Inauguré en novembre 2022, l'incubateur de startups vertes orléanais Agreen Lab'O, situé à La Source, se rêve en pôle de référence sur l'innovation dans le domaine de la transition écologique.
Sauver l'agriculture avec la technologie. Voilà un défi, presque un rêve, dont l'actualité parle régulièrement. Car, face au réchauffement climatique, les problématiques s'accumulent pour le modèle français actuel. Manque d'eau, ensoleillement plus important, hausse de la température... Mais aussi appauvrissement des sols et nécessité de réduire l'usage des produits phytosanitaires.
Des questions, et autant de réponses et de philosophies. Loin du modèle de l'agriculture biologique, le Campus Xavier Beulin a choisi son camp : garder le modèle productiviste actuel, en tentant de le rendre plus vertueux. Grâce à la technologie et à l'innovation.
"Agriculture innovante et transitions"
Fondé par l'ancien président de la FNSEA décédé le 19 février 2017, et dont il porte aujourd'hui le nom, le Campus est basé à La Source, à Orléans. Très ambitieux sur le papier, le site est, pour le moment, uniquement constitué d'un incubateur de start-ups, l'Agreen Lab'O, financé principalement par la métropole. "Un lieu d'accueil" et d'accompagnement de ces entreprises dédiées à "l'agriculture innovante et aux transitions", résume Anthony Dumas.
Lui est chargé de projet à l'Agreen Lab'O, et fait partie de l'équipe envoyée par le Crédit agricole (comme des dizaines d'incubateurs en France, le site est labellisé "Village by CA"), qui assure une partie des financements de fonctionnement, et du réseautage.
Le défi du devenir des déchets
Le bâtiment a ouvert en 2021, et accueille quatre entreprises spécialisées dans la transition, sur une douzaine de places disponibles. À l'été 2022, Pierre-Yves Robert s'y est installé avec sa start-up, Vastem, qui agit dans le domaine de la valorisation des déchets. Lui est parti d'une question : "Quand tu as un déchet, qu'est-ce que tu en fais ?"
Car le déchet des uns peut devenir la valeur ajoutée des autres. Notamment les biodéchets, produits principalement par l'agriculture et l'agroalimentaire. Et qui pourraient fertiliser la terre, ou finir en méthaniseur notamment. L'idée de Vastem, c'est de "numériser cette mise en relation", à travers une plateforme en ligne. Et d'assurer une meilleure traçabilité des biodéchets. "Un agriculteur ne va pas mettre n'importe quoi sur ses terres."
Vastem s'occupe aussi de diagnostics pour les entreprises. Comment réduire ses déchets, comment bien les trier ? Une entreprise à mener aussi auprès des collectivités, notamment sur la question des biodéchets des particuliers, contraints de trier depuis le 1er janvier 2024.
Sortir du silo
Comme les autres entreprises installées là, Vastem bénéficie de l'accompagnement des équipes de l'incubateur. Mais aussi, et peut-être même surtout, de la mise en relation. Déjà, auprès des interlocuteurs de la recherche installés à Orléans, comme le BRGM ou le CNRS. "Il faut arriver à créer un collectif, parce que les gens travaillent en silo, on le sait, c'est humain", plaide Pascal Tébibel, vice-président de la métropole d'Orléans, chargé de l'attractivité économique.
Heureusement, "tout le monde se connaît ici, la proximité des interlocuteurs fait que ça va aller beaucoup plus vite qu'à Paris pour faire avancer les dossiers", vante Anthony Dumas, chargé de projet. Selon lui, "il y a toujours quelqu'un qui connaît quelqu'un, et la prochaine fois, on se connaîtra en direct".
Du capteur en plein champ au satellite
En plus de ses start-ups, l'Agreen Lab'O un "cluster", appelé AgreenTech Valley. Concrètement, une association qui fédère un peu moins d'une centaine d'adhérents autour de la thématique de la technologie et de l'innovation au service de la transition agricole.
"On essaie de récupérer les problèmes des agriculteurs, et de voir quelles solutions peuvent y être apportées", explique Muriel Doucet, la directrice de l'association (qui avait été présidée par Xavier Beulin avant sa mort). La mission du cluster : "mettre autour de la même table des partenaires économiques et académiques".
Capteurs, robotique, automatisation, big data, modélisation... tout ce qui peut aider est bon à prendre. Comme le Centre de développement horticole (CDHR) de Saint-Denis-en-Val, qui a décidé de s'attaquer à un problème spécifique aux plantes en serre : "Sans exposition aux vents, aux éléments, les plantes poussent trop en hauteur, n'ont pas assez de racines et sont trop fragiles", explique Muriel Doucet.
Pour faire face à ce souci, les horticulteurs ont pris l'habitude d'utiliser des traitements chimiques, qui limitent la croissance de la plante. Alternative sans produit : la thigmomorphogénèse. Ou comment une plante "va se tasser si elle sent quelque chose qui lui frôle la tête". Le CDHR a imaginé un petit chariot avec des languettes, qui caressent le dessus des plantes. Et ça semble fonctionner.
Le cluster s'est notamment chargé de trouver des fonds auprès de partenaires pour une station de test, et de la mise en relation avec Polytech Orléans. Une fois un cahier des charges de robot établi, le développement a été réalisé par des étudiants en BTS au lycée Sainte-Croix - Saint-Euverte. "On a une problématique, et on fait du développement en circuit court", se félicite Muriel Doucet.
Faire rentrer des sous
En vrac, parmi les autres projets accompagnés par AgreenTech Valley : un robot agricole, un algorithme qui permet de sécher des végétaux pour les conserver plus longtemps en cas de surplus, une application smartphone qui examine le stade de croissance d'une plante juste avec une photo, un capteur d'insectes non-léthal qui permet de mesurer la biodiversité... Ou encore un outil qui, à base de données satellite, météorologiques, d'humidité des sols, pour aider un agriculteur à optimiser son irrigation, à "n'utiliser que la quantité d'eau nécessaire au moment où il le faut".
Objectif, d'ici à 5 ans, est, pour AgreenTech Valley, de "devenir un hub reconnu au niveau national". Le cluster participe à plusieurs grands projets régionaux et nationaux. Comme Junon, un jumeau numérique d'un territoire à l'est d'Orléans où le vivant serait entièrement modélisé. Ou Loire Valley Data Hub, un guichet dans l'aide à la transition numérique porté par la région.
Ce dernier projet permet à l'association de "financer un demi ETP", au sein d'une structure qui compte trois employés à temps plein et un apprenti. "Les premiers projets, on les faisait bénévolement parce que c'était déjà bien d'être inclus", se souvient Muriel Doucet. Mais les rapports de force ont changé, et il faut ramener de l'argent pour faire tourner le cluster.
Si le développement du Campus Xavier Beulin semble, sinon à l'arrêt, fortement ralenti par rapport aux espoirs de 2015, l'Agreen Lab'O espère tirer son épingle du jeu. Objectif en 2024 : que sept start-ups y soient implantées.