Longtemps apprécié de la macronie et titulaire du record de longévité au ministère de l'Education, Jean-Michel Blanquer quitte le gouvernement au terme de cinq années qui ont vu son étoile pâlir, notamment ces derniers mois. Son avenir politique se joue désormais dans le Loiret.
La nomination de son prédécesseur a été La grande surprise des nominations ministérielles. L'historien Pap Ndiaye, spécialiste des discriminations raciales en France et aux Etats-Unis a été nommé vendredi 20 mai ministre de l'Education nationale en remplacement de Jean-Michel Blanquer. "Un symbole de rupture qui va plutôt dans le bon sens ", a analysé de son côté Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU et professeure de sciences économiques et sociales, invitée de franceinfo le lendemain de la passation de pouvoir. Aïe !
Ce lundi, le gouvernement Borne se réunit pour le premier Conseil des ministres. Jean-Michel Blanquer n'en fait donc plus partie, alors même, que la moitié de ses collègues a été reconduit. Pourtant, il détient un record de longévité à la tête du ministère. Cinq années de bons et loyaux services, mais jonchées de polémiques en tout genre.
Maillon fort du premier quinquennat Macron
Ce "techno" pragmatique de 57 ans, inconnu du grand public à son arrivée rue de Grenelle, était familier avec cette gigantesque machine qu'est l'Éducation nationale, premier budget de l'État : Jean-Michel Blanquer a été recteur de l'académie de Créteil de 2007 à 2009 et Directeur général de l'enseignement scolaire (DGESCO) de 2010 à 2012. Il a longtemps été considéré comme un maillon fort du premier quinquennat Macron, au point de battre en septembre le record de longévité d'un ministre de l'Education de la Ve République, détenu depuis 1967 par Christian Fouchet. Ce ministre très médiatique bénéficiait aussi d'une bonne cote de popularité auprès du grand public.
Un petit exploit à un poste réputé difficile où le ministre a impulsé la réforme du bac, le dédoublement des classes de CP et CE1 dans les zones d'éducation prioritaire et œuvré pour garder les écoles ouvertes au maximum malgré le Covid. Cette dernière mesure a été saluée par l'OCDE.
Des réformes tous azimuts, jugées toutefois "trop nombreuses" par les syndicats des enseignants qui ont aussi peu apprécié certaines de ses orientations et son manque de concertation et de préparation, notamment dans la gestion de la crise du Covid-19 à l'école.
"Ibizagate"
Une exaspération qui a conduit en janvier 2022 à une grève largement suivie, pour dénoncer la pagaille des protocoles sanitaires. Sa position a été fragilisée lorsque la presse a révélé que la communication sur ce sujet, à la veille de la rentrée des vacances de Noël, avait été orchestrée d'Ibiza où le ministre était en vacances. Cet "Ibizagate" avait conduit M. Blanquer à faire amende honorable au journal de 20H00 de TF1, disant "regretter la symbolique" de ces vacances.
On reconnaissait alors au sein même de la majorité que cet agrégé de droit public, ancien directeur de la grande école de commerce Essec, avait perdu de son crédit. "Il a tout perdu en quelques jours: une grève très suivie, son gouvernement qui le désavoue", disait alors un membre de son entourage.
Il s'est depuis retrouvé isolé et le ressentiment d'une partie des profs est allé crescendo. Selon un sondage effectué par le SNUipp-FSU (syndicat du primaire) en mars, près de 73% des 25.000 instituteurs interrogés disent ne pas être satisfaits de leur situation professionnelle actuelle.
Guislaine David, secrétaire générale de ce syndicat, évoque auprès de l'AFP un ministre doté d'"une personnalité très forte". "Un idéologue arc-bouté sur ses positions, qui n'admet pas la contradiction", estime-t-elle.
Bientôt député dans le Loiret ?
En février, le Sénat a noté avec sévérité le bilan de Jean-Michel Blanquer: la mise en œuvre de ses réformes a été dans de nombreux cas "mal accompagnée", donnant ainsi le sentiment de "naviguer à vue" et de créer des "générations d'élèves cobayes".
"Jean-Michel Blanquer agace, oui, et depuis longtemps", concède un fidèle d'Emmanuel Macron. "Mais il aura été le symbole de ce que le président de la République voulait: la durée". Au sein de la majorité, certains déplorent les orientations prises par M. Blanquer au-delà de la gestion de la crise sanitaire. Notamment son combat passionné contre le "wokisme" ou "l'islamo-gauchisme", des thèmes chers à la droite et dont il s'est emparé avant - mais surtout après - l'assassinat du professeur d'Histoire-géographie Samuel Paty en octobre 2020. Il a lancé en octobre 2021 son think tank "Le Laboratoire de la République".
Exfiltré du nouveau gouvernement, Jean-Michel Blanquer, en quête d'ancrage local, joue désormais son avenir politique en se présentant aux élections législatives dans la 4e circonscription du Loiret occupée par le LR Jean-Pierre Door qui ne se représente pas.
Critiqué aussi pour ses maladresses, le ministre aura fait parler de lui jusqu'au bout. Il a ainsi été épinglé vendredi - dernier jour de son mandat - pour avoir fait venir la veille une chorale de Poitiers avant la passation de pouvoirs. L'annonce du gouvernement tardant, les jeunes chanteurs sont finalement repartis après s'être produits devant les seuls agents du ministère. Une addition à 3.000 euros, a confirmé à l'AFP le rectorat de l'académie de Poitiers.