Mardi soir, le conseil municipal de la ville a rejeté pour la troisième fois le budget présenté par la majorité. En réponse, la maire a retiré leurs délégations à cinq de ses adjoints, présumés frondeurs. L'ambiance est délétère, et rien ne semble pouvoir apaiser la situation.
Comment se sortir d'une impasse quand personne n'enclenche la marche arrière ? C'est un peu le problème auquel doit faire face Saint-Jean-le-Blanc, ville de la métropole d'Orléans avec 9 000 habitants au compteur. Là-bas, le conseil municipal se déchire depuis le début de l'année sur la question du budget. Rejeté une première fois, puis une deuxième, il a à nouveau été présenté ce mardi 12 avril au soir... Pour connaître le même funeste destin, à savoir un rejet d'une courte tête, à 15 voix contre 14.
Pas du genre à se laisser impressionner, la maire de la ville Françoise Grivotet (soutenue par LREM) a demandé qui avait voté le budget, pour clarifier une situation qu'elle estimait embuée par le scrutin secret. Conséquence : en représailles, les délégations ont été retirées à cinq de ses adjoints présumés frondeurs, raconte La République du Centre. Un "déni démocratique", fustige Thierry Charpentier, ancien adjoint à la Santé ayant fait les frais de la punition.
Autoritarisme de couloirs
Pourtant, les fractures internes à la majorité ne relèvent plus du tout du mystère. "Ça fait un an que nous essayons de faire entendre raison à madame la maire", qui serait coupable de n'avoir "aucune empathie envers son équipe" et de faire preuve "d'autoritarisme", affirme le même Thierry Charpentier. "J'ai toujours considéré que la richesse d'un conseil municipal, c'était les idées des uns, les sensibilités des autres, y compris de l'opposition. La différence, c'est que madame la maire n'a pas la capacité à entendre ces différences [et construit] ses projets municipaux avec une pensée unique."
Ci-dessous le replay du conseil municipal du 12 avril :
Du côté de la principale intéressée, on assure ne pas avoir "l'impression de faire un travail en contradiction avec les projets qu'on avait présentés". Selon Françoise Grivotet, ces accusations d'autoritarisme relèvent d'un "problème de compréhension du rôle de chacun". Pour elle, "le maire doit être au courant de tout ce qui se passe dans chaque délégation", et estime que son équipe a jusqu'à présent manqué "de transversalité" dans le travail. Une transversalité qu'elle aurait voulu imposer de gré ou de force ? "Je n'ai jamais mis le véto sur rien du tout dans le budget, qui convient à tout le monde", assure-t-elle. Elle accuse ainsi ses frondeurs de le refuser "pour des raisons politiques alors qu'ils sont d'accord avec le budget".
Ce que Thierry Charpentier reconnait volontiers : l'idée est ici d'instaurer un rapport de force. Pour lui, ne pas voter le budget est un acte "responsable", qui permettrait d'éviter la démission collective des frondeurs. "On essaie de continuer notre mission", défend-il, même s'il reconnait que cette façon de bloquer n'est "pas très heureuse".
Néanmoins, il l'assure : les répercussions de ce non-vote sur les affaires de la ville seront minimes. La date buttoir pour le présenter étant révolue, le budget sera analysé par la chambre régionale des comptes, avant un passage par la préfecture. Et l'adjoint en est certain : "Le budget sera validé par la préfecture", puisqu'il "est économiquement viable".
Les affaires sont les affaires
La paralysie économique pourrait donc être écartée, à l'inverse de la paralysie politique qui se profile avec férocité. "Je crains vraiment pour les années à venir, lance Christophe Tafani, conseiller municipal d'opposition. Je ne vois pas comment on va pouvoir travailler dans une ambiance pareille." Il témoigne ainsi d'une "ambiance délétère" au sein de la majorité, mais pas que :
Les séances du conseil sont extrêmement tendues, des noms d'oiseaux sont lancés, et un membre de la majorité a voulu déposer plainte contre un membre de l'opposition.
Christophe Tafani, conseiller municipal d'opposition à Saint-Jean-le-Blanc
Dernière affaire en date, une accusation à demi-mot lancée par la maire lors du conseil municipal de mardi à Thierry Charpentier, pharmacien à la ville. "J’ai consulté des juristes concernant sa délégation concernant la maison de santé en lien avec sa profession […] sur un possible conflit d’intérêt. Les juristes sont unanimes : le risque est très grand", avait-elle dit pour justifier le retrait de délégation.
Une accusation "grave" pour l'adjoint en disgrâce, qui se défend : "Géographiquement, mon officine est complètement opposée à la future maison de santé, mes deux consœurs pharmaciennes sont plus près". Pour lui, "ça s'appelle de la diffamation, et si madame le maire persiste dans ses propos, j'entamerai une procédure." Ambiance.
Capitaine abandonné
Avec amertume, Christophe Tafani se souvient s'être lui-même présenté pour mettre fin aux querelles qui, déjà, avaient entaché la mandature précédente. Il constate en revanche, avec une certaine ironie, que "ces conflits ont eu le mérite de regrouper l'opposition, maintenant on parle et on discute". Assez pour un changement de gouvernance à Saint-Jean-le-Blanc ? Pour l'élu, il n'y a pas 36 solutions. Soit la démission de la maire, soit "une recomposition de la majorité ou d'une majorité, ce qui n'est pas la même chose". Thierry Charpentier, lui, n'y va pas par quatre chemins : "Je ne parle que pour moi, mais si je suis maire et si j'ai un budget qui n'est pas voté, je démissionne."
Des appels qui n'atteignent pas Françoise Grivotet, pour qui la démission n'est même pas une option. "Quand un bateau sombre, le capitaine est le dernier à sortir du bateau", lâche-t-elle, comptant sur "la motivation" de son équipe. Une équipe qui n'est plus qu'une majorité au sein même de la majorité, "formée de gens venus pour l'intérêt général et pas pour des besoins personnels", balance-t-elle. Autant dire que, si recomposition il y a après naufrage du navire, les rescapés devront sortir les rames pour remettre tout ce beau monde à flots.