Le numéro d'urgence pour lutter contre la précarité étudiante lancé début janvier vivement critiqué

Le gouvernement a lancé vendredi 10 janvier le numéro d'urgence pour les étudiants en situation de grande précarité promis en novembre dernier. Les modalités de ce dispositif sont déjà vivement critiquées.

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Depuis vendredi 10 janvier, les étudiants en situation de grande précarité peuvent désormais contacter le 0 806 000 278 pour tenter de surmonter leurs difficultés.

Ce numéro d’urgence avait été promis par la ministre de l’Enseignement Supérieur, Frédérique Vidal, après qu’un étudiant a tenté de s’immoler par le feu devant le CROUS de Lyon, le 9 novembre dernier.

Aide administrative

Les étudiants qui contacteront ce nouveau numéro d’urgence seront mis en relation avec un opérateur afin de faire le point sur la situation et de déterminer les aides adaptées à leur profil.

Cet appel ne visera donc pas à améliorer directement la situation, mais à y voir plus clair sur les différentes aides financières auxquelles l’étudiant peut prétendre.

L’opérateur pourra également orienter l’étudiant vers les services sociaux compétents.

Cette nouvelle mesure vise avant tout à inciter les étudiants à faire appel aux aides auxquelles ils ont le droit, comme le précisait Frédérique Vidal à RMC :

"Il y a chaque année environ 70 millions d'euros dédiés aux étudiants en situation d'urgence [...], et ces aides ne sont pas consommées".

D'après l'Observatoire de la vie étudiante, environ 130 000 étudiants français sont en situation de grande précarité, mais seulement 50 000 d'entre eux font appel aux aides financières d'urgence.

Déception des étudiants

A peine mis en place, ce nouveau numéro d'urgence s'attire déjà les foudres de nombreux internautes et d'organisation étudiantes.

Pour cause : le service n’est pas surtaxé, mais il reste tout de même payant (prix d’un appel local).

Un détail qui n’a pas tardé à faire réagir des internautes heurtés par la perspective d’un service payant à destination d’un public déjà en situation de grande précarité financière.
 

Le tarif est difficile à accepter pour les organisations syndicales et les étudiants qui espéraient un numéro vert ou un numéro d’urgence gratuit, comme c'est par exemple le cas de ceux des pompiers, du samu ou de la police.

Les horaires d’ouverture du standard téléphonique sont également pointés du doigt. Le numéro d’urgence est effectivement accessible du lundi au vendredi de 9h à 17h, soit sur les horaires de cours de la plupart des étudiants.

Difficile donc pour eux de joindre un opérateur pour trouver de l’aide lorsqu’ils sont censés être présents à l’université.

Moyennant un euro, Khadra Mouri, responsable de l'association Téméléia Etudiants, distribue toutes les semaines des colis alimentaires aux étudiants tourangeaux dans le besoin.

Elle croit en la bonne foi du gouvernement, mais reste critique sur la méthode appliquée : "ce standard d'urgence peut toujours être utile, mais il n'est pas assez visible et devrait être promu dans toutes les universités. Il serait également plus cohérent qu'un numéro vert soit mis en place".
 

Dénonçant les conditions dans lesquelles ce dispositif a été mis en place, le syndicat Solidaires Etudiant-e-s a qualifié de « fumisterie » le numéro d’urgence ouvert vendredi.

Hausse de la précarité étudiante

Lors de sa dernière enquête en 2016, l'Observatoire de la vie étudiante (OVE) a constaté que 23% des étudiants étaient confrontés à d'importantes difficultés financières

Khadra Mouri apporte son aide à une soixantaine d'étudiants en situation de précarité chaque samedi. En tout, ils sont près de 300 jeunes à s'être inscrits auprès de l'association Téméléia Etudiants pour bénéficier de cette aide précieuse.

"Beaucoup d'étudiants nous remercient et disent qu'ils ne sauraient pas comment s'en sortir sans notre aide. Je vois régulièrement des jeunes qui n'ont pas d'autre choix que d'avoir recours à des pratiques comme la prostitution pour survivre."

Khadra Mouri avoue ne pas faire de communication autour de son association par peur d'être débordée par la demande.


En 2016, 50,8% des étudiants interrogés par l'OVE déclarent également avoir dû se restreindre au moins une fois depuis le début de l'année universitaire.

Selon les syndicats, cette situation s'empirerait d'année en année, à mesure que les coûts financiers supportés par les étudiants augmentent.

Ces organisations assurent que les frais augmentent de 3% par an alors que les aides comme les bourses sur critères sociaux ou les APL ont tendance à diminuer chaque année.

La région Centre-Val de Loire ne semble pas échapper à ces hausses, puisque l'Unef dénonçait en 2018 une augmentation du prix des loyers à Orléans, ainsi qu'un tarif d'abonnement au tram plus élevé à Tours que dans la plupart des autres villes étudiantes françaises.

En troisième année de licence de droit à l’université d’Orléans, Lucie est obligée de travailler à côté de ses études pour joindre les deux bouts.

« Je touche 220 euros d’APL et 488 euros de bourse sur critères sociaux tous les mois [ndlr : sur dix mois par an]. Cette somme ne me permet pas de vivre correctement. C’est grâce à mon emploi étudiant que je peux me permettre de louer un studio et de vivre décemment ».
 

La jeune juriste reconnaît que la démarche du gouvernement était initialement positive, mais trouve "déplacé" de proposer un numéro payant pour des étudiants en situation d’urgence.

Face à cette situation critique et en réaction à l'immolation du jeune lyonnais, les étudiants de la région Centre-Val de Loire avaient manifesté leur colère sur les campus d'Orléans et de Tours, en novembre dernier.
 
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