"Pathétique", "fallacieux", "déconnecté" : Bruno Le Maire unanimement condamné par les collectivités, accusées de creuser le déficit public

Les responsables des collectivités territoriales remettent le ministre démissionnaire de l'Économie face à ses responsabilités. Ce lundi 2 septembre, Bruno Le Maire a estimé que le creusement du déficit public pourrait être dû à un bond des dépenses des collectivités.

"On étrangle les collectivités, et après on leur dit qu'elles travaillent mal... C'est pathétique." Marc Gaudet assure ne pas être en colère. Mais les mots du président (UDI) du conseil départemental du Loiret ne dressent pas l'éloge de Bruno Le Maire. Ce lundi 2 septembre, le ministre démissionnaire de l'Économie a mis sur le dos des collectivités territoriales un possible emballement du déficit public.

Dans un courrier adressé aux présidents des commissions des Finances du Parlement, Bruno Le Maire et Thomas Cazeneuve (ministre démissionnaire chargé des Comptes publics) redoutent que le déficit n'atteigne les 5,6% du PIB en 2024, contre les 5,1% prévus. Le "risque principal" serait, à en croire le texte, "une augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités".

"Normalement, celui qui décide paie"

"Ils sont gonflés...", souffle Marc Gaudet. "On a foultitude d'exemples qui montrent que nos dérapages financiers sont principalement dus aux exigences de l'État !" Il cite par exemple la hausse du point d'indice des fonctionnaires, qui entraîne une augmentation des dépenses de la collectivité. "Normalement, celui qui décide paie", estime-t-il. Pas là.

On nous dit d'arrêter de dépenser, mais on nous charge la barque.

Marc Gaudet, président UDI du conseil départemental du Loiret

Président (PS) du conseil régional du Centre-Val de Loire, François Bonneau aussi est en rogne. "Si les collectivités augmentent leurs investissements, c'est pour faire face à des transferts de compétence de l'État, avec des équipements dans un état détérioré", lance-t-il. Il cite par exemple "les sommes colossales" dépensées par la collectivité "pour remettre en état des lignes ferroviaires pas entretenues depuis des décennies et du matériel obsolète" après la transmission du ferroviaire aux régions. Augmentation du nombre d'infirmières formées ? "Le Ségur nous aide à peine." Et sur de nombreuses autres compétences, "on n'a pas un euro de transféré".

Alors que, dans le même temps, "l'État s'est empressé de supprimer les impôts prélevés par les collectivités pour les remplacer par des dotations à sa main", regrette François Bonneau. Comme la taxe d'habitation par exemple. "Avant, quand on avait une hausse de charges, on pouvait faire jouer la fiscalité. Et les gens comprenaient. Maintenant on ne peut plus", ajoute Marc Gaudet, qui voit les collectivités devenir "des prestataires de l'État".

"Quand on veut se séparer de son chien, on accuse la rage"

D'autant que les collectivités, du fait de la fameuse "règle d'or", ne peuvent pas avoir plus de dépenses que de recettes. "Contrairement à l'État", souffle, moqueur, Marc Gaudet. Alors, quand Bruno Le Maire évoque 16 milliards d'euros de dépenses des collectivités supplémentaires, André Laignel saute au plafond. "Ça ne correspond à rien, ce sont des chiffres fallacieux", lance le maire (PS) d'Issoudun, vice-président de l'Association des maires de France (AMF) et président du Comité des finances locales.

Il concède 5,5 milliards d'euros de besoin de financement des collectivités. "Mais ce n'est pas un déficit, c'est un report de dépenses d'une année sur l’autre", explique-t-il. Il qualifie donc le courrier des deux ministres démissionnaires d'"attaque injustifiée", une "manœuvre" pour "accuser les collectivités". "Ça empêche le gouvernement de faire vraiment un examen sur le fond des raisons de ces dérapages, et ça oppose les citoyens aux élus de terrain", abonde François Bonneau.

Au-delà de l'attaque en règle par des mots de la part du gouvernement, les trois élus redoutent une attaque plus directe, cette fois au niveau du portefeuille. "Quand on veut se séparer de son chien, on accuse la rage", assure le président du conseil régional. Il semble déjà anticiper "des baisses de moyens et de dotation", et ce dès le budget 2025.

Conséquences, "on devrait baisser considérablement nos investissements", selon André Laignel. Or, les collectivités sont responsables de 58% des investissements publics. "Si nous les mettons en panne, des branches entières de l'économie seraient profondément touchées", juge le maire d'Issoudun. Ce qui pourrait "aggraver la crise sous-jacente que connaît le pays".

Dans le Loiret, Marc Gaudet prédit déjà que "toutes les dépenses vont être passées au peigne fin" : les investissements, mais aussi les subventions aux associations et aux communes, ou encore les frais de fonctionnement. Donc les personnels du département.

"L'État ne s'en tirera pas comme ça"

Qu'attendent les trois élus, désormais, du gouvernement démissionnaire et de Bruno Le Maire ? "Rien", lâche André Laignel. "À part de l'honnêteté et de la retenue, et qu'il cesse de s'exprimer de façon anormale."

François Bonneau, lui, assure que "l'État ne s'en tirera pas comme ça, s'il continue à penser qu'il est dans une position de tutelle permanente sur les collectivités territoriales". Selon lui, la France a "besoin de décentralisation, de respect des collectivités". "Bruno Le Maire est complètement déconnecté", complète Marc Gaudet.

Si les trois plaident pour un meilleur dialogue entre État et collectivités, ce dialogue ne se fera pas avec Bruno Le Maire. Qui, après son courrier, a décidé de laisser au prochain gouvernement la charge de trouver une solution au dérapage du déficit.

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