"On est dans un no man's land" : la difficile gestion financière des clubs sportifs face à la crise du coronavirus

Entre détermination à préserver leur activité et peur de l'inconnu, les dirigeants de l'USO, du Tours Volley-Ball ou de l'ADA Blois retroussent leurs manches.

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"Au début, je me disais, c'est un peu futile le sport, à l'heure où on a des gens dans les hôpitaux en première ligne, mais au final, ça met en lumière quelque chose... C'est que, même si la survie de la nation ne passe pas par le sport, ça manque aux gens." Julien Monclar, manager de l'ADA Blois Basket, navigue en eaux troubles. Depuis l'annonce et le durcissement des mesures de confinement, à la mi-mars, les clubs sportifs serrent les dents.
 

Un "avenir sombre" côté finances

Des problèmes financiers, Pascal Foussard, manager du Tours Volley-Ball (TVB), "risque d'en avoir rapidement". Billetterie, boutique, consommations, tout cette manne financière est perdue pour les clubs à huis clos, et c'est loin d'être le principal problème. "Nous, on est à 65 % de partenaires privés, on est d'ailleurs le seul club de volley en France à avoir un tel pourcentage. Il nous reste 400 000 euros à facturer ou à percevoir d'ici fin juin", établit le manager. Elles-mêmes en difficulté, les entreprises partenaires pourraient ne pas verser ces sommes, qui représentent 15 % à 20 % du budget du TVB. "C'est vrai que l'avenir du Tours Volley Ball est un peu sombre", s'inquiète Pascal Foussard. Pour lui, le tableau aurait été tout autre si le club avait en majorité vécu des subventions publiques, la perte moindre. Et la solitude, moins intense.

"On a eu zéro contact avec la région, pas de nouvelles. C'est une grosse déception", admet-il. "On sait qu'on n'est pas la priorité absolue, mais on est quand même une entreprise qui paye des charges, des taxes et des impôts, qui crée de l'événement. Au dernier match de Tours, il y avait 3000 personnes, qui sortent en ville, qui consomment. On est une économie. Pourtant, on est dans le flou et on se sent seul. On est dans un no man's land quasi-insupportable."
 

La peur de la "saison blanche"

A tel point que le dirigeant souhaite l'arrêt du championnat. Cette option, toutes les disciplines l'envisagent. Mais ce n'est pas le vrai scénario catastrophe : le pire, c'est l'annulation. Le coup de la "saison blanche". A l'ADA Blois, Julien Monclar ne veut même pas l'imaginer.

"A titre personnel, je dis que personne n'annulera cette saison. Personne n'annulera les heures et les heures d'entraînement, les salaires versés, les partenariats signés, les achats de places sur plus des deux-tiers des matches... Ça a existé. Une saison blanche, ce n'est pas possible. Comment on explique aux gens ? Aux joueurs qui ont donné énormément, à tous ceux qui se sont impliqués..."

Même si le club dépend aussi majoritairement des partenariats, il ne part pas sur la même base. L'exercice avait été bon. Le restant dû versé en grande partie. Les partenaires sont fidèles. Mais l'incertitude rend l'exercice stressant. "La question c'est : est-ce que la saison va reprendre ou non ? Et si ça ne reprend pas, quelles seront les dispositions prises ? On doit avoir l'humilité de patienter, prendre des décisions quand il sera temps. La boîte à idées, elle pourra intervenir quand on saura ce qu'il en est", tempère Julien Monclar.  

La romance contrariée du foot et des droits télé

A l'US Orléans, sur le fil de la relégation en Ligue 2 cette saison, on regarde de près une autre manne financière. Celles des droits payés par les diffuseurs télé. "Je pense que le football français n'a pas les moyens de s'en passer. C'est notre principale source de revenus, et il semblerait que les diffuseurs ne vont pas honorer leurs échéances avec un championnat arrêté", anticipe Philippe Boutron, le président du club.

En attendant, l'USO a déjà contacté ses partenaires bancaires pour obtenir des crédits exceptionnels garantis par l'Etat, afin de maintenir la trésorerie à flot. Et Philippe Boutron ne perd pas le moral. Ultra-populaire, le football n'est pas le sport le plus exposé à une fin prématurée des compétitions. D'autant que le milieu est majoritairement favorable à une fin tardive, à la mi-juillet. S'adapter ou périr.

Mais pour Orléans, tout proche de quitter la Ligue 2 par la petite porte, l'effet confinement a tout d'une aubaine sportive.
 
Philippe Boutron refuse de parler égoïstement d'un avantage, mais chaque coup du sort a ses conséquences et elles ne sont pas toutes malheureuses. "On est dans une situation sportive très délicate, c'est pour ça qu'on a hâte de reprendre. On a toujours l'espoir, il reste 10 matches, pour nous c'est un nouveau championnat qui va démarrer. On a de nombreux blessés, on va pouvoir les récupérer, on avait recruté des joueurs au mercato d'hiver qui vont pouvoir faire une préparation normale. On va tout faire pour obtenir le maintien" expose calmement le président.
 

L'état des joueurs, l'autre variable

Bien sûr, reprendre en main des joueurs après plus d'un mois de confinement ne se fait pas tout seul. "Les spécialistes de la médecine du sport et les préparateurs physiques s'accordent à dire que le temps de préparation doit être équivalent à la période d'arrêt, pour retrouver une compétitivité maximum sans risque de blessures", informe Philippe Boutron.

Julien Monclar de l'ADA Blois l'assure également, les joueurs se tiennent prêts, pour autant qu'ils le puissent. "On passe des exercices aux gars. On sait qu'on a des pros très sérieux et un groupe qui a une grosse force de travail, ils ne se laissent pas aller. Après, si jamais il y a une reprise, c'est sûr qu'il faudrait un temps. On ne peut pas sortir de chez soi et faire un match." Même si "un club avec cet historique ne meurt pas si facilement", le manager du Tours Volley-Ball, Pascal Foussard, doit prendre en compte d'autres paramètres. Au TVB, la majorité des joueurs étrangers n'ont pas pu rejoindre leurs familles et sont restés confinés en France. "Nos joueurs ne sont pas prêts mentalement. Ils ne pensent qu'à une chose, c'est retourner auprès de leurs proches. Et puis, si les joueurs s'arrêtent 6 semaines, il leur faudra 6 semaines de préparation, ce n'est pas rattrapable. Or, sans ça, il y aurait de la casse."

Dans cette situation délicate, où plane l'ombre de l'incertitude et du manque à gagner, Philippe Boutron essaie de rester philosophe. "Il faut quand même essayer d'y mettre un peu d'espoir, parce que ce n'est pas en se mettant la tête dans le sable qu'on va se sortir de tout ça ! La priorité absolue, c'est la santé publique, il est hors de question de prendre le moindre risque, mais il faut se dire que demain, il fera beau."
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