Quand on parle d'Internet, on n'imagine pas forcément le rôle que peut jouer l'Union européenne sur la toile. Et pourtant, les députés européens sont forces de proposition sur les sujets du quotidien qui touchent aux nouvelles technologies.
Quand vous vous levez le matin, un café chaud à la main, et que vous vous plongez dans votre smartphone pour vous tenir informé. Quand, sur l'heure du déjeuner, vous faites défiler le mur de votre réseau social. Ou quand le soir, bien installé dans le canapé, vous dévorez plusieurs épisodes de la série à la mode ... Dans toutes ces situations et bien d'autres, vous utilisez les services d'un géant du Web.
Que vous habitiez à Orléans, Rennes, Limoges ou Montélimar, il est bien rare que ces grands groupes internationaux paient tous leurs impôts dans l'hexagone.
L'Europe veut lutter contre l'optimisation fiscale des GAFAN
Les GAFAN sont les pros de l'optimisation fiscale. Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix sont les entreprises qui se cachent derrière ces 5 lettres.Dans notre pays, ces multinationales du secteur numérique paient peu d'impôts car elles ont recours à ce que l'on appelle l'optimisation fiscale.
Comment ? Prenons Google comme exemple. Pour la firme du moteur de recherche utilisé par plus de 95% des français, l'essentiel des revenus sont enregistrés par Google Ireland, qui est le siège européen du mastodonte. Et dans ce pays, l'impôt sur les sociétés est fixé à 12,5%. En France, le même impôt est de 33%.
Pour aller encore plus loin et poursuivre son processus d'optimisation, Google peut même délocaliser aux Bermudes, via les Pays-Bas, les bénéfices réalisés en Irlande.
Ce sont 63 milliards d'euros que Google aurait ainsi cumulé dans les paradis fiscaux.
Pourtant, la France avait essayé de contrer ces pratiques en demander à la firme américaine de payer 1,1 milliard d'euros. Mais la justice française, en l'occurrence le tribunal administratif de Paris, a invalidé la demande sous prétexte que la société n'avait pas d'entité économique autonome en France. Et oui, puisque si vous suivez bien, l'entité européenne de Google est basée en Irlande.
La France s'est associée à une dizaine d'autres pays européens favorables à une taxation du chiffre d'affaire de ces grosses entreprises du numérique. Pour information, une taxe de 3% rapporterait 5 à 6 milliards d'euros à l'Union européenne.
Le Parlement Européen, quant à lui, défend une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS), plus efficace et plus rentable.
Nous ne sommes obligés de continuer à nous laisser piller - Eva Joly, députée européenne EELV
L'idée serait de consolider les bénéfices des multinationales. Les entreprises ne décideraient plus où elles paient des impôts puisque ce sont les états qui se répartiraient cet impôt. Cette réforme ne s'appliquerait pas qu'aux GAFAN, mais à toutes les multinationales qui utilisent le réseau Internet.
L'évolution du droit d'auteur en Europe
Dans un autre domaine, toujours lié à l'environnement numérique, les GAFAN et les créateurs de contenu se livrent bataille. Les artistes, les musiciens ainsi que les journalistes et les éditeurs de presse se retrouvent bien petit face aux géants du Web que sont Google, Facebook ou Apple.Le droit d'auteur est au cœur des débats arbitrés par le Parlement européen. Avant que le texte ne soit validé définitivement en mars 2019, les eurodéputés avaient subi un lobbying fort de la part des multinationales qui revendiquaient la liberté sur Internet. Mais en parallèle, les auteurs attendaient une meilleure rétribution de leurs droits.
Avec la nouvelle directive sur le droit d'auteur, les plateformes devront passer des licences avec les ayant-droit pour leur assurer une juste rémunération. Evolution également, ces mêmes plateformes comme Google News ou Apple News devront payer les journalistes et les éditeurs de presse quand leurs articles sont publiés.
Les encyclopédies en ligne comme Wikipedia ne sont pas concernées par cette direction. Comme l'explique Pascal Durand, député européen Europe Ecologie-Les Verts : "Wikipedia est inquiet car c'est un monde dans lequel les contenus sont échangés, partagés dans un réseau autonome qui n'est pas contrôlé par la finance et la publicité. C'est essentiel pour le monde de la culture et de l'éducation".
Virginie Rozière (eurodéputé S&D) explique que 90% des internautes qui consomment de la musique en ligne le font via le site et l'application YouTube (qui appartient à Google). Et pourtant, c'est moins de 5% des revenus qui sont reversé au secteur de la création musicale : "les plateformes défendent leurs intérêts pour ne pas payer plus. La responsabilité des plateformes est un enjeu de souveraineté européenne pour ne pas accepter que notre culture et notre vie quotidienne soient organisés de façon arbitraire par des géants numériques américains" précise-t-elle.
Reste à voir concrètement comment ces décisions vont se mettre en place et si tous les acteurs jouent le jeu.