Au travail la journée et en prison la nuit, plongée dans le quotidien d'un détenu en semi-liberté

Le centre de semi-liberté de Montargis accueille une quinzaine de détenus. Là bas, on travaille à l'extérieur le jour, puis on rentre en prison la nuit. Un moyen de ne pas trop s'éloigner de la société, pour mieux s'y réintégrer après avoir payé sa dette à la société.

"Je m'en sors, et j'aimerais que ce soit le cas pour tout le monde". Liam a 35 ans, et après plusieurs séjours en prison, il affirme que la délinquance est désormais derrière lui. Contrat en poche, il a pu bénéficier d'un aménagement de peine. Le jour il travaille, la nuit il dort au centre de semi-liberté.

Un lieu connu des montargois 

Les montargois connaissent tous cet endroit. En plein cœur de ville, le centre de semi-liberté détient sa part de mystère pour qui n'y a jamais mis les pieds.

Prison révolutionnaire puis maison d'arrêt

D'abord couvent, puis prison révolutionnaire, c'est une maison d'arrêt qui s'installe entre ces murs jusqu'en 2000. La volonté gouvernementale de fermer les plus petits établissements, au profit de plus grands menace alors l'édifice. Par la mobilisation du personnel de l'époque, la prison se transforme finalement en centre de semi-liberté. 

Une dizaine de cellules sont réhabilitées, pour accueillir chacune jusqu'à quatre détenus. Ici, c'est la prison, sans être la prison. Son directeur, Dany Mont, affirme d'emblée "l'esprit est familial". Personne ne le contredira au fil des rencontres. L'effectif ressemble en effet à cette ambiance décrite, dix personnes, dont trois encadrants travaillent à faire tourner la structure.

En cas de condamnation à moins de deux ans de prison ferme, le juge peut décider d'aménager la peine sous forme de semi-liberté. C'est aussi le cas pour des détenus qui effectuent de longues peines, pour permettre une forme de sas entre la détention et la liberté.

Une passerelle avant la liberté

"C'est comme un moment de transition ici, être enfermé 24h/24 puis être livré à soi-même, c'est pas évident".

Liam, 35 ans anciennement détenu à la prison Orléans-Saran

"Ici on nous écoute", reconnaît Liam. Sans accompagnement, certains retrouvent plus facilement les connaissances d'avant l'incarcération. Des fréquentations qui ramènent parfois vers des habitudes de délinquance. 

L'incarcération fragilise les familles

La semi-liberté, c'est un peu comme être en prison à temps partiel. La journée, les détenus travaillent, le soir, ils rentrent dormir en prison. "Les horaires s'adaptent" explique Dany Mont, en fonction du contrat de chacun. Certains ont aussi des plages horaires dédiées à des visites de famille.

"Ma dette à la société, je ne suis pas seul à la payer, ma famille aussi".

Liam, 35 ans, détenu bénéficiant d'un aménagement

La prison fragilise les familles. La conjointe ou le conjoint peut se retrouver seul à élever les enfants du couple pendant la peine. Des dettes, parfois contractées pendant les périodes de délits, retombent aussi souvent sur les proches du détenu.

Reprendre un emploi, c'était avant tout pouvoir assumer ses erreurs, assure Liam, et continuer d'assumer son rôle de parent.

Une entrée incognito

De l'extérieur, personne ne peut dire si celui qui entre est personnel ou détenu. L'entrée de service donne sur le canal de Briare, et permet à la dizaine d'hommes qui rentrent au centre de passer incognito.

Dehors laisse alors place à un couloir dans lequel les plafonds sont bas. L'ambiance prend des allures de cave, mais avec des murs jaunes. Chaque détenu y trouve un casier bleu, dans lequel il peut ranger les affaires qui lui sont interdites en cellule. 

