L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a publié un rapport sur la contamination des eaux potables françaises. En Centre-Val de Loire, des prélèvements ont été réalisés sur le 1,4-dioxane, un solvant potentiellement cancérigène chez l'Homme.
C'était un rapport très attendu. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié sa synthèse sur la campagne nationale visant à mesurer "la présence de composés chimiques qui ne sont pas ou peu recherchés lors des contrôles réguliers" dans "les eaux destinées à la consommation humaine".
Parmi les informations choc révélées par l'ANSES, la présence élevée de résidus de chlorothalonil, un fongicide interdit depuis 2020 en France, mais longtemps utilisé dans les cultures de l'hexagone. Ce résidu a conduit à des dépassements de la limite réglementaire de qualité "dans plus d'un échantillon sur trois", indique l'ANSES.
1,4-Dioxane, le nouveau venu
Une autre substance a attiré l'attention de France 3 Centre-Val de Loire : le 1,4-Dioxane. Ce solvant est utilisé pour la fabrication de produits pharmaceutiques, de médicaments vétérinaires et de produits de santé naturels. On le retrouve également dans les fumigènes ou les déodorants et désormais, dans les eaux de la région.
"Le 1,4-Dioxane fait l'objet de suivis dans d'autres réseaux de surveillance, comme les rivières par exemple. Mais c'est la première fois que cette substance est évaluée dans les eaux potables", détaille Xavier Dauchy, chef de projet scientifique au sein du département chimie des eaux au laboratoire Anses d’hydrologie de Nancy.
Des prélèvements en Centre-Val de Loire
Pour réaliser cette vaste campagne de mesures, l'ANSES a réalisé des prélèvements dans "trois sites présentant le plus gros débit de chaque département", détaille Xavier Dauchy. Dix-huit débits ont donc été mesurés dans la région Centre-Val de Loire avec la même méthode : "Un premier prélèvement est réalisé sur de l'eau brute non traitée. Puis, un second échantillon est prélevé après le passage de l'eau dans une usine de traitement".
Certaines régions semblent épargnées par une contamination en 1,4-dioxane comme le Sud-Est et le Nord-Ouest de la France, la Corse et les DROM. Seules 9 régions sont concernées, dans le cadre de cette campagne, par la présence de ce composé avec l’Île-de-France, le Centre-Val de Loire et les Hauts de France.
Rapport de l'ANSES
Une manière de comparer et donc d'évaluer l'efficacité des stations de traitement de l'eau destiné à la consommation. Dans son rapport, l'ANSES indique que le taux maximal prélevé dans la région correspond à 1,8 microgramme par litre d'eau (µg/L) après traitement.
Un taux maximal supérieur à la plupart des régions comme le Grand Est (0,4µg/L), l'Occitanie (0,9µg/L) ou l'île de France (1,4µg/L). "C'est une photographie à l'instant T", précise le spécialiste, "cela ne veut pas dire que ce taux est constant tout au long de l'année ni qu'il correspond au niveau de tous les prélèvements réalisés dans la région", précise Xavier Dauchy.
L'Anses n'ayant pas publié de résultats plus précis géographiquement, il est pour l'heure impossible de savoir sur quel débit de la région a été prélevé ce taux maximal.
Une substance cancérigène sur les rats
Le 1,4-Diaxone est-il dangereux pour la santé ? Difficile de l'affirmer. Selon l'Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR), une agence fédérale de santé publique au sein du département américain de la Santé : "Les études disponibles en nombre limité n’indiquent pas si le 1,4-dioxane cause le cancer chez les humains."
Des rats et des souris de laboratoire ayant bu de l’eau contenant du 1,4-dioxane pendant la plus grande partie de leur vie ont développé le cancer du foie ; les rats ont également développé le cancer à l’intérieur du nez.
Agency for Toxic Substances and Disease Registry
Pour autant, sur des rats et des souris, les études tendent à montrer que le 1,4-dioxane pourrait être à l'origine de cancer. "Les chercheurs sont en train de débattre si les résultats chez les rats et les souris s’appliquent aux situations dans lesquelles les personnes sont fréquemment exposées", indique l'ATSDR et de conclure : "Le ministère de la Santé et des Services humanitaires (DHHS) a
déterminé qu’il était raisonnable de prévoir que le 1,4-dioxane soit une substance cancérogène pour les humains."
Des seuils maximaux très différents
Faut-il s'inquiéter de ces résidus trouvés dans les eaux de la région ? Là encore, impossible d'être catégorique. La France et l'Europe ne prévoient pas de seuils réglementaires. Seule l'OMS a fixé un critère de qualité à 50 µg/L pour l’eau potable. "Ce même seuil est suivi au Japon, en Nouvelle-Zélande, en Corée du Sud et au Canada", note l'Anses.
Selon ce critère, le taux prélevé en Centre-Val de Loire n'aurait rien d'inquiétant pour la santé humaine.
En raison de ses propriétés chimiques, le 1,4-dioxane est très mobile dans les sols et est susceptible de contaminer les eaux souterraines.
Rapport de l'Anses
Mais d'autres pays ont des seuils plus bas qui, appliqués à la France, feraient dépasser la région du seuil réglementaire : " Aux États-Unis, l’Environmental Protection Agency (US-EPA) préconise le seuil maximal à 0,35 µg/L pour les eaux destinées à la consommation humaine. En parallèle, 33 États ont établi des valeurs guides pour la qualité de l’eau allant de 0,25 µg/L, valeur la plus sévère pour le New Hampshire à 77 µg/L pour d’autres États."
Reste que pour le Xavier Dauchy, il est trop tôt pour s'inquiéter : "En l'absence de consensus, il est difficile de se prononcer", explique Xavier Dauchy. Dans les prochains mois, des toxicologues devront se pencher sur le sujet pour tenter de fixer un seuil réglementaire. "Avant de m'inquiéter, je préfère attendre de voir ce que trancheront les toxicologues sur la question".