Un projet d'école privée intégriste sème la discorde dans une commune d'Indre-et-Loire

À quelques kilomètres de Tours, un projet de pôle scolaire regroupant deux établissements privés hors contrat déjà existants, et tenus par la très conservatrice Fraternité sacerdotale Saint-Pie-Dix, sème la discorde.

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À Chanceaux-sur-Choisille, une commune proche de Tours, se trame un projet de création d'un pôle scolaire par la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X. Cette communauté catholique extrêmement rigoriste a fait, il y a quelques mois, l’acquisition d’un château et de son terrain de 22 hectares, pour y regrouper l’école de la Sainte-Face (de la petite section au CM2) et le collège Léon-Dupont (6e et 5e).

Une "Fraternité" problématique

Face à cette installation, certains habitants de la commune se sont constitués en collectif, Chanceaux Laïcité, et s'érigent contre cette construction portée par une société qu'ils qualifient d'intégriste.

Retour en 1970. Cette année-là, l'évêque Marcel Lefebvre, proche de l'Action française et de l'extrême-droite, fonde la Fraternité en opposition au Concile de Vatican II, jugé trop moderniste.

Petit à petit, elle se transforme en frange ultra-conservatrice de l’Eglise catholique, avec laquelle elle entretient des relations complexes depuis l’excommunication de Marcel Lefebvre en 1988. Le prêtre avait alors consacré quatre évêques sans permission du pape.

La communauté entretient également des liens étroits avec l’extrême-droite : certains de ses membres ont par exemple aidé et hébergé Paul Touvier, chef de la Milice et collaborateur des nazis à Lyon pendant l'Occupation.

Des dérives dans les établissements religieux

La FSSPX, comme on l'appelle, distille sa pensée à travers 59 établissements scolaires répartis sur toute la France métropolitaine. Durant de longs mois, ils ont été passés au crible du Conseil National d’Action Laïque (CNAL), une fédération de cinq organisations travaillant sur le monde de l’éducation.

En mars 2022, le CNAL publie une enquête sur les dérives au sein des établissements privés hors contrat. À partir de 164 rapports d’inspection, l'organisme démontre des défaillances dans l'enseignement du socle commun de connaissances, compétences et culture

Les groupes scolaires de la FSSPX n’y font pas exception. "Nous avons observé des invariants d’un établissement à l’autre", constate Rémy-Charles Sirvent, secrétaire général du CNAL. Au total, le Conseil a analysé 14 rapports d’inspection datant de 2017 à 2021 portant sur des établissements liés à la communauté et implantés sur 45 départements. Là aussi, de nombreux éléments du socle commun sont pointés par les rapports comme non ou mal enseignés. 

Science rejetée et Shoah passée sous silence

Cela se traduit par la présence de manuels obsolètes. Plusieurs établissements du réseaux utilisent par exemple le recueil de sciences daté Observons ensemble, édité en 1964. "Les sciences dures sont négligées, détaille Remy-Charles Sirvent. Or il faut que les enfants et les adolescents fassent des expériences." Ni la physique-chimie, ni les enseignements numériques ne sont explicitement inscrits au programme présenté sur le site internet du collège Léon-Dupont.

Dans certains établissements, les élèves n’ont accès ni à des ordinateurs, ni à Internet, et n’ont pas non plus la possibilité de consulter les médias, selon l'enquête du CNAL. Difficile dans ces conditions de forger son esprit critique, tout particulièrement lorsque l’histoire et la géographie sont "repensées".

Certaines périodes historiques ne sont parfois même pas étudiées. L’un des rapports d’inspection révèle même que "le rôle de Vichy dans l’extermination est mis sous silence. Ce génocide n’est d’ailleurs pas mentionné dans le traitement de la Seconde Guerre mondiale".

Des recours déposés en préfecture

Autant d’arguments qui poussent le CNAL à demander l’évolution des conditions d’ouverture de telles structures. À la place d'une simple déclaration d'ouverture, il souhaiterait un régime d'autorisation.

Car, actuellement, les établissements privés hors contrat doivent uniquement déclarer leur ouverture, trois mois avant, au recteur de l’académie. La déclaration est ensuite transmise aux maire, préfet et procureur de la République. Chacun d’entre eux peut décider de s’opposer à la création d’une école pour différents motifs, comme la protection de l’enfance et de la jeunesse

"C’est cet argument que nous mettons en avant", déclare Catherine Géraudie, présidente du collectif Chanceaux Laïcité. Après avoir découvert la création du pôle scolaire dans les médias le 12 mars 2022, une formation -composée d’un noyau dur de quinze personnes- s'est immédiatement créée et a organisé dix jours plus tard une réunion d’information à laquelle le maire, Gérard Daviet, a participé. Par la suite, peu de retours ont été donnés par la municipalité.

Déception pour le collectif, qui se tourne vers d'autres instances. "Nous avons aussi demandé deux audiences à la préfète, Marie Lajus", lance la Catherine Géraudie. La première a été faite au cours du mois de juin et la seconde début novembre.

"En juin, nous savions que la demande avait été transmise au service concerné, mais cette fois, rien du tout." Le collectif prévoit pour prochaine étape une manifestation au pied de la préfecture, et compte maintenant sur la médiatisation de l'affaire. 

Un déménagement et non une création

Contactée par France 3, la préfecture insiste : "il ne s'agit pas d'une création d'école mais bien d'un déménagement". Le dossier de déménagement a été déclaré complet par le rectorat le 19 juillet 2022, et transmis par la suite à la préfecture. La commission de sécurité sur le risque incendie doit encore être saisie.

"Cet établissement fait l'objet d'une vigilance de l'ensemble des services de l'État", indique néanmoins la préfecture. L'école de la Sainte-Face a fait l'objet d'une inspection en mai 2022. "Sur le volet administratif, tout était conforme. Sur le volet pédagogique, des observations ont été faites. De nouveaux contrôles sont à prévoir." Ils s'assureront que les recommandations réalisées à la suite de l'inspection ont été prises en compte.

Concernant, le risque de repli communautaire et identitaire, la directrice de cabinet ne relève pas au sein de cette école de "signalement important". Une série de contrôles de l'État doit donc encore être réalisée, ce qui empêche l'ouverture : "il n'y a pas de date à avancer à ce stade".

Contactés, les deux établissements scolaires n'ont pas donné suite aux demandes d'interview de France 3.

Mise à jour le 25 novembre

Dans l'après-midi du 24 novembre, la préfecture d'Indre-et-Loire indiquait avoir pris contact avec le collectif Chanceaux Laïcité. Ce dernier "sera reçu par la directrice de cabinet sur instruction de madame la Préfète", indiquent les services de l'État.

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