La loi LAURE a 30 ans. Mais pour l'association VéLo228, représentée dans le Finistère, force est de constater qu'elle peine à être appliquée. Elle impose des aménagements cyclables lorsqu'il y a réfections ou créations de voirie. Brandissant l'article 228, l'association utilise l'arme juridique pour pousser les communes à le respecter.
Quand ils ne sont pas sur leurs fiers destriers, les membres de l'association véLo228 ont souvent le nez dans le journal. Et pas seulement pour y admirer les performances des cyclistes... Ils scrutent les annonces de travaux d'aménagement des bourgs et des villes.
Une loi de 1996
"Et alors, raconte Emmanuel Bejarano, porte-parole de l'association pour le Finistère, on envoie un petit courrier en mairie. Parce que la loi LAURE est souvent méconnue ou volontairement ignorée."
"À l'occasion des rénovations des voies urbaines (...) doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements prenant la forme de pistes, de bandes cyclables, de voies vertes, de zones de rencontre ou (...) de marquages au sol, en fonction des besoins et contraintes de la circulation", indique précisément l'article 228 de la loi.
Mais les élus ont parfois de la peine à la mettre en œuvre. "Alors, quand on n'a pas de réponse, on envoie un courrier en recommandé, un recours gracieux. On demande à la commune de quelle manière elle compte se mettre en conformité avec le texte. Et si cela ne suffit pas, on se tourne vers le tribunal administratif, pour faire un recours en contentieux. Et là, souvent les choses bougent", remarque Emmanuel Bejarano. Le tribunal invite les parties à une médiation et les travaux se font...
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Le nez dans le guidon
C’est ce qui s'est passé à Brasparts dans le Finistère. L'association reprochait à la mairie d'avoir fait des travaux dans le bourg, sans prévoir de tels "aménagements" cyclables alors que le code de l'environnement l'exige. La
La maire Anne Rolland et son conseil municipal s'étaient finalement engagés dans une procédure de "médiation" lorsque, après avoir ignoré une premier recours grâcieux, l'association est passé au contentieux auprès du tribunal administratif de Rennes. La commune s'est ensuite engagée à créer "une large zone de rencontre" pour les cyclistes.
Des "effets de seuils" et des "zones de circulation alternée sur quelques dizaines de mètres" avaient ainsi été prévus aux abords de la "zone de rencontre", intégrée dans une "zone 30". Des aménagements comme des "dents de requins", des "jardinières" ou encore des "plateaux" devaient aussi être mis en place pour "faire savoir aux autres usagers qu'ils sont dans une zone protégée".
L'association a de ce fait enterré la hache de guerre et informé le tribunal administratif de Rennes qu'elle se "se désistait" de son recours contre la commune de Brasparts.
Changer de braquet
"Pourtant l'urgence climatique nous contraint à agir, et vite" martèle Emmanuel Bejarano. "Le domaine des transports avec 41% de la part totale représente la première source de production de CO2 (gaz à effet de serre / GES) en France", indique l’association sur son site internet.
Sur sa page, elle rappelle aussi que "60% des déplacements effectués en voiture concernent des trajets de moins de 5 km (soit 15 à 20 minutes à vélo) et que 49 % des trajets domicile-travail de moins de 1 km sont effectués en voiture. Ces trajets ne prendraient pourtant que 4 minutes à vélo et 15 minutes à pied".
"Il faut qu'on multiplie nos trajets en vélo par 5 ou 6 dans les années à venir, plaide aussi Emmanuel Bejarano, les aménagements peuvent contribuer à mettre les gens en selle pour faire les trajets du quotidien, aller chercher le pain, emmener les enfants à l'école, mais pour cela, il faut des zones sécurisées pour les vélos."
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En garder sous la pédale
Dix-huit "recours gracieux" avaient ainsi été déposés en 2023 auprès de communes du Finistère, et quinze étaient au stade du "contentieux", c'est-à-dire entre les mains du tribunal administratif de Rennes.
La stratégie judiciaire de véLo 228 Finistère semble porter ses fruits puisque, outre Brasparts, l'association s'est aussi désistée ces derniers mois des recours qu'elle avait engagés contre les communes de Kerlaz, Daoulas, Tréméoc et Penmarc'h.