Électricité, farine, beurre : dans le Loiret, un couple de boulangers ne peut plus faire face aux factures qui s'accumulent. Malgré la mobilisation de leur clientèle, ils ont décidé de fermer.
"On pensait pas que ça allait tourner comme ça." Kévin Robion a le cœur gros. Ce boulanger de 34 ans va mettre la clé sous la porte, comme l'ont rapporté nos confrères de la République du Centre.
Installé depuis quinze ans à Greneville-en-Beauce, un village de 700 habitants près de Pithiviers, il avait ouvert son commerce avec sa compagne, Soline. Les affaires vont bien et les clients sont au rendez-vous, mais la brusque augmentation des prix de l'énergie a été le dernier clou dans le cercueil de cette boulangerie, déjà confrontée à la flambée des matières premières.
"On a fait le bilan fin septembre avec la comptable", raconte le boulanger. Il se rend compte à ce moment-là que son contrat d'électricité doit être renouvelé à la fin de l'année, et que les tarifs vont drastiquement changer. "On est passés de 90 euros du mégawatt/heure à 275 euros... pour le moment. Ça multiplie le prix par trois."
Leur facture pourrait donc bondir de 1 400 à plus de 4 000 euros. Sans compter que l'hiver sera certainement plus énergivore que l'automne. Lorsque les Robion se sont installés à Greneville-en-Beauce, en 2007, leur facture d'électricité n'était que de 800 euros par mois.
"Ça fait six mois qu'on tire la langue"
"La comptable nous a dit qu'on ne pourrait pas suivre, complète Kévin Robion. En janvier il y aura beaucoup d'énergie à tirer, on sera à 4 000 euros. C'est impossible à répercuter. On a dit : 'On arrête avant de ne plus pouvoir s'en sortir'. Ce sera fini pour nous dès ce soir."
Et il n'y a pas que l'énergie. "Ça fait six mois qu'on tire la langue, qu'on fait attention à toutes les dépenses, qu'on va à l'essentiel", se désespère Soline Robion. C'est le beurre, c'est la farine, c'est l'électricité, c'est tout !"
Et augmenter leurs propres prix ne les aurait pas sauvés non plus : le pouvoir d'achat déjà faible des gens du coin les aurait simplement poussés à se fournir dans les grandes surfaces, qui pratiquent des tarifs bien inférieurs. Car si les prix de l'énergie et des biens flambent, "malheureusement les salaires n'augmentent pas, ni les retraites", déplore Soline Robion. Ses dernières pensées en tant que boulangère vont à sa salariée et à ses clients.
Papi et mamie, ils ne pourront pas prendre leur baguette à 2 euros tous les jours parce qu'ils n'ont pas les moyens. Et moi, mes papis et mamies je pense à eux. Parce qu'ils n'auront plus de pain demain, et pas forcément la possibilité de prendre la voiture, comme une personne valide, pour aller en chercher.
Soline Robion, boulangère
"Ça fait quinze ans, c'est dur", soupire Kévin Robion. "On va chercher du travail, on va trouver autre chose." Sa compagne aussi pense à l'avenir. "Je vais me remettre, m'occuper de mes enfants. Ça fait quinze ans qu'on les met entre parenthèses, pour le commerce. Après je retrouverai un boulot, soit en vente, soit dans autre chose. Je ne sais pas."
La liquidation judiciaire de la boulangerie a été prononcée par le tribunal de commerce d'Orléans ce 19 octobre.
Propos recueillis par Flavien Texier et Amélie Rigodanzo