Au lendemain de la visite historique du pape François à Ajaccio, Gilles Simeoni était l’invité du Corsica Sera. Le président du conseil exécutif de Corse est notamment revenu sur l’importance de cet événement pour l’île.
Il a rencontré le pape à deux reprises à l’occasion du voyage apostolique du Saint-Père à Ajaccio, dimanche 15 décembre. Au lendemain de cette visite historique, Gilles Simeoni était l’invité du Corsica Sera.
Le président du conseil exécutif de Corse est notamment revenu sur l’importance d’un tel événement pour l’île tout en abordant des sujets plus politiques en lien avec la nomination de François Bayrou en tant que Premier ministre.
Vous avez rencontré de manière très brève le président de la République, un échange qui interroge sur la forme, moins de 10 minutes sur le tarmac de l’aéroport d’Ajaccio, mais aussi sur le fond, alors que les sujets ne manquent pas. Processus d’autonomie à l’arrêt, cour administrative d’appel de Marseille qui interdit l’usage de la langue corse dans l’hémicycle de l’assemblée territoriale. Que vous a dit Emmanuel Macron ?
L’objet principal de la journée d’hier était la visite du pape. Il y a eu une opportunité d’échanger avec le président de la République, 10 ou 15 minutes, c’est quand même significatif. Ce n’est certainement pas suffisant pour aborder l’ensemble des problèmes.
J’ai rappelé au président de la République que la Corse a des problèmes politiques, économiques, sociaux, culturels, linguistiques, qu’à mon avis, il faut aller vers la révision de la Constitution, vers un statut d’autonomie, vers un statut de la langue.
J’ai trouvé le président de la République attentif. Il m’a surtout redit de façon très claire, que sa volonté était qu’en termes de calendrier, et sur le fond, la révision de la Constitution organisant un statut d’autonomie pour la Corse soit menée à son terme.
La nomination d’un nouveau Premier ministre rebat une nouvelle fois les cartes. François Bayrou, considéré comme un Girondin dans un contexte de crise politique, à la recherche de majorité sur le plan national. Est-ce la personne idoine selon vous pour relancer le processus d’autonomie ?
C’est incontestablement quelqu’un qui, à travers son parcours politique, ses convictions, ses prises de position également, a fait preuve de façon constante d’esprit d’ouverture que ça soit sur la question linguistique, ou que cela soit sur la question plus politique.
François Bayrou a eu l’occasion d’affirmer qu’il était favorable à une solution politique et un statut d’autonomie. La question qui se pose, c’est : dans le contexte actuel, aura-t-il les moyens de mener à son terme la révision constitutionnelle ? Il faudra en appeler à l’esprit de responsabilité de l’ensemble des forces politiques. Parce que la question corse doit être réglée et doit être réglée maintenant.
Émotion, joie, ferveur, fierté, sont les termes qui reviennent le plus souvent pour décrire la visite historique du pape en Corse. N’est-ce pas aussi une reconnaissance de la Corse, de ce que sont les Corses à travers leur foi, leur culture, voire leur identité ?
Poser la question, c’est y répondre. D’abord dire, mais chacun et chacune l’a ressenti, que nous avons vécu un moment extraordinaire, un moment de grâce, tant au plan individuel que collectif. On a senti monter la lame de fond lors des derniers jours. Puis on a passé une journée véritablement extraordinaire et qui, à mon avis, va marquer l’Histoire contemporaine de la Corse. Et cette journée va également produire des effets sur le moyen et sur le long terme.
Ceci étant, je crois que le pape l’a dit, “je me suis senti à la maison”. Quel plus beau compliment pour la Corse et pour les Corses. Je crois que le peuple corse a démontré qu’il existe. Il a montré également qu’il est capable de réaliser des choses extraordinaires. Nous avions besoin, y compris pour nous-mêmes de faire cette démonstration, nous l’avons réussie, tant mieux.
L'entretien de Gilles Simeoni en intégralité :
Vous avez pu vous entretenir à deux reprises avec le pape, que vous a-t-il dit ?
D’abord, je lui ai remis un cadeau au nom de la collectivité de Corse, de la Corse et du peuple corse avec la présidente de l’Assemblée de Corse. On aura l’occasion de parler de ce cadeau qui est très symbolique, c’était assez formel.
Et puis il y a eu un moment inattendu puisque le pape a appris que j’avais eu un décès dans ma famille très proche. Il s’entretenait à ce moment-là avec le président de la République qui, je crois, a également porté cette information à sa connaissance. Et donc je me suis retrouvé de façon assez inattendue à la fois avec le président de la République et le pape, d’abord, puis avec le pape en tête-à-tête.
Je lui ai parlé, bien sûr, du peuple corse et son sourire montrait bien qu’il a ressenti l’existence de ce peuple. Et puis pour tout vous dire, il m’a béni. Donc voilà, que l’on soit croyant ou non, vivre des moments pareils, c’est extraordinaire.
Il reste trois ans avant de nouvelles élections territoriales, mais la machine de la collectivité de Corse est grippée, si l’on peut dire. Ordres du jour maigres, incertitude totale quant aux futures dotations, tensions syndicales également, comment comptez-vous inverser cette tendance mortifère ?
On va essayer de s’inspirer du message du pape et au-delà du message du pape de l’énergie positive que ce voyage pastoral a créé en Corse.
Au-delà de ça, le constat est peut-être un petit peu trop sévère, ordres du jour maigres, non. Je crois qu’au contraire les ordres du jour sont sur le plan politique, économique, social, extrêmement lourds.
Je crois qu’il va falloir réfléchir aux conditions pour créer un nouvel élan. Créer un nouvel élan, c’est s’adresser, au-delà de la majorité territoriale, à l’ensemble des Corses. Et puis changer un certain nombre de choses sans doute dans le conseil exécutif, dans l’assemblée de Corse, dans la façon de travailler. Peut-être et certainement aussi dans l’administration.