Nomination de Michel Barnier : le Nouveau Front Populaire en Centre-Val de Loire se fait entendre, entre colère et inquiétude

Après la nomination de Michel Barnier (LR) comme premier ministre, les élus du Nouveau Front populaire de la région Centre-Val de Loire sont sous le choc mais ne sont pas vraiment surpris. Charles Fournier, Karin Fischer et Marc Gricourt soutiennent l'appel au rassemblement du samedi 7 septembre contre "le coup de force" d'Emmanuel Macron et dénoncent un "déni de démocratie" qui place le Rassemblement national en arbitre.

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"C'est l'occasion de dire haut et fort combien Emmanuel Macron tord le cou à l'issue de ce scrutin. Comme préalablement il l'avait fait avec le 49-3, avec la réforme des retraites qu'il a imposée aux Français qui n'en voulaient pas."

Charles Fournier, député Les Ecologistes de la première circonscription de Tours, sera dans le cortège qui partira à 15h de la place Jean-Jaurès ce samedi 7 septembre. 

"Les gens ne veulent plus du macronisme et ne veulent pas non plus du RN au pouvoir. Donc j'ai envie de dire ma colère par rapport au choix qui est fait là, qui est un choix contraire à celui des Français. On vole le résultat de l'élection. Il y a un déni de démocratie. Il aurait dû nommer Lucie Castets. Il dit qu'elle n'aurait pas passé la censure mais il ne tenait qu'à lui de dire à ses troupes de ne pas voter la censure et il n'y en aurait pas eu."

Parti des mouvements de la jeunesse, l'appel au rassemblement du samedi 7 septembre a été repris par certains partis constituant le Nouveau Front populaire : LFI, Les Ecologistes, Génération(s) et le parti communiste. Plus de 150 manifestations sont prévues en France contre le "coup de force" d'Emmanuel Macron. 

C'est un premier moment de contestation et d'appel au respect de la démocratie et d'appel à la destitution d'Emmanuel Macron.

Karin Fischer, conseillère régionale CVDL LFI

Marc Gricourt, maire PS de Blois, n'y participera pas pour des raisons d'agenda mais comprend tout à fait la désillusion des citoyens. "La jeunesse s'est beaucoup mobilisée pour ces dernières élections et elle a maintenant ce sentiment que ces élections n'ont servi à rien. Si la jeunesse est très fortement présente sur le terrain, je serai rassuré et je comprends cette mobilisation, cette inquiétude et cette déception qui ne profite qu'au Rassemblement national." 

Pour Karin Fischer, conseillère régionale LFI Centre-Val de Loire, il est important d'aller manifester pour "dénoncer ce déni de démocratie qui va nous enfoncer dans une crise politique et socio-économique. C'est un premier moment de contestation et d'appel au respect de la démocratie et d'appel à la destitution d'Emmanuel Macron. Ce n'est pas ce rassemblement qui va régler les choses mais c'est important comme expression démocratique parce que c'est la seule qui nous reste pour le moment. " 

Avec les rassemblements de ce samedi 7 septembre, le Nouveau Front Populaire veut aussi montrer qu'"elle est la seule opposition", explique Karin Fischer. "On a un bloc néo libéral "extrême-droitier" et nous en face. Il y a donc une clarification qui s'opère et ça nous permet de dire qu'on est là et qu'on ne laissera pas ce type de choses arriver sans rien dire et sans rien faire." 

Michel Barnier, RN compatible ? 

Le maire PS de Blois se dit à la fois surpris et pas surpris par la nomination de Michel Barnier comme premier ministre. "Il représente le quatrième groupe de l'Assemblée nationale qui est minoritaire. Il vient des Républicains qui ont fait 6 % aux élections législatives donc c'est assez surprenant de choisir un premier ministre issu de la minorité parlementaire. Mais comme toujours avec le président Emmanuel Macron il faut s'attendre à tout". 

Un sentiment partagé par Karin Fischer, conseillère régionale LFI : "C'est ce qu'Emmanuel Macron voulait depuis le début. Il voulait un premier ministre Macron lepéniste puisqu'il est tributaire de l'acceptation du Rassemblement national. Mais je suis choquée parce qu'il se moque des Francais et de leur vote." Et d'ajouter : "Macron a voulu nommer Michel Barnier parce qu'il avait l'assurance que le bloc d'extrême droite ne ferait pas censure. Donc de fait, Michel Barnier est là avec l'assentiment de Marine Le Pen". 

Elle rappelle qu'en 2022 il était contre l'assistance médicale d'Etat. "Il était pour faire baisser le nombre d'étudiants étrangers dont on a besoin pour l'avenir scientifique de la France, un gel total de l'immigration pendant trois ans. Il est totalement compatible avec Le Pen." 

"Il dit qu'il faut s'extraire du droit communautaire par exemple sur le regroupement familial. Il est RN compatible. Il a aussi des positions sur la sécurité extrêmement dures à l'image de celles que le Rassemblement national peut porter", complète Charles Fournier, député Les Ecologistes de Tours. 

"Même s'il fait le choix d'un homme d'expérience, il place l'extrême droite en arbitre. C'est insupportable. Encore une fois, le président Macron contribue à faire le lit du Rassemblement national", s'insurge Marc Gricourt qui avait appelé à voter pour le macroniste Marc Fesneau au premier tour des législatives dans la circonscription de Blois pour faire barrage au candidat RN. 


