Ce mardi 4 juin, Fazia Megchiche a défendu sa version des faits, au quatrième jour de son procès aux assises. La veille, son frère l'a accusée d'avoir tué les deux victimes. Elle lui a, à son tour, mis tout sur le dos.
Aucune surprise, et un peu de dégoût. Comme tout le monde s'y attendait, Fazia Megchiche a tenu sa ligne : dans l'affaire du double meurtre de Karine Foucher, infirmière libérale, et de son patient Jacques Samson à Châlette-sur-Loing en 2019, elle n'a strictement rien fait. Le fautif serait Messaoud, son frère, et uniquement lui.
"Il y a un mari, des enfants, des familles qui ont connu ces deux personnes qui méritaient de vivre. Vous pouvez encore changer de version. Mais demain, il sera trop tard, a tenté de la convaincre le procureur de Montargis, et avocat général du procès, Jean-Cédric Gaux. Il y a votre sort, ce que vous allez devenir. Et il y a tous ces gens-là, qui sont venus pour la vérité."
Rien n'y a fait. "Je suis mère de famille, ça me fait beaucoup de peine de ne pas pouvoir leur apporter plus que ça", a-t-elle soutenu, lors de son interrogatoire par la cour ce mardi 4 juin.
"Tout ce que je sais, c'est que je n'y étais pas."
La veille, Fazia a été violemment accusée par son frère. Les deux meurtres ? C'est elle. Les mains coupées ? Aussi. La passivité, la lâcheté et la complicité, en revanche, c'est lui. Ce mardi matin, l'accusée a développé le négatif de cette version. "Je crois qu'il inverse avec ce qu'il a pu faire." Messaoud proteste de temps à autre, rapidement réprimandé par le président.
Pendant toute l'instruction, Fazia Megchiche a clamé son innocence, et a continué sur sa lancée ce mardi. Elle affirme ne pas savoir ce qui s'est réellement passé chez Jacques Samson, n'avoir rien fait à aucune des deux victimes. "Tout ce que je sais, c'est que je n'y étais pas." Elle connaissait l'octogénaire, a fait du ménage chez lui en 2017, et a été prise dans une affaire de chèque qu'il lui aurait fait, mais qui n'est jamais passé. La nièce du vieil homme avait signalé l'affaire aux forces de l'ordre. "Jacques Samson ne me devait rien, je n'étais pas rancunière", soutient l'accusée.
Le mystérieux récit de la nuit
Le récit de la nuit précédant les faits, et de la matinée, a particulièrement intéressé la cour. Messaoud explique avoir bu assez pour être "éclaté". Fazia assure qu'il n'a pas bu une goutte et a insisté pour qu'elle boive. Messaoud jure être parti chez Jacques Samson à la demande de sa sœur, Fazia maintient avoir dormi, vu son frère se lever vers 5h30 du matin, et sortir de la douche à 8h30. Entre-temps, elle n'aurait pas bougé de chez elle.
Une innocence clamée au mépris des nombreux indices accumulés contre elle. Notamment la présence de son ADN sur une poignée de porte de la voiture de Karine Foucher, sur les vêtements de l'infirmière, sur le col et à l'intérieur de la manche d'un manteau éclaboussé du sang de la victime, et sur un mégot et une boîte de boules Quiès retrouvée chez Jacques Samson.
L'explication toute trouvée : Messaoud l'a piégée. Le mégot, "il vient de la soirée, il l'a pris et l'a mis là". Pour tout le reste, "je ne me l'explique pas". Elle explique être devenue "parano" :
Est-ce qu'il a amené Karine Foucher chez moi, est-ce qu'il l'a fait me toucher pendant que je dormais ? Je ne sais pas, j'ai eu beaucoup d'hypothèses.
Fazia Megchiche
Les incohérences au microscope
Les avocats des parties civiles, l'avocat général, et le conseil du frère, se sont appliqués à coincer Fazia Megchiche dans ses incohérences. Notamment en lui rappelant sa première garde à vue en 2019, lors de laquelle elle soutient que son frère a bu la veille des faits. Elle oublie également, alors, de parler de cette phrase que Messaoud lui aurait prononcée le jour des faits : "J'ai pris des trucs à toi et je les ai laissés là-bas."
Pourquoi ne pas l'avoir dit tout de suite aux enquêteurs ? "Je n'avais pas encore fait le lien, je ne savais pas de quoi il parlait, c'est plus tard que je me suis mise à y penser, que je me suis souvenue." "Pourtant, il vous déclare : "T'es baisée, si tu parles tu es baisée", pourquoi vous ne l'avez pas dit", insiste Jean-Cédric Gaux, avocat général. La réponse de Fazia fait lever quelques sourcils. "Je ne voulais pas dire n'importe quoi, c'est mon frère." "Donc vous avez omis volontairement ?" "Oui."
Pourquoi, alors, Messaoud aurait fomenté une machination contre sa sœur, chez qui il habite, attirant les regards des enquêteurs vers lui-même ? "Dans sa tête, ça doit être logique." Pour quel mobile ? "Parce qu'il me déteste." Est-il intelligent ? "Peut-être pas, mais il est capable de tout". Son avocat ne prend pas la peine de l'interroger.
Les familles ulcérées
Pour ce qui est des espoirs des familles d'obtenir des aveux, on en restera là. Avant de se rasseoir, Fazia Megchiche se tourne vers les parties civiles. "Je suis vraiment désolée pour les familles." Plusieurs "pffff" très audibles montent des rangs où les proches des victimes sont assis. "Je suis désolée de ne pas pouvoir leur apporter plus de compléments." À peine la phrase entamée, une femme se lève précipitamment de ces mêmes rangs, ulcérée, et quitte la salle.
La journée de procès s'est poursuivie avec l'audition des deux autres accusés : Mehmet Sari, qui comparait pour ne pas avoir dénoncé le crime, et Damien Gauthier, suspecté d'avoir recelé des armes volées chez Jacques Samson. Chacun clamant n'avoir rien su des faits. Et les différents avocats ne se sont pas spécialement attardés sur leurs interrogatoires. L'essentiel ne semblait pas là.