Procès des meurtres de l'infirmière et de son patient : perpétuité pour Messaoud Megchiche, 30 ans de prison pour sa sœur Fazia

Après de très lourdes réquisitions contre les deux accusés, leurs avocats ont défendu deux thèses opposées lors de leurs plaidoiries, au dernier jour du procès de Fazia et Messaoud Megchiche aux assises du Loiret, ce mercredi 5 juin. Et réclamé tantôt l'acquittement, tantôt des peines allégées. Les jurés ne les ont pas entendus.

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Des peines très lourdes, très proches des réquisitions. Comme l'avait réclamé le ministère public, les jurés de la cour d'assises du Loiret ont condamné Messaoud Megchiche à la réclusion criminelle à perpétuité. Soit la peine maximale prévue par le Code pénal, assortie d'une période de sûreté de 22 ans. Sa sœur, Fazia Megchiche, écope de son côté d'une peine de prison de 30 ans, et d'une sûreté de 20 ans.

Au terme de leur procès ce mercredi 5 juin, ils sont tous les deux reconnus coupables des meurtres de l'infirmière Karine Foucher et de son patient de 84 ans Jacques Samson, à Châlette-sur-Loing le 21 octobre 2019. Ni la sœur, ni le frère, qui garde les bras croisés, ne bronchent pendant l'énoncé du verdict et des peines.

Le tout pour le tout

Leurs défenses avaient pourtant tout tenté pour leur éviter la plus haute des peines. "L'évidence, c'est ce que les gens ont besoin d'entendre." Mais l'évidence "peut être trompeuse". Damien Vinet est le dernier avocat à parler lors des plaidoiries. Pour les parties civiles, pour l'avocat général, une certitude : elle est coupable des meurtres de l'infirmière Karine Foucher, et de son patient Jacques Samson, à Châlette-sur-Loing le 21 octobre 2019. Son frère Messaoud, lui était présent, mais son degré d'implication fait débat.

Sauf que Fazia, depuis le début, clame son innocence. "Ça fait un an qu'elle me dit qu'elle n'y était pas", lance Maître Vinet. Lui, au moins, semble la croire. Et, comme les témoignages du frère et de la sœur, les plaidoiries de leurs avocats respectifs se sont frontalement opposées.

Opposition sur le récit des crimes

Sur le récit même des faits, et sur le motif des crimes. Un seul point d'accord entre eux : en rendant visite à son patient, à 6h ce jour-là, Karine Foucher est devenue une victime collatérale. Pour le reste, tout diverge, chaque avocat se pressant autant à défendre leur client qu'à accuser l'autre.

"Il y a une dette de prostitution", commence Caroline Le Meur, le conseil de Messaoud Megchiche. Une supposée dette de Jacques Samson envers Fazia, datant de 2017. "Elle est déjà venue, elle sait où sont les couteaux, elle sait qu'il y a des armes à revendre", estime l'avocate. Selon elle, Fazia Megchiche a repéré "un pigeon, comme elle dit". Ce serait pour ça qu'elle aurait entraîné, ce 21 octobre 2019, son frère avec elle chez Jacques Samson.

Elle sait que c’est un vieux monsieur, qui perd la mémoire, qui vit seul, qui perd ses clés donc la maison n’est pas fermée la nuit. Fazia Megchiche, c’est le rouage indispensable de ce dossier.

Me Caroline Le Meur, avocate de Messaoud Mechiche

En somme, le crime est "facile".

Première opposition, et Maître Vinet contre-attaque. "Qui a besoin d'argent pour ses doses [de cocaïne et d'héroïne], qui sait comment revendre des armes ? Fazia ? Non", assène l'avocat de l'accusée. Il avance également sa propre théorie sur la raison de l'amputation des mains de Jacques Samson. Pour se débarrasser de l'ADN de Fazia, comme l'avance Messaoud ? "Je n'y crois pas."

Car les enquêteurs ont retrouvé, en évidence dans l'appartement, la carte d'ancien combattant de Jacques Samson, mobilisé pendant la guerre d'Algérie. Pour lui, "il faut être dans une rage folle" pour couper deux mains, "ça ne se fait pas une heure après les faits". Selon l'avocat, Messaoud Megchiche aurait saisi le couteau en découvrant que la victime "a du sang algérien sur les mains".

Les "abracadabrantesques" scénarios de l'ADN

Prochaine étape de la discorde, les analyses ADN. Car le profil génétique de Fazia Megchiche a été retrouvé à de nombreux endroits : un mégot de cigarette et une boîte de boules Quiès chez Jacques Samson, sur les vêtements de Karine Foucher, ou encore sur la poignée extérieure arrière droite de la voiture de l'infirmière. Pour Caroline Le Meur, voilà une preuve de culpabilité accablante.

