Témoignage. Fuites urinaires : "Ils nous posent un implant miracle et ne nous préviennent pas qu'il peut y avoir des complications"

Publié le Écrit par Marine Rondonnier et Florent Clavel

Chaque année, environ 30 000 femmes ont recours à la pose de bandelettes contre les fuites urinaires. Problème : certaines développent des complications postopératoires handicapantes. Au point qu'elles n'hésitent plus à se rendre aux Etats-Unis pour se faire retirer leur implant. C'est le cas de Gwladys Silly, habitante du Loiret qui réclame avec d'autres patientes l'interdiction de ces implants.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Les médecins français y sont opposés, en raison d'une balance bénéfices-risques qui resterait largement en faveur de ces bandelettes. Mais pour Gwladys Silly, coiffeuse à Cepoy dans le Loiret,  il devient urgent d'interdire la pose de ces implants contre les fuites urinaires.

Elle raconte son calvaire qui a duré cinq ans : 

"Avant de me faire opérer, j'étais bien. J'avais quelques fuites urinaires à l'effort depuis trois ans mais rien de très grave. J'adorais danser. Je pouvais faire le grand écart ayant été gymnaste dans mon enfance. Et là, dès la salle de réveil, après la pose de la bandelette urinaire, je ne pouvais même plus lever la jambe. J'ai dû appeler une infirmière parce que je ne pouvais plus articuler la jambe gauche". 

C'était en 2019. Le chirurgien lui dit que c'est normal, alors elle reprend le travail dans son salon de coiffure au bout de dix jours. Mais les douleurs persistent. "Je me levais tous les matins comme une femme de 70 ans". Douleurs sciatiques, crurales sur le nerf avant de la cuisse, infections urinaires à répétition, l'impression de recevoir des coups de poignard, impossible de monter des marches...les gestes du quotidien ne sont que douleurs pour cette ancienne gymnaste. 

"Ils nous posent un implant miracle et ne nous préviennent pas qu'il peut y avoir des complications," déplore Gwladys Silly. 

Et pendant trois ans, aucun médecin ne lui confirme que ces douleurs sont bien causées par la bandelette urinaire. Une errance médicale interminable. Un rhumatologue lui découvre une tendinite au moyen fessier au bout d'un an après que son médecin lui a dit qu'il ne pouvait plus rien faire pour elle. Ensuite elle est allée voir de nombreux chirurgiens en pensant que c'était la hanche. Puis sa gynécologue pour vérifier le stérilet. "J'ai fait des IRM de partout, un contrôle technique du corps entier.

À chaque fois, la même réponse : "Vous n'avez rien madame. Peut-être que c'est dans votre tête." Et la maman de deux enfants de répéter inlassablement qu'elle ne peut plus vivre avec cette douleur.

Un premier espoir en 2022, après trois ans d'errance médicale

Un jour, trois ans après la pose de l'implant, une gynécologue découvre lors d'une échographie pelvienne que la bandelette urinaire était trop serrée et que la jeune femme souffrait d'une adénomyose de l'utérus. Il s'agit d'une forme particulière d'endométriose touchant le muscle utérin, qui se caractérise par la présence anormale de tissu endométrial, dans la paroi du muscle de l'utérus. 

Elle est opérée par une gynécologue à Paris qui coupe l'implant. La douleur disparaît. La jeune femme revit.

Mais elle se rend vite compte que c'était grâce aux médicaments. Au bout de trois jours, les douleurs neuropathiques reviennent. " Quand vous coupez l'implant, au bout d'un moment, il perfore tout le vagin et finit par vous mutiler à l'intérieur", raconte-t-elle sans concession.  

La seule solution : l'opération aux Etats-Unis

Elle tient grâce au soutien de ses clients et de ses amis.  Puis, elle découvre un groupe de soutien avec des avocates qui s'occupaient de 43 femmes avec des douleurs similaires aux siennes. " Je me suis rendu compte que je n'étais pas seule".

Là, elle comprend que la seule solution pour que son cauchemar cesse est de se faire retirer l'implant. "En France, très peu de chirurgiens savent le faire. Et on peut ressortir avec d'autres séquelles en plus parce qu'ils n'arrivent pas à enlever l'implant greffé dans notre chair sans couper un peu de muscle qui tourne autour."

