L'acteur et son metteur en scène, Stéphane Brizé, présentaient "Hors-saison" à Orléans ce mardi 13 février. Un film sur le temps qui passe, sur les choix. Et, comme souvent chez Brizé, sur la passion.
Il serait désormais facile de ranger Stéphane Brizé dans la case des réalisateurs engagés de films sociaux, après son triptyque plus ou moins officiel, composé de La Loi du marché, En Guerre et Un Autre Monde. Oui mais le cinéaste le dit lui-même : "Je ne veux pas devenir la caricature du réalisateur de gauche énervé par le monde."
De ce rejet, de son "envie de reprendre mon souffle", est né Hors-saison, qui sortira dans les salles de cinéma le 20 mars. Ce mardi 13 février, Stéphane Brizé était au Pathé et aux Carmes à Orléans, accompagné par Guillaume Canet, sa tête d'affiche du film, pour présenter le film en avant-première. Un film sur "le temps qui passe", et qui pose des questions : "Est-ce qu'on a fait les bonnes choses, est-ce qu'on est au bon endroit, avec les bonnes personnes, est-ce qu'on a poussé les bonnes portes", s'interroge le cinéaste, en conférence de presse.
Ce qui ne tue pas
Guillaume Canet incarne Mathieu... un acteur à succès de cinéma, qui s'exile en thalasso au bord de la mer après avoir plaqué la première pièce de théâtre dans laquelle il devait jouer. Pourquoi ? "La peur de me planter", dira le personnage. "Ce n'est pas le parcours de l'acteur, mais celui de l'homme qui m'a séduit", explique Guillaume Canet. Un homme qui "s'est perdu, est allé au bout de sa logique, mais a appris quelque chose sur lui". Pour le comédien, "on peut se tromper, on peut avoir fait des mauvais choix, mais ce n'est pas du temps de perdu".
Hors-saison débute sur des terrains quelque peu inédits pour Stéphane Brizé. L'arrivée du personnage à l'hôtel occasionne en effet quelques séquences comiques. Comme celle où une employée lui demande un selfie alors qu'il est torse nu, allongé sur une table de soins. Le travail de recherche pour le rôle ne semble pas avoir été trop complexe pour Guillaume Canet. "Je sais ce que c'est que me retrouver en slip de bain à faire des selfies", rit (un peu jaune) l'acteur.
Le réalisateur s'amuse aussi de la figure du smartphone, omniprésent, qui prend des photos envahissantes, qui distrait le personnage quand il devrait travailler, qui sonne quand on ne peut pas répondre, et qui ne peut transmettre réellement que de l'incompréhension entre l'acteur et son épouse, présentatrice star du 20h (le film est co-écrit par Marie Drucker).
Naissance de la passion
Et puis l'ennui latent de Mathieu est perturbé par ses retrouvailles avec Alice. Les deux se sont aimés, 15 ans plus tôt. Elle habite la petite station balnéaire où se trouve la thalasso, lui laisse un mot écrit à l'accueil. Et, comme on le pressentait, Stéphane Brizé retrouve ses envies de jadis, montrer la naissance (ou la renaissance, ici) d'un désir entre deux personnages a priori éloignés, à l'instar de Mademoiselle Chambon.
Alice, c'est Alba Rorhwacher, récemment vue dans le film italien La Chimère. Une actrice au "talent phénoménal", vante Guillaume Canet. "C'est rare d'avoir ce sentiment d'être transporté par l'autre quand on joue."
Depuis qu'ils se sont séparés, les deux personnages ont changé. Lui a eu du succès, a construit une vie parisienne parfaite, d'un point de vue extérieur du moins. C'est lui qui l'a quittée. Elle s'est mariée, a eu une fille, "elle a fait des concessions", résume Stéphane Brizé. Bref, ils ont changé. Guillaume Canet revendique une préparation du rôle "sans trop de travail" :
J'aimais cette idée de découverte, de fraîcheur entre nous, de jouer la convention qu'on se connaît mais que, finalement, on ne se connaît pas si bien que ça.
Guillaume Canet
Comme dans Mademoiselle Chambon ou Je ne suis pas là pour être aimé, Stéphane Brizé étire ses séquences, laisse les regards dicter le contenu. Dans sa détermination à ne pas trop en dire, le film attendrit. Le récit est des plus attendus, mais c'est la façon dont il est raconté qui passionne. Les deux acteurs livrent une partition sensible, aidés par la délicatesse de la mise en scène. Et par le montage, qui superpose des dialogues entre les deux sur des plans de chacun laissé seul, comme envahi de pensées intrusives. Et, plus que par les dialogues, c'est à travers les silences que le cinéaste montre la naissance du désir des deux personnages.
"La vie c'est plein de silences, je déteste mettre des mots sur quelque chose qui n'en a pas besoin, défend-il. Et quand on met des silences en fiction, on est très étonnés. Moi, le cinéma qui reproduit ça, ça me bouleverse." D'ailleurs, "ce qu'il y a en dessous des silences, je n'ai même pas envie de le raconter".
Une philosophie qui va bien à Guillaume Canet. "Je préfère jouer que dire", assure-t-il. Pour lui, avoir "cette liberté, ce temps, cette confiance du metteur en scène de laisser passer quelque chose par le silence" est "fascinant". "J'adore ça."
Hors-saison, de Stéphane Brizé. 1h55. Écrit par Marie Drucker et Stéphane Brizé. Avec Guillaume Canet, Alba Rorhwacher, Sharif Andoura, Hugo Dillon, Emmy Boissard Paumelle. Sortie le 20 mars.