Handicap : "L'inclusion, c'est une vaste blague", témoigne une mère de famille du Loiret

Dans le cadre de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, ce dimanche 2 avril, France 3 a rencontré Frédérique Montel, maman de trois enfants en situation de handicap. Depuis 2017, avec les membres de l'association qu'elle préside, elle accompagne les familles du Nord-Loiret confrontées aux difficultés liées au handicap invisible.

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L'histoire de cette mère de famille pourrait s'apparenter à un parcours du combattant. Frédérique Montel, 45 ans, a dû faire face au handicap et aux complications qu'il entraîne, pour chacun de ses trois enfants. Deux sont porteurs d'autisme, les trois sont atteints du syndrome de l’X fragile.

Liâm est l'aîné de la fratrie. Lorsqu'il vient au monde, il y a 13 ans, Frédérique Montel a rapidement des soupçons. Son petit a beaucoup de mal à trouver le sommeil : "Dans une nuit, il devait dormir 3 heures, par tranches de 30 minutes"

Alors que son avenir professionnel en tant que styliste infographiste était tracé, Frédérique Montel cesse de travailler. "Personne ne voulait prendre Liâm", explique-t-elle. Le petit a besoin de beaucoup de contact.

Quand je parlais d'autisme, on me disait "c'est dans votre tête".

Frédérique Montel, mère de famille

"Très vite, je suis tombée enceinte des deux autres", poursuit-elle. Ses jumeaux, Ewan et Éfelyne, naissent alors que l'aîné n'a que deux ans. "C'était très compliqué", commente la maman. Éfelyne éprouve des difficultés pour se nourrir. "On a failli la perdre", se souvient Frédérique Montel. 

Les jumeaux ont six mois. Leur mère commence à s'interroger au sujet du petit garçon. Il hurle durant de longues minutes pour s'endormir et se balance beaucoup. Elle en parle autour d'elle mais, au début, personne ne l'aide à y voir plus clair. Jusqu'à ce qu'une pédiatre l'oriente vers une association seine-et-marnaise, Aura 77. 

Avant la prise en charge, la phase de tests pour poser un diagnostic

Aura 77, spécialisée dans l'accompagnement des familles, accélère les choses pour qu'Ewan puisse passer des tests à l'hôpital Robert-Debré, à Paris. Au lieu des deux ans habituels, les délais sont raccourcis à six mois. Ewan a deux ans quand on lui diagnostique des troubles du spectre autistique.

La maman tente également de faire passer les tests à son aîné, Liâm. On lui décèle le syndrome de l’X fragile, une maladie génétique rare, à l'âge de 4 ans. "Liâm a des traits autistiques mais il n'est pas reconnu autiste", précise sa maman.

Le généticien m'a dit : "Votre vie, elle est foutue".

Frédérique Montel

Pour lever les doutes, Éfelyne subit également les tests. En plus de troubles du spectre autistique, elle a le syndrome de l’X fragile, elle aussi. L'annonce à la mère par le généticien est brutale. "On m'a dit qu'ils ne sauraient jamais lire ni écrire. Qu'il fallait que je fasse une croix sur mes enfants, que j'allais devoir les placer en institut ou bien qu'ils allaient vivre à mes crochets", raconte la maman.

La semaine qui suit est difficile. Il faut encaisser le choc. Mais, rapidement, Frédérique Montel se retrousse les manches. Il lui faut faire des recherches, trouver des professionnels pour accompagner ses enfants : éducateur spécialisé, orthophoniste, ergothérapeute, psychomotricien… "Du jour au lendemain, il faut tout trouver", se remémore-t-elle.

D'autant que, dans le Loiret, les professionnels de santé ne se bousculent pas. Qu'à cela ne tienne, Frédérique Montel se bat. "Mes enfants sont différents mais ça ne veut pas dire qu'ils sont foutus. C'est peut-être même plus une richesse qu'autre chose", lance-t-elle. 

Ce rejet de la société, qui est encore assez omniprésent, c'est assez violent.

Frédérique Montel

Le combat n'est toujours pas terminé

Aujourd'hui, ses enfants sont grands, 13 et 11 ans. Pourtant, le combat n'est pas terminé. Notamment de point de vue de la scolarité. L'année prochaine, Ewan risque de ne pas pouvoir entrer au collège. "On m'a bien fait comprendre qu'il n'avait pas sa place." Une situation que beaucoup trop de parents acceptent, selon elle. 

Elle raconte qu'en entretien annuel de suivi de scolarisation, les familles se voient régulièrement réduire le temps d'inclusion en milieu scolaire ordinaire. Avant d'être réorientées vers des structures adaptées. Au collège, ressortent souvent les arguments des classes surchargées, du manque de temps pour adapter les cours. De quoi, selon la mère, pousser certains jeunes à la déscolarisation totale.

"L'inclusion, c'est une vaste blague", commente Frédérique Montel. Selon elle, la loi de 2005 "pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées" est loin d'avoir porté ses fruits. Les institutions, le corps médical, l'Éducation nationale... elle semble ne plus leur faire confiance. "On est les parents, on sait ce qui est bon pour nos enfants", insiste-t-elle. 

On fait le travail du secteur public. Ça ne devrait pas être à nous de faire cela.

Frédérique Montel, présidente de l'AIPE 45

Avec trois autres mamans, Frédérique Montel a créé l'AIPE 45 en 2017, à Malesherbes. L'Association pour l'inclusion des personnes extraordinaires. Sa raison d'être ? Informer, sensibiliser, former, rassembler les familles et les professionnels pour favoriser l'inclusion des personnes en situation de handicap. 

"Ce qui nous fout en l'air, c'est qu'il y ait besoin d'associations comme nous. Ça ne devrait pas être à nous d'orienter les gens vers tel ou tel professionnel", souligne Frédérique Montel, présidente. À ses côtés, Laëtitia Verstraete, vice-présidente, Perrine Boin, trésorière, et Mylène Loyen, secrétaire, font partie des chevilles ouvrières de l'association.

"On aide les gens gratuitement", résume Frédérique Montel. Répondre aux appels, soutenir, faire des recherches, cela demande du temps et de l'énergie. Souvent, les soirées s'achèvent tard, pour la présidente et sa trésorière, notamment.

Avant la fin de l'année, l'association devrait proposer des sessions de formation autour du sujet de l'autisme, à destination des membres de l'Éducation nationale, des professionnels de santé mais aussi des parents. 

"On aimerait aussi rassembler les gens et briser l'isolement des familles. Quand on a un enfant en situation de handicap, on se sent seul. On voudrait proposer des journées autour du sport et de la musique adaptés", conclut Frédérique Montel.

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