'était il y a déjà 10 ans et à l'époque, il ne voyait plus d'avenir dans l'agriculture. Trop de contraintes, trop de normes. Et puis j'étais bien jeune, et nous n'avions pas la capacité financière d'être deux sur l'exploitation. Alors j'ai poursuivi des études : un BTSA analyse et conduite de systèmes d'exploitation d'abord, puis un master agricadre, pour développer des compétences en commerce ou gestion. Puis je me suis entêté par passion. Et je me suis installé.
- Comment concevez-vous votre métier ? Comment voyez-vous votre avenir ?
Quand j'ai terminé mes études, j'ai pris un poste dans un centre de gestion agricole où je suis toujours salarié. Activité que je n'ai pas quitté en reprenant l'exploitation familiale par lucidité. Aujourd'hui l'exploitation est viable, mais pour faire face à d'éventuels problèmes financiers, j'ai souhaité garder une double activité. Mais mon métier d'agriculteur, j'y crois ! A condition de ne pas nous mettre des bâtons dans les roues. Je suis sur une exploitation agricole raisonnée où je pratique l'agriculture en conservation des sols. C'est-à-dire que je cherche à préserver l'environnement, l'agronomie des sols et leurs rentabilités. Je pratique la rotation des cultures, l'utilisation de couverts végétaux. Oui j'utilise des produits phytosanitaires, mais si je peux m'en passer je le fais. Quand mes cultures ont un parasite, j'essaye le purin ou des huiles essentielles. Comme un médecin qui alternerait antibiotiques et homéopathie. J'estime qu'on a en France toutes les armes pour réussir dans l'agriculture, mais il faut arrêter de nous mettre des bâtons dans les roues !
•De quel bâton parle-t-il ?
Charlin Hallouin :
On va se dire les choses. Je parle de l'interdiction au glyphosate sans nous offrir d'alternative. "On verra dans 3 ans", dit le gouvernement puis maintenant c'est dans 5 ans. Il nous faut plus de visibilité. Selon la législation, on a le droit de mettre entre 4 à 7 litres de glyphosate par hectares. Je n'en mets qu'un litre avant d'y déposer la graine car c'est tout ce dont j'ai besoin car je vous l'ai dit je trouve des alternatives. Je suis très sensible sur la question de la santé, et encore une fois si je pouvais éviter les produits phytosanitaires je le ferais. Mais pour l'heure, on nous offre pas d'alternative. Et dans le même temps, les agriculteurs d'Amérique du Sud eux utilisent le glyphosate carrément sur les cultures, et leurs récoltes se retrouvent ensuite sur les marchés européens !
- Qu'attend-t-il de cette journée à l'Elysée avec le président de la République ?
Je n'attends rien de lui. En revanche, il sait ce que nous, agriculteurs, attendons de lui. Il faut qu'il arrête d'être dans la politique générale et qu'il passe à du concret, qu'il nous offre un véritable calendrier sur le glyphosate. Est-ce dans 3 ans ? Dans 5 ans ? Et si il n'y a pas d'alternative, qu'est ce qu'il va se passer ? Il a annoncé 5 milliards d'euros pour l'agriculture sur 5 ans. Comment vont-ils être utilisés ? Hollande avait fait la même annonce et c'est toujours la crise.