Au lendemain de l'intervention du député RN Grégoire de Fournas, ce dernier a été exclu de l'Assemblée nationale pendant 15 jours de séance. Pour une fois d'accord, la gauche et la majorité ont condamné unanimement cette sortie raciste, tandis que le RN dénonce une manipulation.
Racisme, amateurisme, un peu des deux ? Au lendemain de son intervention qui a valu une interruption de séance, le député RN de Gironde Grégoire de Fournas a été exclus de l'Assemblée nationale pendant 15 séances. La raison : avoir lancé " qu'il retourne en Afrique !" alors qu'un député LFI, Carlos Martens Bilongo, posait une question au gouvernement sur la gestion de l'immigration illégale, et de la catastrophe humanitaire qui se déroule en Méditerranée, où 3200 personnes sont mortes en 2021.
Juste avant cette interruption, Carlos Martens Bilongo prenait la parole au sujet de l' Ocean-Viking, un navire de l'ONG humanitaire SOS Méditerranée qui vient de secourir 234 personnes en détresse et attend de pouvoir les débarquer en Europe.
Le RN sur la défensive
Pour sa défense, le député RN et ses collègues ont affirmé que la phrase était lancée au pluriel, et concernait les " bateaux" transportant les migrants, et non le député LFI qui était en train de s'exprimer. En omettant le fait que les États africains auxquels l'Europe délègue son contrôle aux frontières sont régulièrement dénoncés pour les traitements inhumains subis par les migrants dans des camps de détention.
Pour le député d'extrême-droite du Loiret Thomas Ménagé, par exemple, " notre collègue est sanctionné par des opposants politiques dans une procédure politique visant des idées politiques. Ce sont eux qui sont dangereux pour la démocratie et la liberté d'expression".
Joint par France 3 pour tenter de comprendre quelles " idées politiques" se cachent derrière l'invective lancée par Grégoire de Fournas, Thomas Ménagé s'explique, renouvelant son soutien à son collègue. " Je parle de nos idées au sujet de l'immigration", persiste le député de Montargis, en particulier au sujet de la prétendue " submersion migratoire" de la France par les migrants qui traversent la Méditerranée... ou s'y noient.
" Ces bateaux doivent retourner en Afrique, bien sûr après avoir secouru les personnes, sauf si on veut accentuer la submersion migratoire de la France." Pour lui, le RN est victime d'un " deux poids de mesure" et d'une " manipulation" en raison de sa popularité.
C'est notre ligne politique. On peut la dénoncer, mais exclure un de nos députés juste pour avoir dit notre ligne, c'est de la manipulation.
Thomas Ménagé, député RN de la 4e circonscription du Loiret
Une réponse en ordre serré, mais qui n'a convaincu ni l'opposition de gauche, ni même la majorité. Ce 4 novembre, les députés ont voté en faveur de la plus forte sanction existante à l'égard d'un député : l'exclusion pendant 15 séances de Grégoire de Fournas.
"Le vrai visage du RN"
Il faut dire que cette sortie de route se produit après à peine cinq mois de législature, et surtout après vingt ans de dé-diabolisation du Front national, transformé par Marine Le Pen pour obtenir une image plus lisse. Même au sein du RN, d'ailleurs, d'aucuns grincent les dents en glissant que le député de Gironde " aurait mieux fait de se taire".
Pour une large partie de la gauche, comme le député écologiste de Tours Charles Fournier, c'est le " vrai visage du RN qui s'exprime en plein hémicycle". Sur Twitter, il a dénoncé des " paroles ignobles, pénalement répréhensibles et réglementairement aussi".
" Et quand je pense que certains de la majorité présidentielle ont voté pour eux à la vice-présidence de l’Assemblée nationale ", relance pour sa part Nicolas Sansu, député PCF du Cher. " Soutien à mon collègue."
Également joint par France 3, l'élu vierzonnais estime que " si vous regardez les tweets de ce sinistre personnage, vous verrez que le racisme, chez lui est une seconde nature". En effet, de nombreux tweets du député ont été supprimés après le 3 novembre, mais certaines captures d'écran restent.
"C'est une résurgence du racisme qui transpire et exsude du RN", tance encore Nicolas Sansu. "Et là dans un moment non maîtrisé on voit leur vrai visage".
Le compte-rendu est clair, [...] quand on est raciste au singulier, la défense ne peut pas être le racisme au pluriel.
Nicolas Sansu, député de la 2e circonscription du Cher
Bourde assumée ou acte manqué, force est de reconnaître que cette séquence tombe à pic pour les adversaires du RN. Le parti, d'ailleurs, tente de se ressaisir. Selon une information du JDD, le Rassemblement national est déjà en train d'envisager un éventuel recours.