Malgré la constitutionnalisation de la liberté de recourir à l'IVG, la question de l'accès égalitaire pour toutes les femmes continue de se poser. Notamment en zone rurale.
La "liberté garantie" de recourir à l'IVG est désormais inscrite dans la constitution de la République française. Garantir une liberté, c'est bien. Mais garantir la capacité d'en jouir, c'est mieux.
En d'autres termes, l'accès à l'IVG est-il facile pour toutes les femmes de France ? Cette question, les députées Marie-Noëlle Battistel (PS) et Cécile Muschotti (LREM) se la sont posée, dans un rapport parlementaire daté de 2020. Elles y notent que "les infrastructures ne sont pas à la hauteur des besoins dans certains départements", avec pour conséquences "des inégalités territoriales".
Une femme sur quatre quitte l'Eure-et-Loir pour avorter
Si bien que, dans certains territoires, de nombreuses femmes sont obligées de quitter leur département pour avoir recours à une IVG. Dans l'Ain ou en Ardèche, c'est presque la moitié des patientes qui fuient leur territoire. En Centre-Val de Loire, l'Indre-et-Loire s'en tire le mieux (9 femmes sur 10 restent en Touraine pour avorter). Et l'Eure-et-Loir ferme la marche, avec 25% des femmes obligées de quitter le département.
Le rapport parlementaire de 2020 note ainsi que le Centre-Val de Loire "souffre d'un manque de gynécologues et de généralistes". Et "au sein même du département du Loiret, les disparités sont fortes selon qu’on habite, par exemple, Pithiviers, où la maternité et le centre IVG ont fermé en 2016, ou bien Orléans." Des inégalités territoriales qui entraînent automatiquement des inégalités sociales, dont les premières victimes sont "les femmes vulnérables (revenus modestes, mineures,...)", et celles se trouvant en "situation de précarité (SDF, femmes migrantes, personnes handicapées, victimes de violences conjugales,...)"
Désert des IVG
Une carte est, pour bien réaliser le problème, édifiante : la carte des centres IVG de la région, éditée par le site internet du Réseau Périnat Centre-Val de Loire. Dans certains coins du territoire, les professionnels sont loin. Plus de 20 km de Châtillon-sur-Indre, à 30 km d'Aubigny-sur-Nère ou de Toury, à 40 km de La Châtre.
Et même là où les centres sont nombreux, pas sûr de trouver un rendez-vous facilement. Y compris à Orléans. En décembre, le JDD racontait "le désert des IVG" dans le Loiret. Où même l'hôpital faisait patienter près d'une semaine pour un créneau. Ce jeudi 7 mars sur Doctolib, les rendez-vous avec des professionnels pratiquant l'avortement dans la région étaient très rares dans les trois jours. Beaucoup n'étaient pas proposés avant deux semaines.
Ce manque d'offre est particulièrement causé, toujours selon le rapport des députées Battistel et Muschotti, par un "désintérêt à l’égard d’un acte médical peu valorisé et considéré comme peu valorisant". Ainsi, selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), moins de 3% des médecins généralistes et gynécologues en cabinet pratiquent des IVG. Et seulement 3,5% des sages-femmes (qui ont le droit d'effectuer des IVG médicamenteuses depuis 2016 pour, justement, tenter de combler de déficit d'offre).
Obstacle supplémentaire : trouver le bon parcours avant d'avorter, et trouver les bons spécialistes. Le Planning familial est, dans tous les cas, un contact utile. Le Planning familial le plus proche de chez vous est trouvable sur la carte interactive mise à disposition par l'association.
D'après la Drees, 218 000 femmes ont eu recours à l'IVG en France métropolitaine en 2022, dont 7 414 en Centre-Val de Loire.