Crise énergétique : la souveraineté alimentaire en péril ? Les agriculteurs tirent la sonnette d’alarme

La hausse des prix de l'énergie touche de près l'agriculture, secteur crucial de l'économie française. Avec des coûts multipliés par trois ou quatre, les exploitants alertent sur le risque d'effondrement de toutes les filières alimentaires.

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L'hiver 2022-2023 sera rude, y compris dans les champs. Réunis lors d'un point presse ce 24 octobre à Outarville, dans le Loiret, des agriculteurs affiliés à la FNSEA ont alerté sur l'explosion des coûts de l'énergie, qui met en danger de larges pans du secteur. La fédération syndicale agricole affirme que l'État "doit apporter des réponses concrètes" pour ne pas mettre en péril la souveraineté alimentaire, en particulier étendre le bouclier tarifaire à l'ensemble du secteur agricole.

Actuellement, les petites entreprises ne sont toujours pas éligibles aux aides d'urgence du gouvernement quand leurs dépenses énergétiques n'atteignent pas 3% de leur chiffre d'affaires de 2021.

"Les producteurs se demandent ce qu'ils vont pouvoir mettre dans les assiettes" des consommateurs, a notamment alerté Sébastien Méry, agriculteur loirétain membre du bureau de la FNSEA du Loiret et vice-président de la Chambre d'agriculture Centre-Val de Loire. "Certains vont faire des choix d'arrêt de production. L'agriculture doit être reconnue comme prioritaire et doit rentrer dans le bouclier tarifaire.

L'exploitation retenue pour ce point presse est un bon exemple de cette filière poussée au pied du mur. L'entreprise "Les Trois Laboureurs", co-dirigée par Pierre Coisnon, produit 60 000 tonnes de pommes de terre par an sur ses quelque 500 hectares. Récoltée entre août et septembre, cette production s'écoule jusqu'au mois de juin de l'année suivante.

Entre les deux, les patates doivent être réfrigérées entre 0 et 8°C, conditionnées, mises en sachet… autant d'opérations gourmandes en électricité, mais pas seulement. La quinzaine de chariots élévateurs de l'entreprise, qui fonctionnent au gaz, bougent en permanence, déplaçant "25 000 caisses tous les ans", explique l'exploitant.

Une facture de deux millions d'euros en 2023

"Sur Les Trois Laboureurs, on consomme environ 4 000 mégawattheures (MWh) par an", explique Pierre Coisnon, soit l'équivalent de 850 ménages. Or le prix de l'électricité, qui a déjà augmenté de 30% entre 2021 et 2022, va bondir comme jamais en 2023. "Selon les estimations de notre fournisseur en août, on paierait à partir de 2023 trois fois et demie ce qu'on payait en 2022", explique l'agriculteur.

La facture était de 520 000 euros en 2022, elle pourrait atteindre "entre 1,7 et 2 millions en 2023". Soit plus du double du résultat net de l'entreprise. "On pourra peut-être faire face une année, mais pas plus", s'inquiète l'agriculteur, qui redoute de devoir répercuter cette hausse faramineuse sur le prix de vente.

Dans son malheur, la filière de la pomme de terre a néanmoins une chance : la récolte très faible de 2022 en raison de la sécheresse va tirer les prix vers le haut pour les grosses exploitations, "ça va nous protéger jusqu'au mois de juin, on gardera des prix à peu près corrects", estime Pierre Croisnon.

Plusieurs filières agricoles au bord de l'effondrement

De fait, l'Union nationale des producteurs de pomme de terre a tiré la sonnette d'alarme début octobre, avec plusieurs organisations représentant les filières des fruits et légumes. Elles se considèrent "au pied du mur énergétique face à l'explosion du coût de stockage de leurs récoltes, lié aux prix de contrats électriques stratosphériques proposés actuellement".

"En passant en moyenne de 50-60 euros/MWh à 550-600 euros/MWh, les surcoûts sur les produits stockés engendrés par cette explosion du prix ne sont à ce jour, ni couverts par les prix de contrat, ni par les prix du marché", indique l'UNPT.

"De nombreuses productions ne peuvent pas se permettre de coupures d’électricité ou de gaz" renchérit la FNSEA. Le premier syndicat agricole indique qu'il est tout simplement inconcevable qu'un "bâtiment d’élevage soit privé de ventilation pendant deux heures, que des légumes sous serre ne soient plus chauffés ou que des pommes, des poires, des pommes de terre ne soient plus réfrigérées".

Que pouvons-nous dire aux agriculteurs qui nous interrogent chaque jour sur ce qu'ils doivent faire de propositions de tarifs parfois multipliés par dix, empêchant tout espoir de revenu et de pérennité économique?

Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricole (FNSEA)

Le syndicat met en garde contre "une nouvelle crise aux conséquences incontrôlables pour la sécurité alimentaire". Et souligne, alors que la guerre en Ukraine pèse toujours sur le commerce agricole mondial, que "le contexte de tension énergétique ne doit pas faire oublier le caractère stratégique de l'alimentation".

Outre la "souveraineté alimentaire" brandie aussi bien par les syndicats que par le gouvernement, l'agriculture représente un des piliers de l'économie française, avec près de 400 000 emplois directs. Le 15 octobre dernier, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau a promis que l'État viendrait en aide aux "industries agro-alimentaires énergo-intensives". Sans annoncer, pour l'instant, le gel des tarifs de l'énergie exigé par la FNSEA.

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