Au sein de la mission d'information parlementaire sur le cannabis, la députée du Loiret Caroline Janvier pointe les nombreuses problématiques du sujet, souvent ignorées. Les conclusions de la consultation citoyenne publiée ce 1er mars indiquent que les Français seraient favorable à la légalisation.
Dans le débat public, la question reste taboue. Pourtant, selon un récent sondage CSA commandé par le Collectif pour une Nouvelle Politique des drogues, 82 % des Français seraient favorables à ce que le sujet du cannabis soit mis sur la table. Quelques parlementaires l’ont bien compris et ont lancé, en janvier dernier, une mission d’information sur le cannabis qui a débuté par une grande consultation citoyenne destinée à en connaître les usages par la population. Les conclusions sont publiées ce 1er mars, après l’obtention de près de 250 000 réponses.
Parmi les rapporteurs du projet, la députée de la 2ème circonscription du Loiret, Caroline Janvier. "C’est un sujet beaucoup plus complet qu’on ne le croit, il touche différentes problématiques : la santé publique, la justice sociale, le trafic, la sécurité, la fiscalité", énumère la députée. De multiples problématiques trop longtemps ignorées qui l’ont poussée à se saisir de la question. La position répressive française ne porte visiblement pas ses fruits : d’après l’Observatoire français en drogues et toxicomanie (OFDT) la France est championne d’Europe de la consommation de cannabis (avec 5 millions de consommateurs réguliers), tandis qu’elle exerce une des politiques les plus dures du vieux continent. "La classe politique a préféré fermer les yeux pendant de nombreuses années", regrette Caroline Janvier. Elle compte faire avancer les choses avec cette première initiative parlementaire.
Selon les premières conclusions de la consultation citoyenne, environ 70 % des personnes interrogées se disent favorables à la légalisation du cannabis. Une solution que prône également la députée du Loiret. "La légalisation nous permettrait d’assécher le marché noir et de contrôler la qualité des produits, imagine déjà Caroline Janvier. Aujourd’hui les consommateurs ne savent pas ce qu’ils fument et ça peut avoir de lourdes conséquences sur leur santé." Elle y voit également une manière de limiter la consommation aux seuls adultes, car les conséquences sanitaires de la prise de cannabis restent avant tout dangereuses pour les moins de 25 ans. En comparaison, les dangers de l’alcool et de la cigarette restent bien plus meurtriers, selon les chiffres. Une incohérence qui, pour la députée, relève de l’ordre culturel.
Les Français s'intéressent-ils à la législation #cannabis ? Un premier élément de réponse. Samedi, on comptait près de 250 000 réponses à la consultation de l'Assemblée (on lui trouve un succès fou). A noter : une majorité de répondants (70%) est favorable à la légalisation. 3/
— Caroline Janvier (@CarolineJanvier) March 1, 2021
Au-delà de la santé publique, la criminalité liée à la drogue représente un enjeu considérable. Selon les derniers chiffres de l’Ofdt, en 2017 ce sont 67 500 infractions à la législation sur les stupéfiants qui ont été enregistrées, soit une hausse de 16 % par rapport à 2013. Dans 9 cas sur 10, elles concernaient le cannabis. "Il y a des quartiers entiers qui sont laissés à l’abandon, ce n’est plus possible", s’indigne la députée. Et le Loiret, son département, n’y fait pas exception. Le coût de la lutte contre le trafic de drogue représenterait 568 millions d’euros chaque année. Dans le même temps, la légalisation permettrait des recettes allant de 500 millions à 3 milliards d’euros, selon Caroline Janvier.
En relançant le débat, la députée craint une stigmatisation de la question, elle tient à prévenir : "Légaliser ce n’est pas encourager et banaliser, au contraire. Les recettes générées seraient en partie injectées dans la réinsertion des acteurs du trafic, mais aussi pour la prévention contre les dangers." Actuellement, 45 millions d’euros sont destinés aux campagnes de prévention. Trop peu pour que l’on puisse en constater les retombées pour Caroline Janvier. "Si on veut être efficace, il faut que le prix du cannabis légal soit dans un premier temps équivalent au marché noir, afin de le neutraliser. Ensuite nous pourrons augmenter le prix pour en tirer des bénéfices et faire diminuer la consommation", projette la députée.
Nous souhaitons que le débat soit sur la table pendant la campagne présidentielle de 2022
Avec cette mission d’information, l’objectif est d’amener le débat au cœur de l’élection présidentielle de 2022, sans qu’il soit caricatural. Mais Caroline Janvier ne veut pas aller trop vite : "Il faut du temps pour mener la réflexion, et agir de la meilleure des manières possibles au vu des nombreux enjeux." Comme l’a rappelé le 27 février dernier, l’élu de la creuse et infirmier anesthésiste Eric Correia, dans une tribune publiée par Le Monde, "même sur l’usage thérapeutique, la France possède déjà un retard considérable sur ses voisins européens. Qu’elle soit à des fins thérapeutiques ou récréatives, la légalisation du cannabis n’est pas pour tout de suite". Avec cette mission d’information parlementaire, l’ambition est pour le moment de briser le tabou afin d’avancer sur la question.