"Nous allons finir par mourir si rien n’est fait" : les discothèques, grandes oubliées du déconfinement

Alors que la date du 2 juin est évoquée pour la réouverture des bars et restaurants dans les zones vertes, les discothèques, elles, n’ont aucune visibilité sur une possible date de reprise et sont en grande difficulté.

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Elles ont été avec les bars et les restaurants, les premières à fermer le 14 mars dernier, et leurs gérants le savent bien, elles seront très probablement les dernières à reprendre une activité. Les discothèques n’ont pour l’instant aucun horizon de réouverture. "On pilote les yeux fermés", se désole Sabine Ferrand, la présidente de l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’Hôtellerie) en Centre-Val de Loire, et gérante de la discothèque "Le Tango" à Saint-Laurent-Nouan (Loir-et-Cher).

Vendredi 15 mai, elle s’est entretenue avec le secrétaire d’Etat au tourisme Jean-Baptiste Lemoine lors de sa venue à Orléans mais n’a pas obtenu d’avantage d’informations : "On n’a aucune visibilité … les restaurants peut-être, mais le monde de la nuit…  nous ne savons pas."
 
En Centre-Val de Loire comme partout en France, les discothèques sont en grande difficulté. Si les restaurateurs ont parfois réussi à se réinventer pour garder une activité, celle des discothèques est réduite à néant depuis plus de deux mois. "Même si le chômage partiel couvre les salaires, aujourd’hui nous avons des charges fixes qui sont quand même énormes, qui continuent à courir, et nous ne pouvons pas les payer", constate Sabine Ferrand.

"Nous allons finir par mourir si rien n’est fait"

Les discothèques bénéficient également pour certaines, du fond de solidarité de 1500 euros par mois. Insuffisant pour couvrir les abonnements téléphoniques, les factures EDF, les prêts bancaires et surtout les loyers de leurs établissements.

Franck Lemaire, le gérant de la discothèque "Le 7" à Chaingy (Loiret) a la chance d’avoir un propriétaire compréhensif. Ce dernier lui a fait cadeau de 3 mois de Loyer, soit 6000 euros qu’il n’a pas eu à débourser, "mais certains ont des loyers à 18 000 euros", fait-il remarquer. "On tient le cap mais on ne peut pas tenir encore 3,4 ou 6 mois comme ça." Sa trésorerie est désormais épuisée, et son assurance ne prend pas en charge sa perte d’exploitation. Franck tente donc actuellement de négocier avec cette dernière.
 

Sabine Ferrand elle paye 18 000 euros d’assurance par an dont 3000 pour couvrir sa perte d’exploitation et elle aussi, a reçu une fin de non-recevoir de son assurance. La pandémie n’entre pas dans les clauses du contrat. "Je comprends que les assurances ne puissent pas prendre en charge toutes les pertes d’exploitation de tous les établissements qui ont fermé", s’exclame-t-elle, "mais au moins que ça puisse couvrir nos charges fixes et nos loyers."

Comme plusieurs de ses collègues, elle a donc dû contracter un prêt pour pouvoir payer les factures : "On se surrendète pour ceux qui ont déjà des emprunts et pour ceux qui n’ont plus d’emprunts … ils en refont ! (…) nous allons finir par mourir si rien n’est fait et si on n’a aucune information."

Le casse-tête de la distanciation physique

Reprendre une activité pour ne pas sombrer devient donc une nécessité. Mais tout comme les restaurants, les discothèques, si elles rouvrent, devraient appliquer un protocole sanitaire strict et contraignant : "Evidemment il faudra mettre en place le gel hydroalcoolique partout ou on pourra le mettre. Les entrées avec une protection plexi là où il y a les encaissements… je veux bien. Les masques pourquoi pas (..) s’il faut le faire on le fera ! Mais hormis ça, je ne vois pas trop ce que l’on peut faire en plus", constate la gérante du Tango.

Car comment appliquer la distanciation physique dans un lieu dont la vocation en est à l’exact opposé ? "Quand vous dansez sur une piste, vous êtes à combien de mètres de la personne qui danse à coté de vous ? Quand vous parlez à quelqu’un dans une pièce où il y a de la musique, vous êtes obligé de vous en approcher pour qu’elle puisse vous entendre (…) la distanciation zéro … on ne peut pas !"

Les discothèques pourraient bien réduire leur nombre d’entrées, mais là encore, elles perdraient leur ADN de lieu de convivialité : "On est quand même un lieu de rencontre, de joie et de bonne humeur. Si vous avez moins de 100 personnes dans une discothèque qui en reçoit normalement 600, les gens ne s’amuseront pas, ils ne reviendront pas", anticipe Sabine Ferrand.

Le gérant du 7 lui, est plus optimiste. Il pense qu’après plusieurs mois de confinement, la discothèque "distanciée" pourrait marcher : "Les gens ont besoin de sortir (…) ils ont besoin d’aller voir des gens, faire des rencontres, faire la fête, je le sens sur les réseaux sociaux. (…) Il va falloir s’adapter, y’a pas le choix. Jusqu’à ce qu’on trouve une solution pour cette pandémie, il va falloir se réinventer malheureusement."

Mais même en comptant sur le civisme des clients, il faudrait que l’opération soit rentable. Rouvrir oui, mais pas à moins de 50% de ses capacités pour Franck Lemaire qui en deçà, ne pourrait plus honorer ses charges. "Est-ce qu’ouvrir dans la précipitation en faisant 30 ou 40 % de notre capacité c’est viable ? Non, à ce moment-là il vaut mieux rester fermés et avoir un soutien de l’Etat", ajoute Sabine Ferrand.

Le silence des politiques

Rester fermés tout en percevant des aides, l’un comme l’autre n’y croient pas. "Ce serait un gros engagement de l’Etat et je ne suis pas sûre qu’on l’obtienne. Parce qu’hormis nous proposer des prêts, c’est tout ce qu’on a aujourd’hui", déplore la gérante du Tango, qui a le sentiment que le milieu de la nuit est décidément le grand oublié de ce déconfinement.
 Preuve en est, la situation des discothèques est rarement évoquée dans l’hémicycle : "On a l’impression d’être un peu la honte, de ne pas avoir à exister", déplore Sabine Ferrand. Est-ce parce que les boites de nuit sont perçues comme des lieux de débauche et d’alcoolisation que le Gouvernement aborde peu leur situation, ou comme le pense Franck Lemaire, parce que qu’il n’y a "pas de solution pour les discothèques" ? "On est un peu à part », reconnait-il, «  un restaurant, un bar vous allez pouvoir faire des séparations, des box … pour nous, c’est plus compliqué."

Alors en attendant d’obtenir d’avantage d’informations et pour ne pas que le milieu de la nuit tombe dans l’oubli, Franck Lemaire milite à sa façon sur les réseaux sociaux et depuis son établissement fermé. Samedi 23 mai à 15h, il organisera un live du haut du toit du 7, à destination d’une dizaine de spectateurs qui seront dans leurs voitures en contrebas, "un peu comme un drive-in de cinéma, mais en mode discothèque", explique-t-il. "C’est gratuit, c’est pour faire parler de nous, du milieu de la nuit… "
  
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