Dès le 1er mars, le service de médecine de l'hôpital de Neuville-aux-Bois, dans le Loiret, sera fermé. Officiellement, cette fermeture temporaire pour cause de manque de personnel durera jusqu'en septembre. Mais beaucoup craignent une fermeture définitive.
Un "constat d'échec", un "crève-cœur", mais une décision justifiée. Ce 1er mars, le service de médecine de l'hôpital Pierre-Lebrun de Neuville-aux-Bois, commune rurale du Loiret située entre Orléans et Pithiviers, va fermer temporairement ses 28 lits. "Les patients seront redirigés vers leur domicile, vers l'Ehpad", ou, en fonction de leur choix, "vers les centres hospitaliers d'Orléans ou Pithiviers" explique à France 3 Isabelle Brivet, la directrice de l'hôpital. Quant au personnel, il sera réaffecté à l'Ehpad.
Un déficit d'une quinzaine d'infirmiers
En cause, le manque de personnel, en particulier d'infirmière, qui impose une forte tension sur les équipes déjà très sollicitées. Le problème du manque d'effectif est national, mais touche bien plus durement les petites communes. Paie faible, conditions de travail exigeantes qui peuvent vite devenir infernales, logique comptable : il devient vite compliqué pour les établissements déjà en manque de personnel de capter les quelques professionnels pas encore stabilisés.
Neuville est pas une exception. Pas loin d'ici à Pithiviers il manque une quinzaine d'infirmières, à Orléans une centaine. Les intérimaires ont "le choix" des établissements où ils peuvent travailler. On a tout essayé, on a essayé de tenir mais on n'arrive pas à avoir nos effectifs complets, donc à un moment donné c'est une décision qui s'impose à nous.
Isabelle Brivet, directrice de l'hôpital
Concrètement, au mois de mars, "il y avait 16 nuits où on avait aucune infirmière" cite le maire de la commune et président du conseil de surveillance de l'hôpital, Patrick Hardouin. "C'est une décision radicale", admet-il, "qu'on ne prend pas de gaieté de cœur". Mais "soit on ne fait rien et on joue avec la sécurité des patients, soit on ferme pour une durée déterminée".
Une stratégie qui peine à convaincre
La stratégie actuelle consiste donc à fermer le service en pariant sur la capacité de l'établissement à capter une partie de la prochaine promotion d'infirmières formées à l'IFSI d'Orléans qui entrera sur le marché du travail en septembre. L'hôpital compte aussi sur le retour d'une infirmière en congé maternité et d'une autre en formation. Mais la stratégie pour attirer de nouveaux professionnels semble encore un peu vague : "il faut aller les rencontrer, trouver les bons mots, convaincre que le métier d'infirmier peut se pratiquer à l'hôpital public dans de bonnes conditions", évoque le maire.
Et de fait, le personnel ne se montre pas très convaincu. "Ils disent qu'ils vont ré-ouvrir en septembre et recruter à nouveau des infirmières, mais on n'y croit pas", lâche en passant Fabiola Courtois, infirmière et déléguée du personnel affiliée au syndicat Force Ouvrière.
Le service de médecine, explique-t-elle, est "stratégique" pour la survie de l'hôpital et aussi pour l'accès au soin des habitants des environs.
On a besoin de nos hôpitaux. Les habitants ont toujours connu cet hôpital. Pour la plupart ils y sont nés, et ils aimeraient bien finir leurs jours ici. Ils sont inquiets, tout comme les agents de Pierre-Lebrun
Fabiola Courtois, déléguée FO
Or "on est dans le doute, on est dans le flou". "Le problème d'effectif infirmier va subsister", poursuit Fabiola Courtois, qui ne comprend pas que cinq candidatures déposées récemment par des intérimaires n'aient pas été gardées "sous le bras" pour maintenir le service ouvert.
En outre, le personnel encore présent est déjà "fatigué" et sous tension après des mois de crise sanitaire. "Il ne nous reste qu'une infirmière de nuit sur deux, et elle va muter", dénombre la déléguée syndicale. "Il nous faut aussi un praticien hospitalier, car aujourd'hui notre praticien est en arrêt maladie et il est proche de la retraite." Enfin, face à la pénurie nationale de personnel, parier sur une réouverture du service en septembre grâce à de nouvelles candidatures en août lui paraît très optimiste.
"On veut encore se battre pour cet hôpital"
De fait, Neuville-aux-Bois n'est pas le premier établissement touché par ce genre de fermeture dans ce département très sous-doté. Pendant les vacances de Noël, l'hôpital Lour-Picou de Beaugency avait aussi dû fermer son service de médecine, réaffectant son personnel à d'autres sites sous la menace de sanctions et occasionnant une grève le 14 janvier. "On a eu aussi la médecine de Beaune-la-Rolande qui a fermé, maintenant c'est à notre tour", redoute Fabiola Courtois.
"On veut des réponses justes et sincères sur cette fermeture, qu'on pense définitive", insiste Fabiola Courtois. Et au-delà, "on veut des actes ! On veut encore se battre pour cet hôpital."