Après la tentative de suicide d'un étudiant à Lyon, les syndicats Solidaires et Sud-éducation ont appelé à des rassemblements à travers la France le 12 novembre afin de protester contre "des institutions inhumaines". En Centre-Val de Loire, le mouvement a notamment été suivi à Tours et Orléans.
Le 8 novembre, vers 15h, un étudiant de 22 ans s'immolait par le feu devant un restaurant universitaire du CROUS, à Lyon. Militant engagé auprès du syndicat Solidaires Étudiant.e.s, le jeune homme avait précédé son geste d'une longue publication sur Facebook, où il évoquait ses difficultés financières, la précarité et la "lutte" contre le fascisme et le libéralisme.
"Des institutions inhumaines" pour les syndicats étudiants
Quatre jour plus tard, des manifestations ont eu lieu à travers la France, à l'appel des syndicats Solidaires et Sud-éducation. Les deux structures dénoncent des "institutions inhumaines", et une violence exercée "contre les étudiant-e-s dans l’indifférence générale qui ont guidé son geste, profondément politique, acte désespéré mais aussi et surtout geste de lutte"."C'est un geste politique", martèle également Maxime, responsable local de Solidaires Étudiant.e.s à Orléans. A 18h, une vingtaine de personnes se sont rassemblées devant le local du Bouillon, le centre culturel du campus de la Source. "Il l'a fait parce qu'il était dans une situation de grande précarité, il venait de perdre sa bourse, de perdre ses moyens de survivre" poursuit Maxime. Selon une étude relayée par le ministère de l'Éducation, le suicide est la deuxième cause de suicide des 15-24 ans (16%), et 6 à 9% des étudiants interrogés affirment avoir déjà commis une tentative.
La précarité détruit nos vies.https://t.co/rO236EQGXR pic.twitter.com/iTrmc8TIUj
— Solidaires étudiant-e-s (@SolidairesEtu) November 9, 2019
#LaPrécaritéTue
Avec des frais qui augmentent sans cesse, "de 3% par an" d'après le syndicat, et des aides qui ont tendance à stagner, comme les bourses, voire à régresser, comme ce fut le cas des APL, la situation des étudiants semble se précariser de plus en plus. En octobre 2017, ces aides personnalisées au logement avaient baissé uniformément de 5 euros pour tous les bénéficiaires. En 2020, une nouvelle réforme du mode de calcul pourrait pénaliser tout particulièrement les jeunes actifs. Les pouvoirs publics et le gouvernement, mis en cause par le message d'adieu de l'étudiant lyonnais, "sont responsables de la mort des gens", résume Maxime.Les revendications de Solidaires, auquel s'est jointe l'Unef à Orléans, portent donc essentiellement sur les difficultés financières des étudiants. "On demande à augmenter les bourses, qui ne sont clairement pas suffisantes", déclare Maxime. Solidaires revendique également un salaire pour compenser les "20 à 40 heures" de travail hébdomadaire fourni par les étudiants.
De son côté, l'Unef déplore les problèmes de pédagogie au sein de l'université et le salariat des étudiants. "C'est très compliqué d'être boursier, de réussir ses études et d'avoir un travail par ailleurs", note Marielle, la présidente locale de l'Unef. L'organisation a toutefois salué l'ouverture au dialogue de la rectrice d'Orléans, qui a convoqué une réunion en urgence suite aux événements de vendredi.
La "paranoïa" de la précarité
"En L1, je touchais 340 euros de bourses", témoigne Antoine, qui a tenu à participer à la manifestation. Suite à un changement administratif concernant ses parents, agriculteurs dans l'Indre, cette bourse a été divisée par trois l'année suivante. Cette année, il touche 160 euros par mois, qu'il complète avec les aides de la CAF et le fruit de son travail de l'été dernier, qu'il estime à 3600 euros sur l'année.Chaque mois, son loyer s'élève à 335 euros auxquels s'ajoutent quelques centaines d'euros liés à des dépenses impératives, comme la nourriture et l'essence. "Ça m'oblige à faire des coupes, je rentre moins souvent voir mes parents, je fais moins de courses", résume Antoine. "Il n'y a pas que la pauvreté efficiente, il y a aussi ce côté paranoïaque quand on doit gérer soi-même son budget" ajoute le jeune homme. Le fardeau de la précarité.
