Orléans : des mineurs isolés scolarisés délogés contre leur gré à plus de 50km de leur établissement

Des professeurs du collège E. Dolet à Orléans ont envoyé une lettre au président du Conseil départemental du Loiret ce mercredi 20 novembre pour lui demander de "revoir en urgence la situation" de mineurs isolés qui ont dû déménager du jour au lendemain à 50km du lieu où ils sont scolarisés.

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Mercredi 13 novembre, le Conseil départemental du Loiret a demandé à un groupe de mineurs isolés étrangers de partir d'Orléans, où ils étaient installés et scolarisés, pour un centre d'hébergement situé à Ouzouer-sur-Loire, à 50km de là.
 Certains, comme Etienne* et Mohamed* que nous avons rencontrés, ont refusé de "repartir à zéro" pour leur intégration. D'autres ont accepté de partir de leur hôtel orléanais, dans l'incompréhension et après que le département a fait pression sur leur situation. L'un d'entre eux, A., a entamé une grève de la faim pour protester et se trouve depuis lundi 18 novembre à l'hôpital.

Le corps enseignant du collège Etienne Dolet d'Orléans a manifesté sa colère face à cette décision et a envoyé ce mercredi 20 novembre une lettre au président du Conseil départemental, Marc Gaudet, lui demandant de "revoir en urgence la situation" de ces mineurs et de "faire tout ce qui est possible pour les loger à proximité du collège".

Etienne a 15 ans et est arrivé il y a près d'un an du Cameroun. Après s'être démené pour intégrer un collège, il a finalement obtenu une place à Etienne Dolet au mois de février en classe de 4e. "Je passais tous les jours à l'Académie et au Conseil départemental pour qu'ils comprennent. Tout ce que je voulais c'était aller à l'école", nous confie-t-il.

Depuis le début, ses rapports avec le Conseil départemental - l'institution en charge des mineurs non accompagnés (MNA) - sont difficiles. Il nous raconte le labyrinthe administratif qu'il a dû traverser pour avoir sa place dans un hôtel, puis dans un collège, obtenir la bourse destinée aux MNA, les fournitures scolaires, les conseils adaptés pour sa situation. 

Aujourd'hui, il est fier de la vie qu'il a réussi à construire petit à petit à Orléans. Il est bon élève, s'est fait des amis, s'est inscrit à un club de volleyball... "J'ai appris très vite l'hymne national pour montrer ma motivation." 
 

"Je les ai vus rajouter à la main mon nom sur la liste"

Mercredi 13 novembre, il reçoit un sms non signé lui indiquant qu'il doit se rendre à un rendez-vous. En appelant ce numéro, il apprend que c'est le Conseil départemental qui le demande. 

A mon arrivée, on était tout un groupe de mineurs isolés. L'homme qui nous accueillait nous dit : "Vous êtes nombreux à Orléans, on a décidé d'envoyer une partie d'entre vous dans une zone reculée." Une fois que j'ai compris que c'était vraiment loin, qu'il n'y avait pas de transport pour aller à Orléans, j'ai refusé de m'y rendre. Ça met mon avenir en jeu. 

Pour Mohamed, l'incompréhension est encore plus grande. "J'étais au Conseil départemental pour faire signer un papier pour commencer mon apprentissage en peinture en bâtiment. Là, ils m'ont dit qu'il y avait une réunion où je devais aller. Je les ai vus rajouter à la main mon nom sur la liste de ceux qui devaient partir." Lui aussi a refusé de partir à Ouzouer-sur-Loire.

Le Conseil départemental n'accepte plus de leur fournir à manger

A ce stade, ils sont considérés "en fugue" par le Conseil départemental. Ce qui signifie qu'ils peuvent encore dormir à l'hôtel mais ils n'ont plus le droit d'être servis en nourriture. Depuis vendredi, Etienne et Mohamed se débrouillent comme ils peuvent, grâce à la charité des amis qu'ils se sont fait à Orléans. "Ils nous mettent la pression avec ça mais moi je n'irai pas", renchérit Etienne. 

Pour lui, "l'essentiel c'est d'aller à l'école". "Je constate déjà que cette situation m'affecte. Je ne dors plus depuis une semaine et je sais que j'ai raté mon contrôle de français à cause de ça." Un départ à Ouzouer-sur-Loire serait comme "repartir à zéro" pour lui et Mohamed. 
 

Ceux qui ont accepté de partir devront prendre le bus à 6 heures

Le département a finalement accepté que les mineurs transférés à Ouzouer-sur-Loire bénéficient d'un transport pour les amener à Orléans et les ramener le soir afin qu'ils restent dans leur établissement. Mais la solution est loin d'être idéale selon Anne Lavy et Agathe Castello, toutes deux professeures au collège Dolet. "Ils devraient partir à 6 heures du matin et on les ramèneraient ensuite à 18 heures, détaille Agathe Castello, professeure de français. Ce n'est pas adapté à leur emploi du temps, ils vont devoir attendre des heures dehors."

Pour Jacky Guérineau, directeur général adjoint du Conseil départemental, responsable du pôle Citoyenneté et cohésion sociale, "ce n'était pas raisonnable de les laisser à l'hôtel. S'il y a une difficulté majeure au niveau du transport, nous la corrigerons."

Le corps enseignant du collège Etienne Dolet signataire de la lettre à Marc Gaudet ne comprend pas cet argument de raisonnabilité puisque d'autres mineurs isolés logent toujours dans des hôtels. "Nous ne comprenons pas pourquoi ces jeunes, qui ont attendus longtemps avant d’être scolarisés, ont été ciblés, eux, pour être relogés plutôt que d’autres qui ne le sont pas encore", écrivent-ils. En outre, parmi les mineurs déplacés à Ouzouer-sur-Loire, se trouvent des jeunes qui ont intégré des classes adaptées à leurs besoins, comme A. qui est dans une classe pour les jeunes "Non Scolarisés Antérieurement" (NSA). Ce type de classe n'existe que à Orléans.

Sa professeure de français Agathe Castello nous décrit son état au moment où il a appris qu'il devait partir : 

Il était terrorisé à l’idée de vivre loin, dans un centre qu’il ne connaissait pas. Il a finalement accepté mais il est parti la mort dans l’âme.

Dès son arrivée au centre d'hébergement, il a refusé de s'alimenter. Pris de malaises, il a été conduit à l'hôpital. D'après Etienne, il a expliqué au corps médical que s'il était renvoyé à Ouzouer-sur-Loire, il refuserait à nouveau de manger. Selon Mme Castello, son transfert est d'autant plus incompréhensible qu'une famille solidaire était prête à l'accueillir chez elle. 

La trentaine de signataires de la lettre, Etienne, Mohamed et les autres mineurs forcés d'aller à plus de 50km de leur nouvelle vie croisent les doigts pour le Conseil départemental trouve une solution adaptée à leurs besoins. 

*Les prénoms ont été modifiés
 

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