Cinq ans après l'attaque de Charlie Hebdo, le Collectif du 11 janvier a appelé à un rassemblement national au nom de la laïcité. A Orléans, la manifestation aura lieu à 18h place de la République. Le président du Laboratoire Loiret de la laïcité, Giles Kounowski, a répondu aux questions de France 3.
- Pourquoi manifester le 10 janvier ?
- Cinq ans après l'attaque contre Charlie Hebdo, avez-vous l'impression que la France et le monde ont beaucoup changé ?
- Le thème de la laïcité, le mot lui-même, font l'objet d'une récupération éhontée de la part de l'extrême-droite. Est-ce qu'à terme il n'y a pas le risque que la laïcité soit instrumentalisée ?
La laïcité, lorsqu'elle est manipulée, entre autres, par l'extrême-droite, c'est une laïcité d'exclusion, une laïcité qui condamne les uns au nom des valeurs des autres. C'est une supercherie, un abus de langage, mais effectivement la pratique est commode.
- Entre le communautarisme et la montée de l'extrême-droite, quelles seraient les conditions d'une amélioration de ce climat ?
On n'oublie pas bien sûr nos êtres chers et les événements, c'est justement ça qu'on veut commémorer le 10 janvier. Sauf qu'il va effectivement falloir passer à autre chose et j'espère que les générations qui suivront seront capable de vivre aussi confortablement qu'on était capables de vivre dans nos jeunesses insouciantes, dans les années 70, 80 ou 90.
- Il y a eu beaucoup de débats autour de la laïcité récemment, notamment après les propos de Julien Odoul, qui a humilié une femme voilée au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. La laïcité ne devrait-elle pas être la liberté de vivre sa religion ?
Concernant le droit des femmes musulmanes à revendiquer leur religion dans l'espace public c'est un autre sujet qui pose question à une société très sécularisée. En France il y a à peu près 60% de citoyens qui ne réclament d'aucune religion et qui ont une espèce de "photo-sensibilisation", de sensibilité exacerbée à l'expression religieuse dans l'espace public. Ça les agace parce qu'on n'a plus l'habitude de voire des soeurs en cornettes ou des moines en habit. Donc la religion musulmane, qui est pourtant présente depuis longtemps, s'exprime dans l'espace public par des modes de revendication qui irritent ceux qui n'avaient plus l'habitude de voir la religion s'exprimer ainsi. Cependant, dans l'espace public, les personnes ont le droit de se vêtir comme elles l'entendent.
- Est-ce que l'islam est la seule religion qui pose problème de cette manière, du point de vue de la laïcité que vous défendez ? Est-ce qu'il n'y a pas derrière cette "irritation" une forme de racisme ?
Mais il ne faut pas s'y tromper : il n'y a pas que l'islam qui a ce côté très irritant pour ceux qui ont perdu l'habitude de l'omniprésence de la religion dans la société. Un certain nombre de mouvement protestants, notamment évangéliques, sont aussi à la manoeuvre, et ont des caractéristique assez proches de ceux d'autres religions, en refusant par exemple les théories de l'évolution ou un certain nombre d'acceptions sur le progrès scientifique. C'est vraiment le problème de ces religions qui exigent des croyances relativement rétrogrades à mes yeux.
Il existe aussi un mouvement catholique intégriste qui s'oppose à la PMA comme il s'était opposé au mariage pour tous. On est sur un sujet de société où les partisans de la laïcité, qui veulent que que chacun puisse disposer, dans le cadre légal, de son corps depuis sa naissance jusqu'à sa mort, vont se confronter à des personnes qui ont des positions religieuses et veulent imposer aux autres leur vision du monde, où seul leur Dieu décide de tout cela. Et là on aura pas forcément face à nous que les catholiques intégristes, on aura aussi d'autres religions.