Alors que François Bayrou, écartelé entre Pau, Mayotte et Matignon, a mené une série de réunions avec les chefs de groupes parlementaires ce lundi 16 décembre, ces derniers posent leurs conditions et leurs "lignes rouges" à une future collaboration.
Premier et dernier allié d'Emmanuel Macron, François Bayrou durera-t-il plus longtemps que les 90 jours de Michel Barnier à Matignon ? Avant de nommer son gouvernement, le maire de Pau, Haut-commissaire au Plan et président du MoDem a rencontré ce 16 décembre les chefs des différents groupes parlementaires, promettant de former la coalition la plus large et la plus stable possible.
L'extrême droite pose ses conditions
Première reçue, la présidente du groupe des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, accompagnée du chef du parti Jordan Bardella, a salué une "méthode plus positive" que son prédécesseur Michel Barnier, accusé de l'avoir reçue trop tardivement.
Elle a souhaité que le chantier du mode de scrutin à la proportionnelle, revendiqué aussi par François Bayrou, soit engagé "juste après le budget" et associé la proposition de la gauche de ne pas censurer le gouvernement en échange d'un abandon du 49.3, à des "tractations indignes".
"Si on met tous les groupes politiques autour de la table, il y a une possibilité" que le gouvernement fonctionne sans être censuré, a jugé pour sa part Thomas Ménagé, porte-parole du parti d'extrême droite et invité à Dimanche en politique sur France 3 Centre-Val de Loire. "Mais il faut que ce gouvernement acte une rupture avec le macronisme", et le vote du budget 2025, en février, sera "l'heure de vérité".
Si c'est un budget qui augmente les impôts, les charges pour les entreprises, alors il connaîtra le même sort. Nous aurons les mêmes lignes rouges et les mêmes attentes.
Thomas Ménagé, député du Loiret et porte-parole du RN
Une ouverture à gauche ?
Alors, le RN sera-t-il un partenaire de choix d'un gouvernement centriste ? "De toute façon, il faut être dans le dialogue avec tout le monde", répond Sabine Thillaye, députée MoDem d'Indre-et-Loire. En revanche, pour "bâtir le socle très large" nécessaire à un gouvernement qui fonctionne, la "clé", dit-elle, "me semble à gauche".
Il est temps maintenant de dire : voulons-nous créer ce socle large avec des engagements de part et d'autres ? Nous sommes sans budget et nous avons besoin d'avancer.
Sabine Thillaye, députée MoDem d'Indre-et-Loire
Et la gauche, qu'en pense-t-elle ? Pour l'ancien sénateur et figure du PS, Jean-Pierre Sueur, la France va devoir apprendre, dans la douleur peut-être, à sortir de la culture du "fait majoritaire". C'est-à-dire d'une situation où le camp du président de la République, qui prend généralement le contrôle de l'Assemblée au lendemain de l'élection présidentiel, est habitué à diriger plus ou moins seul.
Le message qu'ont envoyé les Français aux dernières législatives c'est : la coalition de gauche est en tête, mais il n'y a pas de majorité.
Jean-Pierre Sueur, ancien sénateur PS du Loiret
Or, en l'absence de majorité, les parlementaires et le gouvernement vont devoir "adopter une culture du compromis, qui n'est pas une culture de la compromission" juge l'ancien secrétaire d'État d'Edith Cresson et Pierre Bérégovoy sur le plateau de France 3. "Ce n'est pas dans notre culture, mais il faut bien qu'on ait un gouvernement !" Pour autant, "notre but n'est certainement pas de nous éloigner de la gauche ou de ses idéaux".
Quelles que soient les lignes rouges et les conditions posées par les différents partis, la décision finale de François Bayrou risque de se faire attendre encore un peu. Après sa première série d'entretiens, le Premier ministre s'envolera en effet vers Pau, où il continue d'occuper ses fonctions (ainsi que celles de président du conseil d'agglomération). Il doit aussi assister en visio à une réunion du centre interministériel de crise (CIC) sur Mayotte, où un cyclone a provoqué des centaines, voire des milliers de morts.