Au lendemain de la démission du recteur de la cathédrale d'Orléans, l'émotion est vive dans le diocèse. Une situation plus courante qu'on ne le pense et qui pose à nouveau la question du célibat des prêtres.
La nouvelle a secoué l'église orléanaise et suscité une vive émotion au sein des fidèles. Le père Christophe Chatillon, recteur de la cathédrale d'Orléans, a publiquement annoncé samedi 28 janvier quitter les ordres par amour pour une femme.
"On a été choqués"
Yann de Pinieux est diacre permanent et administrateur de la cathédrale. Il était le plus proche collaborateur du Père Chatillon. "Je le secondais pour toute l'administration de la cathédrale", explique-t-il. C'est au cours d'une banale réunion mensuelle rassemblant prêtres et diacres orléanais mardi dernier, que le recteur lui confie vouloir rendre l'habit.
"D'abord on a été très surpris voir choqués, on ne s'attendait pas à un départ du ministère", relate le diacre, qui reconnait que ce départ est "une décision très douloureuse", "mais il l'a fait avec tellement de tact, de gentillesse, de douceur et surtout de profonde vérité envers lui-même et envers nous que ça ne pouvait être qu'acceptable pour nous", tempère-t-il.
"C'est sa décision personnelle, je m'abstiendrai de juger"
Le samedi suivant, Christophe Chatillon, recteur de la cathédrale d'Orléans depuis 2016, choisit d'expliquer les raisons de son départ aux fidèles dans une émouvante lettre publiée sur le site de sa paroisse.
"Pendant très longtemps, les joies de la mission et de la vie fraternelle m’ont permis de compenser les frustrations liées au ministère presbytéral, et plus particulièrement au célibat : aujourd’hui cela n’est plus le cas", écrit-il, avant de clairement déclarer qu'à 53 ans, il faisait le choix de renoncer au sacerdoce pour l'amour d'une femme.
Au cœur des épreuves traversées ces dernières années, le hasard de la vie a voulu que je trouve le réconfort dont j’avais besoin auprès d’une amie qui m’a écouté et soutenu. Aujourd’hui je ne peux pas envisager l’avenir sans elle.
Père Christophe Chatillon
"C'est sa décision personnelle, je m'abstiendrai de juger, je n'ai pas vécu ce qu'il a vécu donc je n'irais pas plus loin", réagit Yann de Pinieux. Pour le diacre, ce ne sont pas tant les raisons du départ que le départ lui-même qui l'attriste. "Christophe était quelqu'un de très attachant donc il y a forcément de l'affectif entre frères-prêtres et diacre et ça rend les choses douloureuses, et pour lui aussi je suis sûr."
Tout s'est fait en accord avec l'évêque d'Orléans Monseigneur Blaquart, qui lui aussi fait part d'un "choc" dans un communiqué. Quant aux fidèles interrogés au lendemain de l'annonce dans la cathédrale, ils se montrent eux aussi surpris mais compréhensifs.
"Sur le moment on se pose des questions mais je me dis que chacun a le droit de vivre ca vie. Pourquoi pas ? Il faut savoir aussi évoluer. On n'a pas à juger, je n'aurais pas de regard négatif face à cette décision", commente une paroissienne orléanaise.
Plus loin, un jeune croyant de Saint-Denis-en-Val juge "respectable de l'avoir annoncé publiquement." "J'estime, en tant que croyant, qu'on n'a pas vraiment à juger pour ça. Je ne pense même pas qu'on puisse dire qu'il a délaissé la religion", argue-t-il.
"Ca fait bon nombre d'années que l'on sait qu'il y a des prêtres qui ont des compagnes"
L'histoire du père Chatillon est peu banale et pourtant plus courante qu'on ne le pense. Des hommes d’églises qui démissionnent pour vivre une histoire d’amour, l'association Plein Jour qui soutient les compagnes de prêtres, en recense en effet régulièrement. "Aujourd'hui on en entend d'avantage parler mais ça fait bon nombre d'années que l'on sait qu'il y a des prêtres qui ont des compagnes", explique sa psychologue et présidente Maryl Chaperon.
En revanche, rares sont ceux qui comme le recteur d’Orléans, choisissent de révéler leur relation au grand jour. "A certains moments, ils vivent cet amour et puis après ils sont rattrapés par la culpabilité, la honte […] tous n'ont pas la possibilité de faire une lettre à leurs paroissiens. Il y en a bon nombre qui partent j'allais dire sans laisser d'adresse, sans raison, les paroissiens se retrouvent sans trop savoir ou alors se doutent et puis il y a d'autres diocèse ou il y la possibilité de l'annoncer, parfois à la dernière messe".
Le fait de pouvoir l'annoncer, de pouvoir le dire, Ça leur donne la possibilité d'être en vérité avec leurs paroissiens. Ça leur permet d'être plus en accord avec eux-mêmes et avec la population dont ils avaient la charge avant.
Maryl Chaperon - Psychologue et présidente de l'association Plein Jour
Un sentiment que partage également Yann de Pinieux: "Nous l'avons bien volontiers soutenu dans la décision qu'il avait prise et qui était vraiment vérité par rapport à lui-même, par rapport à l'église, par rapport à sa vie et ce qu'il a vécu."
Contacté, le père Châtillon nous a confié qu'en raison des "turbulences actuelles", il préférait ne pas donner suite à nos demandes d'interview. Pour un temps et en l'absence du recteur, les célébrations seront assurées par "les prêtres et diacres du centre-ville avec l’aide de ceux du pôle missionnaire", explique l'évêque d'Orléans, qui a également prévu d'évoquer cette situation inédite avec les fidèles lors d'un" temps d'échange et de rencontre" à la maison Saint-Vincent à Orléans samedi 4 février prochain.