Normalement, à chaque entrée, la fouille intégrale est obligatoire. Ici, elle est aléatoire, en cas de suspicion. "On s'adapte à la réalité" affirme d'abord le directeur "de jour, j'ai un surveillant pour l'établissement. S'il doit fouiller 17 personnes..." Et puis, poursuit-il, cela n'irait pas dans le sens de relations apaisées et d'une préparation à la sortie du monde carcéral. 

Difficile de trouver du travail sans téléphone 

Parmi ce qui restera sous clé, le téléphone portable. Une règle qui paraît un peu désuète, au regard des évolutions du monde professionnel. "Pour chercher un travail, il faut pouvoir être joignable par téléphone, par les boîtes d'intérim par exemple", détaille Zora Benamhouda, directrice du service d'insertion et de probation du Loiret. 

Difficile à comprendre, aussi, pour les détenus qui souhaitent retrouver rapidement du travail, pour mieux se réinsérer. Les entreprises du bâtiment par exemple, sont susceptibles de joindre leurs futures recrues à tout moment. Un appel raté peut parfois ralentir fortement les démarches. Pôle Emploi, CAF, déclarations d'impôts, ce sont aussi autant de démarches qui sont désormais dématérialisées.

Dany Mont soutient quant à lui sa volonté d'autoriser les smartphones. Les démarches sont en cours auprès de sa hiérarchie.

Un potager et des activités pour encourager la réinsertion

Cette ancienne maison d'arrêt garde les stigmates de sa vie d'avant, comme le jardin, ou la cour de promenade, bétonnés. La direction de la structure souhaite réhabiliter les espaces. 

Une association locale devrait bientôt intervenir pour permettre aux détenus de cultiver leurs propres fruits et légumes. "C'est une vraie symbolique" assure Zora Benhamouda. "Attendre que ça pousse, prendre soin des plantations", autant de qualité qui seront indispensables lorsqu'il faudra faire face au monde extérieur.

Des partenariats sont aussi mis en place pour passer le code de la route. Obtenir le permis de conduire restant l'un des outils majeurs pour obtenir un travail, et réussir à retrouver une place dans la société.

Retrouver une part d'humanité

"Quand on fait plus de sept ou huit mois de prison, on a besoin de se réadapter" confirme Liam. Derrière les barreaux, les journées sont rythmées, toujours les mêmes. "Ici, on n'est pas juste un numéro", ajoute-t-il.

"Ici, c'est moins robotisé qu'à Saran. En détention, le temps ne passe pas, on ne voit que des détenus"

Arnaud, détenu placé en semi-liberté

Un point important pour Jessica. Elle est surveillante pénitentiaire depuis sept ans. Éternelle enthousiaste, Jessica a un entrain communicatif. "Certains ont besoin d'un cadre, nous sommes là pour les motiver, les encourager", une logique bien différente de la maison d'arrêt ou le centre de détention "là-bas on les enferme". À ses yeux, les peines de prison ferme restent nécessaires, mais réadapter les détenus à la vie extérieure par étapes l'est tout autant.

"L'enfermement joue sur le cerveau, on voit des détenus se dégrader".

Jessica, surveillante pénitentiaire

"Je ne vous dis pas qu'ils mettent en pratique tout ce que je leur dis, mais ils écoutent" détaille-t-elle. Parfois, il faut faire preuve d'autorité, "dans ces moments-là je les recadre, puis ils s'excusent". Le cadre rend, selon elle, le climat plus favorable, et sécurise certains détenus.

"La juge a beau faire ce qu'elle veut, si vous ne voulez pas vous en sortir, vous ne vous en sortez pas", dans la bouche d'Arnaud, détenu, à ses yeux le sort de chacun n'appartient qu'à soi-même.

"Si la prison ne tue pas, elle dégrade", assure de son côté Zora Benhamouda, proactive dans le développement des alternatives à la prison ferme. Les détenus qui accèdent à cet aménagement doivent avoir un projet de sortie construit dès la prison, avec l'aide d'un conseiller d'insertion et de probation. Une décision qui reste révocable par un juge. 

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