La France pourrait construire de nouveaux réacteurs "EPR" d'ici à 2050, en plus des six déjà prévus. Il s'agirait de remplacer le parc nucléaire existant, mais le plan suscite des oppositions.
Début janvier 2024, la ministre de l'Économie Agnès Pannier-Runacher a annoncé que la France devrait aller "au-delà" des six premiers EPR, car "le parc historique ne sera pas éternel". De fait, le nucléaire, et en particulier la technologie EPR, déchaînent régulièrement les passions autour de cette énergie, de ses atouts et de ses risques.
"Il s'agit d'engager, après 2026, 'des constructions supplémentaires représentant 13 gigawatts'. Ce qui correspond bien à la puissance de huit EPR, sans graver dans le marbre telle ou telle technologie", a encore déclaré la ministre à la Tribune. Mais ce terme d'EPR demeurant assez abstrait, de quoi parle-t-on en réalité ?
Un EPR, c'est quoi ?
Le réacteur pressurisé européen ("Evolutionary power reactor" en anglais, d'où l'appellation EPR) est un réacteur nucléaire de forte puissance conçu dans les années 90 et sur lequel travaillent EDF et Framatome.
Frappé d'un coup d'arrêt en 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la construction d'EPR en France est relancée par Emmanuel Macron en 2021. C'est la centrale de Flammanville, dans la Manche, qui servira de réacteur "pilote". Six nouveaux réacteurs de nouvelle génération, dit EPR2, sont envisagés pour 2035 à Penly en Seine-Maritime, Gravelines dans le Nord et au Bugey dans l'Ain.
Un réacteur plus puissant, mais plus sûr ?
L'EPR est un réacteur de "génération III" capable de générer environ 1600 mégawatts (MW), soit 100 à 150 MW de plus que les générations précédentes. Le principe de base est celui d'un échange de chaleur entre deux circuits d'eau pressurisée : l'un passe dans le centre du réacteur, le second fait tourner les turbines à vapeur qui génèrent l'électricité.
Selon ses promoteurs, ce nouveau type de réacteur, en plus d'être bien plus puissant, serait plus sûr que ses prédécesseurs.
Pourrait-il y avoir des EPR en Centre-Val de Loire ?
Six à quatorze EPR2 pourraient voir le jour en France. Pour l'instant, aucun n'est prévu en Centre-Val de Loire. Néanmoins, des élus comme le maire de Belleville-sur-Loire dans le Cher, Bruno Van Der Putten, et le député local, François Cormier-Couligeon, essaient d'attirer l'attention d'EDF.
Au micro de France Bleu, Bruno Van Der Putten a confié compter sur un "gros avantage" : "la surface qui reste disponible ici puisqu'au départ, il y a 40 ans, Belleville avait été calibré pour quatre réacteurs de 1.300 Megawatts et seuls deux ont été construits." Il reste donc de la place, et la candidature de Belleville serait "tout à fait entendable" pour EDF selon le maire.
Il faut dire que des réacteurs supplémentaires, c'est la promesse d'activité et d'emploi supplémentaires, ce qui explique que les maires se bousculent au portillon. À Chinon en Indre-et-Loire et Dampierre-en-Burly dans le Loiret, la manne atomique fait aussi rêver.
La centrale de Chinon, vieille de soixante ans, se dit aussi prête à accueillir des EPR. "Le foncier est disponible, les équipes sont motivées, les élus sont derrière. Tous les ingrédients sont réunis pour que Chinon puisse perpétuer l'histoire", affirmait ce 5 février à France Bleu le directeur de la centrale de Chinon, Stéphane Rivas.
Des oppositions locales et nationales
Mais ces projets, malgré l'affichage de "consultations publiques" en amont de l'installation de nouveaux réacteurs, se heurtent à des résistances. Près de la centrale de Belleville, où le maire appelle de ses vœux la bénédiction d'EDF, des habitants et des élus se mobilisent au sein d'un collectif pour dire "non" à tout éventuel EPR.
"L'urgence n'est pas de se précipiter dans la relance du nucléaire avec des nouveaux réacteurs ici et là", affirment les membres du Réseau Sortir du nucléaire (SDN) du Berry-Giennois-Puisaye. Au contraire, "l'urgence absolue est de réduire nos besoins en énergie", dans le contexte de la crise climatique, et de favoriser les énergies renouvelables.
Les raisons de cette opposition tiennent aux risques liés aux déchets nucléaires, qui restent dangereux des milliers d'années, mais aussi à la dépendance à l'uranium importé et dans certains cas ré-enrichi en Russie.
Même sanction à Chinon, où un collectif a manifesté pour s'opposer à l'arrivée de réacteurs EPR 2.
L'opposition a d'ailleurs parfois gain de cause. À Saint-Laurent-des-Eaux, dans le Loir-et-Cher, un projet de rachat de terres agricoles, première étape possible à l'installation de nouveaux réacteurs, a été mise en échec en 2019 par les agriculteurs locaux.
Quand entreront-ils en service ?
À l'heure actuelle, un seul EPR approche de la mise en service, celui de Flammanville dans la Manche. Le chargement du combustible nucléaire et la mise en service pourraient intervenir dans le courant de l'année 2024. Qualifié de "chantier maudit", il a accumulé les surcoûts et les retards. Alors que sa mise en service était initialement prévue en 2012 et que le chantier devait coûter 3,4 milliards d'euros, il aura finalement englouti 20 milliards.