"Il nous faudrait une psychothérapie générale"... Ambiance à Saint Jean le Blanc dans le Loiret où douze conseillers municipaux ont démissionné de leurs fonctions le jeudi 20 octobre. Le dernier épisode d'un feuilleton politico-people qui dure depuis début 2022 ! La maire cristallisant toutes les critiques. La fin de l'immobilisme ou la nouvelle étape avant de nouvelles élections ?
Comment en est-on arrivés là ? Cette question fataliste, quelque peu naïve aussi, à peu près chaque membre du conseil municipal (actuel ou passé) de Saint-Jean-le-Blanc doit se la poser. Car dans cette ville de l'agglomération orléanaise, peuplée de 9 000 habitants, douze conseillers municipaux ont collectivement déposé leur démission le jeudi 20 octobre, comme le raconte La République du Centre. Le dernier feuilleton qui s'écrit de phrases assassines et d'engueulades publiques depuis le début de l'année 2022.
En avril, déjà, France 3 racontait comment la majorité de la maire Françoise Grivotet s'était fracturée, s'adonnant à un jeu de massacre symbolique. D'un côté les fidèles, défendant leur volonté d'appliquer le programme. De l'autre les frondeurs, qui critiquaient l'autoritarisme de la maire, à coup d'appels à la démission, de menaces de procès et de blocage du vote du budget. À trois reprises, le budget a été rejeté, avant que la chambre régionale des comptes ne doive venir mettre son nez dans les affaires municipales.
"Aveu d'échec"
Pour les frondeurs, le but était avant tout politique. Un acte "responsable", expliquait en avril à France 3 Thierry Charpentier, 1er adjoint (à qui la maire avait retiré ses délégations), pour permettre selon lui d'éviter la démission collective. Six mois plus tard, le constat est amer, alors que la démission collective a fini par se concrétiser. "C'est un aveu d'échec, et j'assume mon échec, de ne pas avoir réalisé ce pour quoi j'étais venu à la mairie", explique-t-il, une semaine après sa démission.
Avec lui, quatre autres adjoints sans délégation depuis des mois, quatre conseillers municipaux élus dans la majorité de la maire et devenus frondeurs, et trois conseillers de la liste d'opposition "Votre projet gagnant pour Saint-Jean-le-Blanc", ont présenté leur démission. Ironiquement, cette dernière liste était celle de la majorité sortante en 2020, qui, six ans plus tôt, avait écarté… Françoise Grivotet et Thierry Charpentier, pourtant adjoints jusqu'en 2014. Le monde est petit.
Des démissions "à regret", assure le même Thierry Charpentier, pour qui "ça ne servait à rien de rester dans cet état". L'état en question : un immobilisme des affaires de la commune. "Nous avons été élus pour appliquer un programme, réagit Françoise Grivotet. En en ne votant pas le budget pour des histoires de personnes, ils ont fait preuve d'égoïsme, sans penser aux répercussions sur les habitants."
Majorité sans majorité
La maire, droite dans ses bottes, regrette "le temps perdu", mais affirme suivre son cap. Tout en assurant se remettre en question face aux critiques de son ex-majorité :
Quand on est dans un groupe et qu'on n'est plus d'accord, on laisse le groupe, ça ne devrait pas être l'inverse.
Françoise Grivotet, maire divers centre de Saint-Jean-le-Blanc
Une affirmation rejetée en bloc par Thierry Charpentier. "Elle n'a plus la majorité dans sa majorité, ses propositions sont rejetées. Est-ce que c'est vraiment à nous de nous remettre en question ?" Ne souhaitant pas revenir sur les raisons profondes du désaccord, l'ancien allié de la maire jette malgré tout un doute : tout cela en valait-il vraiment la peine ?
D'un point de vue extérieur en tout cas, la perplexité est de mise. "Ça fait des années qu'ils se tapent dessus entre eux", ironise, quelque peu amer, Christophe Tafani. Arrivé quatrième de la quadrangulaire des municipales en 2020, il siège toujours au conseil municipal, dans l'opposition.
L'élu dit ainsi avoir bien vu "une souffrance chez les frondeurs, et chez une partie des personnels", dont certains ont quitté (ou vont quitter) leurs postes. "On n'a plus de directeur du personnel, plus de directeur financier, plus de responsable CCAS, liste-il. Il y a forcément un problème de management, une déliquescence du système."
Tu votes ou tu votes pas ?
Dès lors, comment reconstruire ? En lien avec la préfecture, la municipalité se charge de la succession des démissionnaires, qui seront remplacés par les non-élus de leurs listes respectives. "Ils siègent de facto, on va les rencontrer dans les prochaines semaines pour savoir s'ils veulent effectivement siéger", explique Françoise Grivotet. De quoi assurer, ne serait-ce qu'un temps, aux électeurs de ne pas avoir à retourner aux urnes.
Mais ce dernier scénario n'est pas à exclure totalement. Car, comme l'explique l'association des maires de France, le conseil municipal devra être entièrement renouvelé (ergo une nouvelle élection) si un tiers des sièges sont vacants. Avec 29 conseillers, Saint-Jean-le-Blanc peut donc se permettre d'avoir neuf sièges vides. Pas un de plus. Avec douze démissionnaires, et "des colistiers pas forcément pro-madame la maire, pas sûr qu'on ait le quorum", prophétise Christophe Tafani. Pour l'élu d'opposition, il est même probable que "le but des frondeurs était d'arriver à la dissolution du conseil".
Thierry Charpentier dément savoir si ses ancien colistiers accepteront ou non de siéger. "Ce sera leur responsabilité, je ne porte aucun jugement là-dessus." En tout cas, ni lui, ni Françoise Grivotet ne considèrent (officiellement) un retour en campagne électorale. "Je ne suis pas dans cet état d'esprit", assure le démissionnaire. "J'y vais step by step, pour l'instant je travaille au jour le jour", lance de son côté la maire.
Christophe Tafani, lui,se dit prêt à y retourner, à la condition de trouver "une liste d'union" et "qu'on ne se retrouve pas les mêmes qui avaient passé leur vie à s'engueuler". Condition nécessaire, pour lui, à "la reconstruction de la mairie" :
À ce stade, il faudrait presque une psychothérapie générale !
Christophe Tafani, élu d'opposition à Saint-Jean-le-Blanc
Un conseil municipal est prévu en décembre. Histoire d'avoir un premier crash-test avant le potentiel vrai crash.