Santé Publique France a publié une étude collaborative sur les données concernant l'incidence et la mortalité des cancers, entre 2007 et 2016. Constat inquiétant pour la région Centre-Val de Loire, qui voit la prise en charge des patients remise en cause.
Pas plus de cas de cancer qu'ailleurs, mais un peu plus de morts. C'est le constat fait par Santé Publique France dans son rapport "Estimations régionales et départementales d’incidence et de mortalité par cancers en France", de 2007 à 2016.Le focus sur la région Centre présente ce paradoxal et anormal constat, qui varie en fonction des départements. Ici, 15422 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués par an, dont 57% chez des hommes. Cette estimation du nombre de cas sur une période donnée s'appelle l'incidence.
A cet égard, la région n'est pas plus touchée que le reste de la France, elle est même moins concernée par les cancers de la thyroïde, de l'estomac, et de la vessie chez l'homme et la lèvre-bouche-pharynx chez la femme.
Une sur-mortalité de 3% chez l'homme
Concernant la mortalité, 7001 personnes décéderaient chaque année du cancer, avec trois cancers principaux responsables : la prostate, le poumon et le colon-rectum chez l'homme ; le sein, le colon-rectum et le poumon chez la femme.
"(...)La mortalité par cancer en région Centre-Val de Loire, [est] proche des niveaux métropolitains, voire comparable selon le sexe", cite le rapport. Cependant, il est précisé immédiatemment après que, chez l'homme, une sur-mortalité de 3% est observée. Un taux significatif, qui classe la région au 5ème rang de la mortalité dûe au cancer, sur 13.
Cet écart paradoxal entre un nombre de cas comparable au reste du pays et une mortalité plus élevée est "observé depuis le début des années 2000".
> Pour consulter d'autres cartes sur l'incidence et la mortalité liée au cancer : Geodes par Santé Publique France
Le Cher et l'Indre moins favorisés
Dans le détail, les départements sont loins d'être égaux face à la maladie. La situation est "globalement plus favorable sur l'axe ligérien : Loiret, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire".
Le Cher reste le département le plus touché, avec 6% de cas en plus et 15% de décès en plus chez l'homme. Chez la femme, ce dernier chiffre tombe à 5%. Dans l'Indre, la sur-mortalité est estimée à +6% chez l'homme et +5% chez la femme.
Dans ces deux départements, le nombre de cas de cancers de la prostate, du côlon-rectum et de la lèvre-bouche-pharynx est plus élevé que dans le reste du pays. Ces derniers, ainsi que ceux du foie et de l'oesophage, liés au tabac et à l'alcool, font plus de victimes que la moyenne. C'est également le cas pour les cancers de la prostate, dans tous les départements.
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— Ministère des Solidarités et de la Santé (@MinSoliSante) 4 février 2019
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Les femmes, au contraire, sont en sous-incidence ou en sous-mortalité pour plusieurs formes de cancer, dans plusieurs départements. Elle sont en revanche victimes, toujours dans le Cher, mais aussi dans l'Eure-et-Loir, d'une sur-mortalité liée au cancer du sein.
Un paradoxe, plusieurs hypothèses
Concernant les cancers du sein, le rapport relève une contradiction très parlante. Des dépistages sont organisés dans toute la région, et les taux de participation y sont plus élevés que la moyenne nationale. Pourtant, ils font quand même plus de victimes.
"Cette situation moins favorable pour la mortalité que pour l’incidence en région Centre-Val de Loire pourrait être notamment associée à un diagnostic plus tardif pour une même tumeur [ou] une prise en charge moins efficace indépendamment du stade du diagnostic."
Un constat qu'il est difficile de ne pas lier à la situation de désert médicale de la région. "Je vois ici des cancers à des stades avancés, avec des atteintes périphériques. Faute de médecins traitants, le diagnostic a été trop tardif" témoignait, auprès de l'AFP, un cancérologue de Montargis.
Santé Publique France invite aussi à poser la question du surdiagnostic, et de l'avance au diagnostic.
Le surdiagnostic consiste à diagnostiquer chez un patient, suite à des examens, une maladie qu'il n'a pas ou dont il n'aurait jamais développé les symptômes. Cela pose deux problèmes. Le premier, c'est que des décès ont pu être, à tort, attribués à des cancers. Le second est qu'une surmédication ou une mauvaise médication peut, en elle-même, fragiliser le patient et parfois causer sa mort.
L'avance au diagnostic est la durée qui sépare le diagnostic réalisé lors d'un dépistage du diagnostic clinique qui aurait été fait en dehors cette opération. Une possible piste pour remédier à la situation.
Cancer : un manque de données alarmant
Dans l'introduction du rapport, qui présente entre autres des éléments de méthodologie, Santé Publique France fait un constat alarmant : les données de l'incidence du cancer ne sont disponibles que pour 20% de la population.Les données sur cette maladie sont essentiellement contenues dans les registres des cancers, créés petit à petit dans les années 70. Ceux concernant les enfants et les adolescents sont nationaux, mais ceux qui concernent les adultes sont départementaux.
En Centre-Val de Loire, aucun département ne tient de registre, qu'il soit général ou spécifique à une forme de cancer, alors même que la région compte de nombreux sites Seveso, c'est-à-dire des sites industriels qui accueillent des produits dangereux. C'est le cas, par exemple, de nos centrales nucléaires.
Comment ont été, dans ce cas, réalisées les estimations présentes dans cet article ? Santé Publique France et ses partenaires ont mis en place une méthodologie permettant de croiser avec d'autres sources, comme les données médicales et administratives dédiées aux affections de longue durée, ou le PMSI.
Si les estimations ne sont pas satisfaisantes, Santé Publique France ne publie pas les données.
Concernant la mortalité, les données sont essentiellement recueillies depuis les certificats de décès. Là encore, une lacune : peu de certificats différencient le cancer du col de l'utérus et du corps utérin, laissant un vide dans les données.
Un article très complet sur la question est disponible sur LeMonde.