"Est-ce que Monsieur Barnier va être en capacité d'abroger la loi sur la retraite à 64 ans, d'agir pour plus de justice fiscale en rendant l'impôt sur le revenu plus progressif, est-ce qu'il va remettre en question l'abandon de l'impôt sur la fortune et solliciter les grands groupes industriels ? Au final, va-t-il agir sur tout ce qui va très mal en France : la justice, la santé, l'éducation, la sécurité ? Je ne le crois pas. C'est un conservateur et un libéral. Il s'est opposé à la dépénalisation de l'homosexualité et il est de ceux qui ont tout fait pour ouvrir à la concurrence et à la délocalisation." Pour lui, si des réponses rapides ne sont pas apportées rapidement aux citoyens, ils risquent de se tourner vers l'extrême droite.

"Un marche pied pour le RN "

"La gauche est arrivée en tête des législatives, elle devrait donc avoir l'opportunité de gouverner quitte à ce qu'il y ait une censure sur nos textes mais qu'on nous laisse la possibilité". Charles Fournier rappelle qu'en 2022, Emmanuel Macron n'avait pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale. Et à l'époque ça ne posait de problème à personne. Et d'ajouter : "Là il y a un front anti gauche, anti NFP qui devient plus important que le front anti Rassemblement national, ce qui pose un vrai glissement dans notre pays."

Il revient sur le fait qu'en 2017, quand Emmanuel Macron devient Président de la République, il y a 6 députés RN. A la fin de son premier mandat, ils sont 90 et aujourd'hui 140. "C'est quoi la prochaine étape ? C'est Marine Le Pen au pouvoir. Quand il veut se présenter comme le rempart au Rassemblement national en fait c'est le marchepied pour le RN et ça je ne peux pas l'accepter," siffle le député de Tours. 

"Une gifle pour le barrage républicain" 

Au-delà du fait que ce ne soit pas un premier ministre du NFP qui ait été choisi, ce qui inquiète aussi Karin Fischer c'est le message envoyé aux électeurs. "C'est une gifle au barrage républicain et c'est très grave sur le plan démocratique. Par ce déni de démocratie, Emmanuel Macron dit aux Français que ce n'est pas la peine d'aller voter".

Pour elle il est important que les citoyens restent mobilisés pour qu'il y ait un sursaut en masse. "Il faut que chacun soit inscrit sur les listes électorales et qu'ils aillent voter la prochaine fois. Ça peut être avant 2027 parce qu'on est sur une cocotte-minute. L'important c'est que les gens reprennent leur destin en main en votant."

La destitution d'Emmanuel Macron en question 

Le mardi 3 septembre, le mouvement insoumis a lancé la procédure prévue par l’article 68 de la Constitution dans l’objectif de destituer Emmanuel Macron.

Karin Fischer, conseillère régionale LFI en Centre-Val de Loire explique que "la démarche de destitution est d'abord une démarche de principe parce que le Président de la République ne respecte pas les institutions et le vote des Français."

Elle ajoute que c'est aussi une façon de "mettre tous les partis politiques devant leur responsabilité et leurs contradictions. Ça permettra de montrer à la population que le Rassemblement national qui se pose anti-Macron comme défenseur du peuple est en réalité en train de le soutenir." 

Si Charles Fournier n'a pas signé la demande de la destitution d'Emmanuel Macron quand elle a été déposée par LFI, il la votera probablement à l'Assemblée nationale. "Elle a été déposée parce qu'il n'avait pas nommé Lucie Castets mais nous n'avions pas encore l'annonce de la nomination de Michel Barnier. Pour moi le fait qu'il ne nomme pas Lucie Castets ne signifiait pas qu'il fallait destituer le président."   

Avec la nomination de Michel Barnier ce jeudi 5 septembre, la donne a changé. "Là on va plus loin. Il ne respecte pas le résultat de l'élection puisqu'il nomme un premier ministre avec la bienveillance du Rassemblement national. C'est a contrario du résultat des élections législatives. 70% des gens ont dit qu'il ne voulait pas du Rassemblement national. Il y a eu un barrage républicain. Et il ne respecte pas le fait que la gauche soit arrivée en tête. Donc pour toutes ces raisons je trouve que là, le débat de la destitution mérite d'exister."

Mais la destitution semble peu probable

"Il faudrait deux tiers des sénateurs et deux tiers des députés pour engager la procédure et qu'elle soit validée donc ce n'est pas possible", explique Marc Gricourt. Et il tient à ajouter qu'il est hors de question de tenir la gauche responsable de cette situation."Le seul responsable est le président de la République. Donc n'accusons pas la gauche demain d'utiliser son droit de censure qui sera légitime si les mesures qui sont envisagées ne font qu'accentuer les politiques libérales qui ont été mises en place depuis trop longtemps et qui nous ont poussés dans la situation dans laquelle notre pays est.

Pour Charles Fournier, rien n'est impossible et il compte sur son travail de parlementaire pour préparer une alternative : "A l''Assemblée nationale, rien n'est complètement écrit. Michel Barnier va gouverner mais combien de temps va-t-il réussir à gouverner ? Et peut-être qu'Emmanuel Macron devra imposer Lucie Castets. Et puis il faut se préparer pour 2027 pour qu'il y ait une alternative. On doit travailler sur la crédibilité de notre capacité à gouverner et se battre pas à pas à l'Assemblée nationale sur tous les sujets. Il faut avoir encore plus de victoires notamment sur le retrait de la réforme des retraites. Il y a une majorité de députés qui ne veulent pas de cette réforme. Rien n'est impossible."

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