La piste criminelle n'est pas exclue après la mort de Stéphane Vitel le vendredi 11 août 2023 à Lisieux, dans le collège dont il était le principal. L'homme s'y serait rendu après le déclenchement de l'alarme anti-intrusion. Le syndicat des personnels de direction s'insurge contre ce qu'il considère être un flou juridique.
"On est sous le choc, et on est en colère." C'est ainsi que l'orléanais Stéphane Bolo-Lumbroso décrit l'ambiance qu'il observe sur des fils de discussions avec des collègues chefs d'établissement. Un état d'esprit qui s'est abattu sur la communauté éducative depuis l'annonce de la mort, vendredi 11 août, de Stéphane Vitel à Lisieux, dans le Calvados.
Principal d'un collège, l'homme s'apprête à partir en vacances peu avant 6h du matin avec sa famille, et est avisé du déclenchement d'une alarme anti-intrusion dans l'établissement. Il se rend alors sur les lieux, seul. Ne le voyant pas revenir, sa fille part à sa recherche et trouve son père, inanimé.
"Il a fait ce qu'on déconseille de faire"
"Les premières constatations ont permis d'identifier une trace d'effraction sur une porte secondaire du collège. Il n'y a pas de désordre au sein de l'établissement", a indiqué la procureure de Lisieux, Delphine Miennel. Ce lundi 14 août, le parquet indique que l'autopsie "n'a pu ni exclure l'intervention d'un tiers, ni établir avec certitude une cause naturelle du décès".
Depuis, les réactions ont afflué. "Il était très investi pour son établissement. Il a fait ce qu'on déconseille de faire. Il s'est rendu sur place", a estimé sur Franceinfo Didier Georges, membre de la commission "Vie syndicale" du Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale (SNPDEN). Selon lui, "les chefs d'établissement sont responsables sept jours sur sept et 365 jours par an de leurs établissements".
Droit à la déconnexion
Une analyse que partage Stéphane Bolo-Lumbroso. Il est proviseur du lycée professionnel public Paul-Gauguin à Orléans, et porte en plus la casquette de secrétaire départemental du SNPDEN-Unsa dans le Loiret. Selon lui, "il y a un flou" dans la mission des chefs d'établissement, telle qu'elle est définie par le ministère de l'Éducation nationale. En l'occurrence, un chef d'établissement "prend toutes dispositions pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l'hygiène et la salubrité de l'établissement", selon le Code de l'Éducation :
Il faut préciser où s'arrêtent nos responsabilités, et dire clairement qui doit faire quoi. Les établissements sont la propriété des collectivités locales. Que le chef d'établissement assure la sécurité quand il y a des élèves, d'accord. Mais il n'est écrit nulle part qu'on est responsable d'un service de gardiennage.
Stéphane Bolo-Lumbroso, secrétaire départemental SNPDEN 45
Car, selon lui, "quand l'alarme sonne, même en vacances, ça retombe sur le chef d'établissement, l'adjoint, le CPE..." Lui-même affirme qu'il ne se "précipiterai[t] pas au milieu de la nuit si une alarme sonnait" dans son lycée, ayant "la chance" de pouvoir payer une société de télésurveillance. Il note cependant que "des collègues prennent les choses très à cœur et vont voir". Même en week-end, même en vacances. Comme Stéphane Vitel. "Pas un va-t-en-guerre, mais quelqu'un qui avait une conscience professionnelle."
Si bien que le drame de Lisieux "devait arriver" : "Ça fait des années qu'on le dit. Il n'y avait pas eu de drame, eh ben ça y est."
Les instances nationales du syndicat devraient rencontrer le nouveau ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal à la rentrée, et comptent bien mettre le sujet sur la table. Sur Franceinfo, Didier Georges défend "des financements suffisants pour avoir recours à des sociétés de télésurveillance", et "des professionnels" pour se rendre sur place. Ce que soutient Stéphane Bolo-Lumbroso, pour qui les collectivités doivent mettre la main à la pâte. "Ce sont leurs locaux, donc quand ils sont fracturés et qu’on vole du matériel pédagogique, financé par les collectivités, ce sont elles qui subissent le dommage."