Les étudiants étrangers touchés par la précarisation
Une précarité que dénoncent aussi les étudiants étrangers, qui forment un bon tiers de la petite troupe bravant la fraîcheur de cette soirée de novembre. Depuis la rentrée 2019, les étudiants en provenance de pays hors Union européenne doivent s'acquitter de 2770 euros en licence et 3770 euros enmaster, soit plus de dix fois plus que leurs camarades Européens."Par rapport au prix initial de 170 euros, les frais d'inscription pour les étrangers sont passés à 2770 euros par an pour la licence", regrette Nadine, étudiante en licence. "On trouve qu'il y a une discrimination, d'autant qu'on ne peut pas travailler jusqu'à ce qu'on ait un titre de séjour, donc on ne peut pas subvenir à nos besoins pendant ce temps !" Une somme que Khadija, sa voisine, compare au salaire moyen algérien "autour de 100 euros". La mesure, prise au mois d'avril, avait été largement critiquée, et même suspendue par l'université de Lille.
A Tours, une autre manifestation a également eu lieu à 18h, cette fois devant les locaux du CROUS, au 5 rue Bretonneau.
Suicide étudiant : en parler pour sauver des vies
"Geste politique" d'après les syndicats, la tentative de suicide de l'étudiant qui s'est immolé à Lyon est aussi un geste "désespéré". Face au risque de suicide, des portes de sortie existent, pour les personnes qui souffrent de pensées suicidaires comme pour leur entourage. La première nécessité est de pouvoir s'exprimer et demander de l'aide, et pour cela un certain nombre de numéros sont disponibles.Tous ces services d'écoutes recommandés par le ministère de la Santé sont anonymes.
SOS Amitié Centre-Val de Loire :
Service d’écoute destiné à accueillir la parole de celles et ceux qui, à un moment de leur vie, traversent une période difficile.
Permanence d’écoute téléphonique 24h/24, 7j/7.
Permanence d’écoute par tchat tous les soirs de 19 h à 23 h ou par mail (réponse sous 48h maximum).
Tél. : 02 38 62 22 22
Suicide Ecoute :
Ecoute des personnes confrontées au suicide.
Permanence d’écoute téléphonique 24h/24, 7j/7.
Tél. : 01 45 39 40 00
Site Internet : www.suicide-ecoute.fr.
SOS Suicide Phénix :
Accueil et écoute de toute personne confrontée à la problématique du suicide.
Permanence d’écoute téléphonique 7j/7.
Permanence d’écoute par messagerie accessible depuis le site internet de l’association.
Ligne nationale : 0 825 12 03 64 (de 16 h à 23 h).
Site Internet : www.sos-suicide-phenix.org.
Fil Santé Jeunes :
Ecoute, information et orientation des jeunes dans les domaines de la santé physique, psychologique et sociale.
Ligne d’écoute téléphonique anonyme et gratuite 7j/7, de 8h à minuit.
Tél : 32 24 ou 01 44 93 30 74 (depuis un portable)
Site Internet : www.filsantejeunes.com.
Phare Enfants – Parents :
Espace d’accueil et d’écoute (gratuit) pour les parents et les enfants en souffrance ; soutien aux parents endeuillés par un suicide.
Ligne d’écoute : 01 43 46 00 62 (du lundi au vendredi de 10h à 17h).
Service d’écoute par messagerie à l’adresse : cavaoupas@phare.org
Site Internet : www.phare.org.
Association Vivre Son Deuil :
Soutien aux personnes endeuillées, notamment par suicide, par une écoute téléphonique, des entretiens individuels et familiaux et des groupes de parole.
Retrouvez les coordonnées des associations régionales sur le site de l’association.
Tél : 01 42 38 08 08
Site Internet : vivresondeuil.asso.fr.