En 2022, Pauline Bourgoin* s'était fait retirer la garde de sa fille après avoir signalé ses soupçons d'inceste de la part du père. Puis avait retrouvé la fillette début 2023. Retour devant le juge du tribunal de Montargis ce mardi 11 avril : la mère a refusé de présenter l'enfant à son père.
Le 29 novembre 2022 ressemblait à un semblant de résolution : la jeune Louise*, âgée de 3 ans, allait pouvoir retourner vivre auprès de sa mère, Pauline Bourgoin*. Cette dernière s'était fait retirer la garde de Louise après avoir porté plainte contre son ex-compagnon pour des soupçons d'inceste sur sa fille. Le tribunal estimait ainsi que Louise était manipulée par ses deux parents, au centre d'un "conflit parental" post-séparation.
La fillette avait été alors placée auprès de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Loiret. S'en étaient suivis des manifestations en soutien à la mère et un traitement médiatique important. Depuis, après le jugement de novembre, Louise est revenue habiter chez sa mère, le 2 janvier 2023. Avec quelques week-ends et vacances passées chez son père.
"Dans tous les cas, je me fais tirer dessus"
C'est après l'un de ces séjours que Louise aurait rapporté de nouveaux faits à sa mère. "Elle rentre avec les parties génitales irritées, elle se décharge, elle pleure, elle me tape, elle se tape. Je ne la reconnais pas", raconte la mère auprès de France 3. Elle fait constater les irritations génitales à un médecin, qui lui explique que la raison peut être le frottement du pantalon. Elle finit par raconter à l'ASE ses derniers soupçons et le comportement de sa fille. Puis refuse de la présenter à son père.
Et l'histoire semble recommencer : la juge des enfants de Montargis lui envoie un courrier, la convoquant à une audience anticipée le 11 avril, et lui rappelant son obligation de présenter la fillette à son père. Elle s'exécute, mais le mal semble déjà fait : un rapport des services sociaux préconise un nouveau placement pour Louise, qui pourrait être prononcé ce mardi. "Dans tous les cas, je me fais tirer dessus, mais je ne peux pas abandonner ma fille", plaide la mère.
Raconter sa version de l'histoire
Malgré "la violence inouïe de la menace qui plane" en amont de l'audience, Pauline Bourgoin dit garder "l'espoir". Déjà car elle se retrouvera face à une nouvelle juge. Et parce qu'elle espère pouvoir raconter sa "propre histoire" à partir du rapport des services sociaux, dont elle ne conteste pas le contenu factuel sur sa relation avec sa fille, simplement l'analyse qui en est tirée :
Ils ne veulent pas entendre l'inceste. Ils m'ont dit : "La plainte contre monsieur a été classée sans suite, donc il n'y a rien eu, c'est prouvé." Alors que non, ça ne prouve rien du tout. Mais pour eux, si je dénonce, c'est que le problème est chez moi.
Pauline Bourgoin
Les services sociaux lui auraient ainsi expliqué que "si ma fille ne va pas bien, c'est que je ne vais pas bien, que je lui transmets. Mais évidemment que je ne vais pas bien, quand je vois ma fille comme ça !"
Servir une cause
À l'audience, Pauline Bourgoin compte mettre en avant le fait "qu'un placement, c'est une énorme violence, c'est la rupture du lien avec la figure parentale principale". Elle espère convaincre la juge des enfants de laisser Louise voir un psychiatre spécialisé dans les violences sexuelles. "Si son expertise dit qu'il y a une influence maternelle, alors placez-la. Mais ne la placez pas sans savoir la cause de son mal-être."
Après toutes ses péripéties judiciaires, Pauline Bourgoin continue d'informer la presse de l'avancée de son dossier. Le tribunal d'Orléans estimait pourtant qu'avoir prévenu les médias "interroge sur sa capacité à agir dans le seul intérêt de son enfant". Mais c'est cette médiatisation qui la "renforce", et la "fait tenir psychologiquement pour ma fille et pour défendre une cause" assure-t-elle : "Combien de mamans m'ont remerciée de faire connaître le calvaire qu'on subit ?"
Par courrier à la juge des enfants de Montargis, l'avocate de Pauline Bourgoin, Me Pauline Rongier, a sollicité la suspension des droits du père à l'égard de Louise en dehors de visites médiatisées. Après le classement sans suite de la plainte pour violences sexuelles, Pauline Bourgoin s'est constituée partie civile. Ce qui devrait amener à l'attribution prochaine du dossier à un juge d'instruction, et l'ouverture d'une nouvelle enquête.
*Les noms et prénoms ont été modifiés.