À 29 ans et après 2 ans de suspension pour dopage, Marion Sicot a battu le record du monde du plus de dénivelé franchi en 24 heures à vélo. Un retour en selle aux allures de thérapie pour la cycliste qui a vécu un calvaire avec le harcèlement de son ancien directeur sportif.
Après deux ans de suspension pour dopage à l’EPO, la native d’Orléans Marion Sicot remonte en selle. Et elle commence fort. Le 19 septembre 2021, à l’Alpe d’Huez, elle bat le record du monde du D+, qui a pour objectif de grimper le plus de dénivelé positif en 24 h. Mais plus qu’un retour sur le devant de la scène, ce record contribue à la reconstruction de Marion Sicot.
Car l’histoire de l’Orléanaise n’est pas seulement celle d’une sportive dopée. C’est également celle d’une cycliste harcelée par son directeur sportif. Quand elle rejoint l’équipe belge Doltcini-Van Eyck Sport, plusieurs choses clochent. Le directeur sportif de l’équipe, Marc Bracke lui fait comprendre qu’elle doit prendre à sa charge tous les frais de transport et d’hébergement quand ils ne sont pas payés par les organisateurs de compétition. Une pratique interdite par le règlement. Plus encore, elle n’est pas payée par son équipe.
Si j'arrive à obtenir une performance, mon directeur sportif m'accordera autant d'importance que les autres filles et me laissera tranquille avec cet acharnement.
Le directeur sportif ne lui accorde alors qu’une faible attention. "Quand on venait la voir sur des courses, il [Marc Bracke] s’occupait de toutes les autres mais pas de Marion. Elle devait gonfler son vélo seule, se préparer seule", se souvient Patricia Sicot, la mère de Marion. Mais le calvaire ne s’arrête pas là. Sous prétexte de "suivre l’évolution physique" de Marion Sicot qu’il jugeait "trop grosse", il lui demande des photos en "bikini", puis de plus en plus dénudée.
Un harcèlement qui va conduire Marion Sicot à transgresser les règles. "J’ai commandé moi-même de l’EPO sur un site chinois et ai fait l’injection seule", raconte la cycliste à Stade 2. Dans la tête de Marion Sicot, c’était une évidence comme elle le confie à L’Équipe : "Si j'arrive à obtenir une performance, mon directeur sportif m'accordera autant d'importance que les autres filles et me laissera tranquille avec cet acharnement." En 2019, au championnat de France du contre-la-montre, elle termine 10e et est tirée au sort pour le contrôle anti-dopage. Elle est contrôlée positive à l’EPO.
Face aux menaces et aux chantages, Marion Sicot
— francetvsport (@francetvsport) March 8, 2020
a cédé et a consommé de l'EPO. Retour sur une affaire de "dopage forcé" selon la cycliste, qui témoigne en exclusivité pour #Stade2. pic.twitter.com/CJQEGdG5A7
Avec la révélation de l’affaire dans la presse, Marion Sicot affronte une autre épreuve traumatisante. Elle nie pendant de longues semaines avant d’avouer enfin sa prise d’EPO. Elle accepte alors, début 2020, de témoigner dans Stade 2 et parallèlement Le Monde révèle les messages de harcèlement - demandant également des photos dénudées - de son directeur sportif auprès de plusieurs coureuses. Après une descente aux enfers, Marion Sicot essaye de remonter la pente. "Je mérite d'avoir une sanction mais j'aimerais avoir une peine allégée en raison des circonstances avec mon directeur sportif. Ce n'était pas la vraie Marion qui a fait ça", plaide-t-elle alors. Elle porte également plainte contre son ancien directeur sportif pour harcèlement sexuel.
Un livre et l'objectif du record du monde
En janvier 2021, la Commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage, prend en compte ces circonstances et décide de la suspendre jusqu’à juillet 2021, soit "seulement" 2 ans depuis son contrôle positif. Une petite victoire pour Marion Sicot, qui est entendue. La Loirétaine conserve malgré tout ses blessures. Elle entame alors le long chemin de la reconstruction qui passera forcément par le sport. Mais pas seulement. Juste avant son retour à la compétition et la tentative de battre le record de dénivelé en 24 h, elle publie un livre : Harcelée, dopée, mais de retour ! Elle y témoigne de toute son histoire et des difficultés qu’elle a rencontrée.
dans moins de 3H je m'elancerai pour cette tentative de record du monde détenue par Stéphanie Gros. Pour suivrehttps://t.co/N43I7J3m1E avec lien livetrack avec la balise sur moi
— Marion Sicot (@marion_sicot) September 18, 2021
Mes reseaux avec des vidéos:
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Perso rdv demain à 10h ? pic.twitter.com/98gm4bUNST
Remise en selle, Marion Sicot n’a désormais qu’un objectif, battre ce record. "Début janvier, quand j’ai appris la bonne nouvelle sur ma suspension, mon entraîneur et meilleur ami m’a directement proposé ça. Il sait que j’aime ces défis et que j’en ai besoin pour avancer", raconte-t-elle au micro de France Bleu Orléans. Démarré le 18 septembre à 10 h, elle a jusqu’au 19 septembre à 10 h pour battre les 14 624 m qui représente encore le record du monde. Une performance à suivre en live sur son site internet et sur les réseaux sociaux. De quoi l’accompagner dans l’effort et la reconstruction.
C'est après 23 heures et une trentaine de minutes que Marion Sicot dépasse les 14 624 m du précédent record mondial. À la fin de ses 24 heures de course, elle porte la meilleure marque mondiale 15 339 m de dénivelé franchis, soit environ 700 m de plus. Au moment de battre le record du monde, ses proches, emplis d'émotion, s'affichent avec une pancarte où l'on peut lire : "Record du monde. T'as rien lâché, tu l'as gagné !" Pour un record comme pour panser les plaies du passé, Marion Sicot peut compter sur sa force de caractère.