Le conseil national du PS a validé, ce vendredi 5 mai, l'accord liant le parti avec La France insoumise, pour former une coalition pour les élections législatives de juin. Mais, ailleurs en France, apparaissent déjà des candidatures dissidentes.
L'alliance des gauches, du jamais vu depuis la gauche plurielle de 1997. Le scénario que beaucoup pensaient irréalisable il y a quelques semaines a fini par se produire. Ce vendredi 6 mai à 0h30, le conseil national du Parti socialiste a validé l'accord avec La France insoumise, destiné à former une coalition pour les législatives des 12 et 19 juin prochains. Son petit nom : la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, ou Nupes, avec également le Parti communiste ou encore Europe Écologie-Les Verts.
Pourtant, au sein même du PS, l'accord ne partait pas gagnant à coup sûr. Peu avant le vote du conseil national de cette nuit, beaucoup d'observateurs prédisaient un résultat serré... plus serré, en tout cas, que les 62% récoltés finalement par le camp du oui. Un score qui met malgré tout en avant une fracture au sein du parti entre d'un côté une jeune garde revendicatrice, et les garants des institutions socialistes. À l'instar de l'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, qui a annoncé son départ du PS, ou de Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, qui masquait mal sa prise de distance avec l'alliance des gauches.
Une fracture sur laquelle la majorité souhaite surfer. Le ministre de la Santé Olivier Véran, ancien député socialiste de l'Isère, a ainsi écrit aux militants PS que, par cet accord avec LFI, "ce n’est pas vous qui quittez le parti socialiste, c’est lui qui vient de vous quitter".
Mariage à tout prix
Cette déclaration met en colère les plus fervents partisans de l'accord. "Quand le PS revient à l'union, il retrouve sa base", argue André Laignel, maire socialiste d'Issoudun dans l'Indre. Il y a une semaine, l'édile avait lancé "un appel solennel à nos formations politiques en faveur d’un large et solide accord d’union pour les élections législatives", signé par près de 80 élus locaux de France. Pour lui, unir les forces de gauche "est attendu par un grand nombre de nos concitoyens, qui ont regretté la division lors de la présidentielle". Il lui semblait donc indispensable de rassembler PS, EELV, LFI et PCF sous une même bannière aux législatives, pour que "la gauche soit représentée dans le maximum de circonscriptions, et puisse participer au débat national".
Un accord nécessaire... et donc à tout prix ? Car si des voix se sont élevées pour protester au sein du PS, il ne s'agit pas simplement de remettre sur la table les désaccords historiques (sur l'Europe notamment) entre les mouvements de Jean-Luc Mélenchon et d'Olivier Faure. Il est ainsi reproché à La France insoumise de s'imposer un peu trop. Comme avec la conseillère de Paris LFI Danielle Simonnet sur la 15e circonscription de la capitale, là où l'ex-députée PS Lamia El Aaraje était en poste jusqu'à fin janvier. Date de l'annulation par le Conseil constitutionnel de son élection face à... Danielle Simonnet. Au total, le PS ne sera présent que sur 12% des 577 circonscriptions de France, dont trois (sur 23) en Centre-Val de Loire.
Alors forcément, il y a "des déceptions pour tous ceux qui espéraient soit être candidat soit pouvoir voter pour un candidat socialiste", estime André Laignel. Mais le rapport de force avec LFI, "les électeurs l'ont décidé dans les urnes" en ne créditant Anne Hidalgo que d'1,74% à la présidentielle. "L'intérêt général doit l'emporter sur les regrets locaux", assume le maire d'Issoudun.
Au-delà de leurs différences
Une devise qui semble avoir été bien entendue dans les circonscriptions du Centre-Val de Loire où le PS avait déjà ses candidats dans les starting blocks. Clément Sapin, candidat investi dans l'Indre, a confirmé sur les réseaux sociaux retirer sa candidature au profit de La France insoumise, estimant que l'accord passé représente "un espoir pour tout le peuple de gauche". Le conseiller municipal d'Argenton-sur-Creuse et fils de l'ancien président de la région et ministre Michel Sapin concède cependant que l'union peut "interpeller" :
À gauche, [La France insoumise] est à la fois éloignée, avec des conceptions idéologiques divergentes [...], mais aussi, en quelque sorte, bien familière, puisque son propre chef, Jean-Luc Mélenchon, fut l'un de nos camarades pendant plus de 30 ans. Cette ambivalence a amené beaucoup d'apprêtés, voire de violence, dans nos échanges tout au long de ces années.
Clément Sapin, ex-candidat PS dans la 1ère circonscription de l'Indre
Ainsi, si le score "incontestable" de LFI à la présidentielle ordonne selon lui de "tracer ensemble de nouveaux horizons", la pilule peut rester difficile à avaler pour certains. En Occitanie, sous la houlette de la présidente socialiste de la région Carole Delga, la fronde a déjà commencé. Ce mercredi, alors que l'accord ne réservait aucune candidature socialiste dans le département de l'Hérault, Carole Delga est allée y soutenir trois candidats étiquetés PS.
Cuisine et dissidences
Alors des socialistes contestataires pourraient-ils prendre le maquis en Centre-Val de Loire ? Le président de la région François Bonneau, lui-aussi PS, n'a pas encore répondu aux sollicitations de France 3 sur le sujet. André Laignel, lui, se veut rassurant. Dans l'Indre, "quelques grands anciens qui ont très vite dit leur désaccord avec un éventuel accord, des voix estimables mais souvent isolées", estime-t-il.
Même chose dans le Loiret, où le PS obtient la candidature dans la 1ère circonscription. Mais pas dans la sixième, où les socialistes avaient prévu d'envoyer Christophe Lavialle, premier secrétaire fédéral du PS 45, et sa suppléante Fanny Pidoux. Et malgré la nécessité de se retirer "avec déception mais sans aigreur", les deux ont voté pour l'accord lors du conseil national cette nuit. "Il y avait un trop grand risque électoral à partir seul, et si le PS se met en dehors du rassemblement de la gauche, on voit la valeur symbolique que ça peut avoir", estime-t-il. Dans le département, il assure que tous les socialistes désavoués par l'accord se retirent au profit de La France insoumise. "Je crois en la responsabilité politique des adhérents", plaide-t-il.
Et cette responsabilité passe, selon lui, par la compréhension d'une donnée importante. "Le PS a plaidé avec son ancrage territorial, le meilleur de tous les partis à gauche". Sauf que, selon Christophe Lavialle, "les législatives sont une élection nationale, et non une élection locale". Ainsi, en 2017, la gauche a perdu les neuf circonscriptions qu'elle détenait en Centre-Val de Loire, la plupart du temps au profit de la majorité présidentielle LREM ou MoDem. Reste à savoir si la recette du rassemblement permettra à la gauche, en 2022, de renverser la tendance.