Trois motions de censure ont été déposées à l'Assemblée ce lundi 24 octobre, pour faire face au passage en force du gouvernement sur le budget et le financement de la sécurité sociale. L'une d'elle, déposée par la Nupes et votée par le RN, est passée à 50 voix de renverser le gouvernement.
"Coup politique" ou "choix cohérent" ? Ce lundi 24 octobre, les députés du Rassemblement national ont surpris leur monde en votant la motion de censure déposée contre le gouvernement par la Nupes, comme promis plus tôt dans la journée par Marine Le Pen. La motion a ainsi recueilli 239 voix pour, à 50 voix de la majorité absolue nécessaire à son adoption.
Car ce jeudi était marqué par un double usage de l'article 49.3 par le gouvernement, pour faire passer son budget 2023 et son financement de la Sécurité sociale sans demander l'approbation des députés. L'alliance de gauche et le Rassemblement national ont chacun déposé une motion de censure contre le budget, la Nupes en déposant une deuxième sur la Sécu. Objectif : "obtenir une expression et un vote après le 49.3, choix autoritaire qui met fin aux débats", résume Charles Fournier, député EELV d'Indre-et-Loire. Pas forcément, donc, pour renverser le gouvernement, ce qui serait arrivé si une motion avait été adoptée. "Et si le gouvernement est renversé, le président peut toujours en nommer un autre…"
La stratégie payante de Marine Le Pen
Les trois motions de censure n'ont été votées que par la gauche, le Rassemblement national, et quelques autres députés comme Olivier Serva du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoire, ou le non-inscrit d'extrême-droite Nicolas Dupont-Aignan :
- La motion de la Nupes contre le budget a été votée par la Nupes et le RN (239 voix),
- La motion du RN contre le budget n'a été votée que par le RN (90 voix),
- La motion de la Nupes contre la loi de financement de la Sécurité sociale n'a été votée que par la Nupes (150 voix).
Le vote du RN sur la motion de gauche a en tout cas eu le don d'en embarrasser certains dans les rangs de la Nupes. À tel point que deux députés de gauche ont préféré ne pas voter le texte, pour ne pas mélanger leurs voix avec l'extrême-droite. "Le RN est venu mêler ses voix en soutenant la motion de la Nupes dont le contenu est pourtant à l'opposé de leur projet, fustige Charles Fournier. L'inverse ne s'est pas produit et ne se produira jamais." Le parlementaire estime ainsi scandaleux que "Gérald Darmanin et des ministres laissent entendre que nous votons ensemble". Des propos "mortifères" qui "font le jeu du RN", affirme-t-il.
L'extrême-droite, justement, se félicite. Voter la motion de la gauche, une belle opération ? "C'est aux observateurs de le dire", se retient Thomas Ménagé, député RN du Loiret. Tout juste s'agit-il d'un "choix intelligent, cohérent avec notre ligne", assure-t-il : "On pensait qu'on serait opposés à tout, mais en voyant le texte, on a vu qu'il n'était pas clivant", raconte-t-il.
La stratégie payante de Marine Le Pen
Dès ce lundi, Le Figaro racontait que La France insoumise aurait tout tenté pour édulcorer la motion, la rendre plus fréquentable aux yeux du RN, pour recueillir leurs voix. Une thèse reprise sur les réseaux sociaux par plusieurs ténors anti-Nupes du parti socialiste, mais démentie par de nombreux parlementaires depuis. "C'est faux, la motion était très orientée écologie car nous l'avons écrite, répond Charles Fournier. Le RN a fait un coup politique, rien dans le texte ne saurait correspondre à leur projet."
Reste que ce coup politique a eu l'effet escompté pour l'extrême-droite : mettre chaque opposition face à ses contradictions. La gauche déjà : "Nous, on veut réellement censurer le gouvernement, assure Thomas Ménagé. Quand on voit que la Nupes ne vote pas les motions qui ne viennent pas de leurs rangs… Ils sont une opposition de gouvernement, pas une vraie opposition." Coup de pression aussi sur Les Républicains, "obligés de clarifier enfin leur position".
Alors LR, opposants ou constructifs ? Ce lundi, en tout cas, ils n'ont voté aucune motion de censure. "Depuis des mois, depuis avant l'élection, je le dis : on est sur une position qui n'est pas assez claire", estime Nicolas Forissier, député LR de l'Indre. Pour lui, "il faut faire un choix", et assumer une position de semi-allié avec la majorité :
On est majoritaires au Sénat et nous faisons la décision à l'Assemblée, on a toutes les cartes en main ! On est prêts à stabiliser la situation, maintenant, la majorité doit aussi faire un pas vers nous. Je dis au président : chiche !
Nicolas Forissier, député LR de l'Indre
Sauf qu'une bonne partie de ses camarades LR ne sont pas du même avis. Le député d'Eure-et-Loir Olivier Marleix, chef des Républicains à l'Assemblée, s'est ainsi démarqué sous la précédente mandature par des positions anti-Macron assumées. Face aux menaces de dissolution de l'Assemblée brandies par le président de la République en cas de renversement du gouvernement, Olivier Marleix répond : "Nous y sommes prêts."
Partie remise ?
Pas au point, cependant, de voter les motions de censure, ou d'en déposer une. "Si mon groupe dépose une motion, je ne la co-signerai pas", balaie Nicolas Forissier. Se disant "téméraire", il assure que sa position "est partagée par de plus en plus de gens" au sein de sa famille politique. À voir si le gouvernement choisira l'alliance avec LR, sur de futurs textes comme la réforme des retraites ou le renforcement des moyens policiers. Thématiques chères à la droite.
Reste que, à en croire Thomas Ménagé, "le gouvernement est plus en danger que jamais". Ergo, une dissolution n'a rien d'inenvisageable. Alors, repartir en campagne, c'est pour bientôt ? "On n'a pas peur, si on doit prendre le risque, on le prendra", promet le député d'extrême-droite. Pour l'écologiste Charles Fournier , "le retour aux urnes, ni ne nous fait peur, ni n'est ce que nous attendons" :
On veut juste du débat. Alors que le 49.3 est clairement une volonté de passer en force. Décidément, notre pays n'est pas habitué à la proportionnelle et au parlementarisme.
Charles Fournier, député EELV d'Indre-et-Loire
Retrouvez ci-dessous le vote de vos députés du Centre-Val de Loire sur les trois motions de censure déposées ce lundi 24 octobre à l'Assemblée nationale :