Gwladys Silly se tourne donc vers les Etats-Unis. Une solution très coûteuse pour la jeune femme qui doit à nouveau fermer son salon. 20 000 euros pour l'opération et le voyage. C'est le dr Dyonisios Veronikis qui l'opère. Le médecin pratique chaque année 300 retraits de bandelettes. Des retraits complets, sans couper les muscles. Une cinquantaine de patientes viennent de France. 

Il est devenu le spécialiste du retrait de ces implants. "J'ai bien vu à quel point les femmes souffraient. Alors j'ai développé mon expertise pour pouvoir les aider au mieux. Je me suis beaucoup entraîné pour réussir à enlever ces implants". 

Pour lui, la pose de bandelette contre les fuites urinaires devrait être interdite. "Selon des études, il y aurait au moins 5 à 10 % de femmes qui subiraient des complications mais je pense que c'est plus. Elles se font opérer pour améliorer leur qualité de vie mais en fait elles la perdent. " 

À partir de la fin des années 90 il y a eu une explosion du nombre de poses de bandelettes urinaires. 

Il y a des alternatives sans utiliser de bandelette qui aident les femmes.

Dyonisios Veronikis, chirurgien américain spécialiste du retrait des bandelettes urinaires

Pour ce médecin américain, la pose de bandelette ne devrait plus exister. Quand les patientes arrivent dans son cabinet, elles partagent toutes les mêmes sentiments : la colère, la tristesse et l'impression que l'opération aux Etats-Unis est leur dernière chance. 

"Ils rendent service à certaines femmes mais ils détruisent aussi la vie d'autres femmes. Il y a des alternatives sans utiliser de bandelette qui aident les femmes. Mais cela demande la technique et d'être capables de réaliser ces interventions. " 

Pour lui, tant que les médecins ne reconnaîtront pas les complications liées à la pose de ses implants, ils ne chercheront pas à se former à des solutions alternatives. 

Un dispositif sûr et efficace pour les médecins français

En France, selon les chiffres officiels, 3% des femmes souffrent de complications à la suite de la pose d'une bandelette urinaire.  

Nicolas Brichart, chef du service chirurgie urologique au CHU d'Orléans pose chaque année une quarantaine de bandelettes sous-urétrales. Pour lui, ce dispositif reste sûr et efficace. "Le nombre de complications très invalidantes est très faible. Le taux d'efficacité est de 92%. Soit les femmes n'ont plus d'incontinence urinaire soit leur incontinence a été largement réduite. Donc il y a une balance bénéfices-risques qui est incontestable."

Il a permis une amélioration nette de la qualité de vie pour de nombreuses patientes mais il faut être capable d'aider les patientes qui ont des complications, les soutenir et trouver des solutions.

Dr Nicolas Brichart, chef du service chirurgie urologique au CHU d'Orléans

Cet urologue s'oppose fermement à la suppression de ce type de traitement. "Il a permis une amélioration nette de la qualité de vie pour de nombreuses patientes mais il faut être capable d'aider les patientes qui ont des complications, les soutenir et trouver des solutions." 

Ce chirurgien dit ne jamais avoir été confronté à des patientes souffrant de complications. 

Selon lui, il est possible d'intervenir en France en cas de problème. Mais il faut le faire rapidement.

 "Soit par une section de la bandelette dans les jours qui suivent l'intervention parce qu'elle peut être trop serrée. Et n'importe quel chirurgien est capable de la faire sans problème. Soit en cas d'infection de la bandelette, il peut y avoir une ablation partielle ou totale facilement. Enfin, si la bandelette est à l'origine de douleurs chroniques et invalidantes, c'est plus compliqué en effet de pouvoir la retirer complètement mais il existe un certain nombre de spécialistes en France qui savent le faire et il suffit de les envoyer à ces personnes-là." 

Le chirurgien déplore un manque d'informations en France mais tient à préciser que ces spécialistes exercent à Paris, Lyon, Nîmes et à Bordeaux notamment. 

Quant à Gwladys, elle a décidé de porter plainte contre X avec une centaine de femmes afin d'être indemnisées et de faire connaître leur combat. 

Qu’avez-vous pensé de ce témoignage ?
Cela pourrait vous intéresser :
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information