Le 17 décembre 1999, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 25 novembre "Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes", en hommage aux sœurs Mirabal, militantes dominicaines qui furent brutalement assassinées sur les ordres du dictateur Trujillo
Elles sont mortes pour avoir dit non à la dictature et au patriarcat.
"Ce qui m'a d'abord fasciné dans leur histoire, c'est leur courage de chaque instant. Elles sont nées en République dominicaine à une période où il y avait un dictateur absolument épouvantable qui s'appelait Trujillo. Elles lui ont résisté et ont été assassinées le 25 novembre 1960 sur ordre du dictateur, " raconte Catherine Pélage, directrice de la chaire d'études culturelles dominicaines consacrée aux sœurs Mirabal à l'Université d'Orléans.
Une histoire méconnue en France et en Europe
Les sœurs Mirabal, Patria,
Cette chaire est un accord entre l'Université d'Orléans et l'ambassade de la République dominicaine en France. "Ce travail de recherche a pour objectif de faire connaître une histoire qui mérite à tous égards d'être connue, mais aussi de développer la recherche sur la République dominicaine : littérature et culture très peu connues en France. Elle vise à organiser des événements culturels avec des cinéastes, des écrivains et des essayistes, mais aussi de créer à Orléans un fonds bibliographique consacré à la République dominicaine inauguré en février dernier," explique Catherine Pélage.
Les sœurs Mirabal : des femmes engagées et très en avance sur leur temps
Élevées dans un milieu aisé, les sœurs Mirabal bénéficient d’une éducation de qualité. Elles grandissent sous la dictature de Rafael Trujillo, arrivé au pouvoir en 1930 à la suite d’un coup d’État. Rapidement, ce dernier impose son parti comme parti unique, attise jusqu’au massacre la haine envers les populations haïtiennes, développe un culte autour de sa personne et s’enrichit en préemptant des terres et des industries.
Contrairement à l’usage qui s’installe, les Mirabal n’affichent pas de portrait du dictateur chez eux, ce qui leur vaut d’être considérés hostiles au pouvoir en place. Invitée à plusieurs fêtes chez le dictateur, Minerva Mirabal repousse ses avances. Des trois sœurs, elle est la plus engagée contre Trujillo. Elle participe à des réunions clandestines d'opposition au dictateur.
"C'étaient des femmes hors norme", explique Catherine Pélage. "Par exemple, Minerva Mirabal a été l'une des premières femmes à faire des études de droit en République dominicaine et à avoir un diplôme d'avocate. Elle n'a jamais pu exercer parce que le dictateur Trujillo lui interdisait d'exercer son métier. Mais elle avait une volonté de faire des études et de s'impliquer politiquement."
Autour des sœurs Mirabal et de leurs époux naît un mouvement dissident, le mouvement révolutionnaire du 14 juin, en hommage à une tentative d'insurrection durement réprimé le 14 juin 1959. Minerva et son mari veulent rassembler des groupes opposés à Trujillo pour préparer une révolution. En janvier 1960, Minerva, Maria Teresa et leurs maris sont emprisonnés. À leur sortie de prison, elles reprennent la lutte, conscientes du danger. "Ce dont nous sommes peut-être les plus proches est la mort, mais cette idée ne me fait pas peur : nous allons continuer à lutter pour ce qui est juste," déclara Maria Teresa Mirabal.
Lundi est la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
— Nations Unies (ONU) (@ONU_fr) November 25, 2024
Toutes les 10 minutes, une femme est tuée par un partenaire intime ou un membre de sa famille.
Il n’y a #PasDExcuse à la violence sexiste. https://t.co/jAJLsU3H4C via @ONUFemmes #16Days pic.twitter.com/jMaOct9CHD
Le 25 novembre 1960, alors que Patria, Minerva et María Teresa Mirabal reviennent de leur visite hebdomadaire à leurs maris emprisonnés, elles tombent dans une embuscade tendue par des membres des services secrets. Conduites sous la menace d’armes dans une maison de campagne, elles sont assassinées avec leur chauffeur. Leurs corps sont ensuite replacés dans leur véhicule, qui est jeté du haut d’un précipice.
Le 17 décembre 1999, par sa résolution 54/134, l'Assemblée générale des Nations Unies a proclamé le 25 novembre "Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes", en hommage aux sœurs Mirabal.
"Les sœurs Mirabal restent, 64 ans après leur mort, le symbole de femmes engagées et très en avance sur leur temps dans une société qui ne leur laissait absolument aucune marge de liberté. Et malgré tout, elles ont trouvé des espaces de liberté pour s'opposer, pour résister, pour évoluer constamment," conclut Catherine Pélaga, directrice de la chaire d'études culturelles dominicaines des sœurs Mirabal à l'Université d'Orléans.
64 ans après, "TOUS UNiS" pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes
"La violence à l’égard des femmes et des filles demeure l’une des violations des droits de l’homme les plus répandues dans le monde. À l’échelle mondiale, près d’une femme sur trois a été victime de violence physique et/ou sexuelle de la part de son partenaire intime, de violence sexuelle d’un autre partenaire, ou des deux, au moins une fois dans sa vie", peut-on lire sur le site des Nations Unies.
En 2023, au moins 51 100 femmes ont subi une violence de genre qui s'est achevée par leur assassinat, perpétré par leur partenaire ou des membres de leur famille. Cela signifie qu'une femme a été tuée toutes les 10 minutes.
La Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes marque le lancement de la campagne TOUS UNiS !, une initiative de 16 jours d'activisme qui s'achèvera le jour de la commémoration de la journée des droits de l'homme le 10 décembre.
Administrée par ONU Femmes, l’initiative "TOUS UNiS ! " appelle les gouvernements, la société civile, les organisations de femmes, les jeunes, le secteur privé, les médias et le système des Nations Unies à se mobiliser pour lutter contre la pandémie mondiale de la violence à l’égard des femmes et des filles.