Gilets jaunes de Montargis : "Il y a tellement de gens dans la souffrance, ils ne veulent plus dialoguer"

L'AFP s'est rendue auprès des gilets jaunes du rond point du MacDonald, à l'entrée de Montargis. Pour certains, il est trop tard pour le dialogue. 

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Elle est transie sous la pluie froide et son gilet jaune, mais "Isa" ne lâche pas son carrefour à l'entrée de Montargis, malgré l'ouverture du débat public en ville, alors qu'un acte XIII des manifestations se profile. Pour cette ouvrière de 57 ans qui plafonne à 1.200 euros par mois après 39 ans d'usine, "Macron prépare les européennes mais il s'en fiche de nous". 

 A Montargis, au fil des années, la zone industrielle s'est vidée, la caserne militaire a fermé, envahie par les herbes folles, et le chômage atteint 13%, plus que la moyenne nationale. Hors d'un petit centre coquet, les rues alignent les pavillons aux volets clos, l'immobilier sombre.

La ville attire les naufragés de la région parisienne par ses faibles loyers, explique Frank Supplisson, président de l'Agglomération. "Le mouvement [des gilets jaunes] reste dynamique ici, appuyé par une bonne partie de la population"
 

"J'ai le sentiment de m'être fait avoir"


Le grand débat public ouvert par le président de la République jusque mars n'aura pas, pour certains, le succès escompté.  "La colère ne rentrera pas dans le tube, prédit Marc, retraité de 64 ans. Il y a tellement de gens aujourd'hui dans la souffrance, ils ne veulent plus dialoguer".
 

Malgré ce sentiment, il pense que le grand débat est une occasion à saisir. "Il faut savoir sortir d'un conflit. On a une chance de s'exprimer, prenons-la. Mais je le dis au président, répondez immédiatement aux travailleurs pauvres. Sans attendre la fin des débats".

Lui était là le premier jour, en gilet jaune, sur le rond point cacahuète, au sud de la ville. Il a manifesté "du 17 novembre au 22 décembre, avec des personnes âgées, des mères isolées, des retraités, des gens qui ont frappé à toutes les portes et n'y arrivent plus".  A côté d'eux, avec sa retraite à 2500 euros, il est considéré "comme un nanti". "Mais toutes mes taxes ont augmenté. J'ai le sentiment de m'être fait avoir", confie-t-il. 
 

Le premier débat


Le premier des quatre débats s'est tenu jeudi soir : 45 personnes dans une salle municipale d'un quartier populaire pour deux heures d'échanges.

En ligne de mire, la fiscalité "pour les riches", la désertification médicale, l'absence de transports, l'absentéisme des députés, les contrats précaires et les temps partiels, qui obligent à cumuler deux, trois emplois pour boucler les fins de mois. Le micro passe de main en main, sans temps mort.
 

Venue d'un village voisin où "aucun bus ne passe jamais", Marie-Reine Poulin est une quadragénaire responsable de cantines scolaires. "J'ai parfois quinze candidats pour un contrat de quinze heures hebdomadaires, j'en ai honte. Je ne veux pas entendre que les gens sont paresseux", tonne-t-elle.
 

La tentation politique


Jérémy, 41 ans, aurait voulu être présent, mais ses deux mois de mobilisation et de manifs à Paris ont eu raison de son entreprise de bâtiment. "Je suis passé d'un chiffre d'affaire mensuel de 30 000 euros à zéro" dit-il. Il a dû se séparer de ses deux salariés. Il travaille maintenant 7/7 jours, pour remonter la pente. 

"On vit dans un pays riche, comment accepter que des gens ne puissent pas vivre de leur travail ? Dans les grandes villes, on s'en rend moins compte. Mais si on n'agit pas, on va dans le mur". Son épouse est numéro deux sur une liste de gilets jaunes aux européennes de mai. Une initiative qui prône le référendum d'initiative citoyenne mais qui divise, surtout à Montargis où trois des six premiers noms éligibles sont des locaux. "Certains veulent être rois!", ricane Marie-Reine.

Pourtant, Jérémy reste optimiste. "Sur les ronds-points, j'ai rencontré une fraternité incroyable. Malgré nos désaccords, le mouvement a tenu. On veut être consultés et entendus."
  
 
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