Un an après une tribune dirigée contre les manques de moyens dans les tribunaux, le monde de la justice était à nouveau dans la rue ce mardi 22 novembre. Objectif : dénoncer des conditions de travail intenables, qui dégradent la qualité de la justice rendue.
Un an après, la colère et la fatigue sont toujours là. Le 23 novembre 2021, un collectif de magistrats et de greffiers signaient une tribune dévastatrice dans Le Monde, pour dénoncer "une justice qui n'écoute pas et qui chronomètre tout". Ce mardi 22 novembre 2023, la justice était de nouveau dans la rue, pour réclamer plus de moyens, un peu partout en France.
Machine grippée
Et notamment devant le tribunal judiciaire de Montargis, où "il faudrait huit à neuf fonctionnaires greffiers en plus pour pouvoir tourner", estime Bruno Nottin, greffier et représentant syndical CGT. Également élu communiste à la mairie de Montargis, il estime que "la justice n'est pas rendue dans des conditions acceptables au tribunal" de la ville :
Depuis un an, rien n'a changé dans le bon sens, et la situation s'est même largement aggravée. Les effectifs de fonctionnaires tournent avec 25% de moins que l'effectif théorique, les délais s'allongent, les stocks grossissent, il y a une insécurité dans le travail parce que les collègues tournent sur de nombreux contentieux dont il n'ont pas l'habitude.
Bruno Nottin, greffier, représentant syndical CGT
Un constat partagé par le reste des professions du monde de la justice. Violette Fourgoux, agente administrative du tribunal de Montargis, explique être "sollicitée de toutes parts parce que mes collègues ne sont pas assez nombreux dans les services".
Mission de service public
Résultat selon elle, "on travaille à l'arrache". Magistrate, Marielle Faucheur explique de son côté vouloir "défendre notre mission et garantir une justice de qualité pour les justiciables" :
On le fera quoi qu'il en coûte. On peut travailler sur nos jours de congé, les greffiers restent souvent tard le soir. On peut le faire, mais jusqu'à quand ? Si on s'arrête parce qu'on est malade, qu'est-ce qui se passe pour le justiciable ? On devra renvoyer nos audiences, proroger nos jugements. On aura une justice de piètre qualité.
Marielle Faucheur, magistrate au tribunal judiciaire de Montargis
"Ce qu'on avait dénoncé il y a un an, le constat est le même aujourd'hui", lance Léa Clouteau, magistrate au parquet de Tours, membre du syndicat de la magistrature et signataire de la tribune de novembre 2021. Elle-même se dit témoin de "juges des affaires familiales qui prononcent des divorces en 15 minutes", et de "substituts du procureur qui rendent des décisions juste sur des comptes-rendus téléphoniques, sans avoir le temps de lire les dossiers".
Et ce n'est pas la hausse, annoncée pour 2023, de 8% du budget du ministère de la Justice qui contentera les manifestants. Le gouvernement promet ainsi l'embauche de 1 500 magistrats et greffiers d'ici à 2027. "C'est loin de ce dont on a besoin en juridiction", assure Léa Clouteau, depuis Tours. Car les présidents de tribunaux estiment, après un décompte précis, qu'il manque 1 500 juges pour faire fonctionner la justice en France, et pas moins de 4 000 fonctionnaires de justice. En attendant, autant dire que le compte n'y est pas, et n'est pas prêt d'y être.
Durant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis 8 500 postes supplémentaires en 2027.
Avec Karim Baila et Arthur Nys.