Preuve corroborée par un élément fourni, pendant les débats, par Messaoud. Lui confesse avoir conduit la voiture dans laquelle Karine Foucher, poignardée 16 fois, a été transportée au bord d'une route près de Montargis, lieu de découverte de son cadavre. Il affirme que Fazia, assise à l'arrière, "a baissé la fenêtre et ouvert la porte en utilisant la poignée extérieure pour descendre". Or, "on ne savait pas que la sécurité enfant était mise, jusqu'à ce qu'un avocat des parties civiles le demande à la famille, il y a 48 heures".

Du reste, Fazia ayant défendu la thèse du transfert de son ADN par son frère, Me Le Meur s'appuie sur les conclusions scientifiques pour qualifier les hypothèses de l'accusée (Messaoud aurait pu emmener Karine Foucher chez Fazia) d'"abracadabrantesques". Me Vinet semble, à première vue, d'accord. Là-dessus, "ma cliente dit n'importe quoi". Et, c'est normal, assure-t-il, "puisqu'elle n'y connaît rien".

Il développe : "À l’abri des intempéries et du soleil, l'ADN se conserve. Comme sur cette boîte de boules Quiès, pendant deux ans." Le mégot ? Il note que les enquêteurs n'ont pas retrouvé de cendres de cigarettes dans la maison.

Et puis quand même, accordez-lui le crédit de pas être complètement débile. Elle est sur une scène de crime, elle va fumer une clope, et elle va jeter sa clope. Bien sûr...

Me Damien Vinet, avocat de Fazia Megchiche

Pour Damien Vinet, pas de doute, Messaoud Megchiche a délibérément placé un mégot de sa sœur sur les lieux. Pour toutes les autres traces, il défend la thèse des gants de Fazia, que Messaoud aurait retournés et portés pour disséminer l'ADN de sa sœur.

La personnalité des accusés à la loupe

Autre aspect principal de la joute, la personnalité des accusés. Celle de Fazia, que "toute sa famille accuse d'être mythomane", soutien Caroline Le Meur. Elle pointe du doigt les incohérences de ses déclarations aux enquêteurs, ayant fortement changé depuis le début de l'instruction. Et note : "Messaoud, décrit comme un suiveur, serait le criminel du siècle, machiavélique. Ce n'est pas crédible."

Damien Vinet reconnaît volontiers que la famille a chargé sa cliente, et s'interroge. "Fazia ne fait rien comme la famille voudrait. C’est le vilain petit canard. Celle qui n’est pas croyante, qui se prostitue, qui boit. Elle boit ! Elle jette l'opprobre sur la famille." Logique donc, selon lui, que les témoignages de la famille soient devenus l'opération "Il faut sauver le soldat Messaoud", raille-t-il.

Point de désaccord final, les confessions de Messaoud, faites à l'été 2023, lorsqu'il avoue avoir conduit la voiture, avoir assisté aux meurtres, n'avoir rien fait pour les arrêter, et avoir enterré les mains de Jacques Samson. "En le disant, il se dédouane", soutient Me Vinet. Multiplement condamné par le passé, "il connaît parfaitement les rouages de la justice, il sait qu'il faut donner à la justice. Si je ne veux pas prendre le max, il faut que je donne des biscuits."

Pour Caroline Le Meur, en revanche, les aveux de son client sont le signe qu'il "a compris que les familles ont besoin de réponses", et qu'il essaie "de devenir quelqu'un de meilleur". Rien à voir, donc, avec une potentielle atténuation de sa peine. Sauf que l'avocate plaide ensuite pour que son client ne soit pas reconnu coupable de meurtre, et estime même qu'il n'est pas vraiment complice non plus, n'ayant pas directement aidé, selon son récit.

"Le doute doit toujours bénéficier à l'accusé", plaide Caroline Le Meur, reprenant les mots du président de la cour en ouverture de l'audience, six jours plus tôt. Sauf que le doute a, aussi, été distillé par Damien Vinet. "Il y a tous les éléments pour que votre intime conviction soit celle d’un profond doute", a-t-il conclu.

Mais les jurés n'ont pas douté, et ont (presque) suivi les réquisitions, après 4 heures de délibérations.

Comme également requis, le troisième accusé, Mehmet Sari, à qui la justice reprochait de ne pas avoir dénoncé le crime, est acquitté. Damien Gauthier, accusé d'avoir recelé les armes volées chez Jacques Samson, écope d'une peine de 8 ans de prison avec sursis.

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