Bien qu'au plus bas depuis 20 ans, le chômage des jeunes reste deux fois plus important que pour le reste de la population. En Centre-Val de Loire, employeurs et services publics se demandent : comment aider les moins de 25 ans à entrer sur le marcher du travail ?
Le chiffre est, sinon historique, une bonne nouvelle : au quatrième trimestre 2021, le taux de chômage des 15-24 ans était de 15,9%, au plus bas depuis... 2001. Un résultat dont s'est gargarisé le gouvernement, la ministre du travail Elisabeth Borne estimant sur Franceinfo que "personne n'imaginait qu'on puisse avoir de tels résultats en sortant d'une des crises économiques les plus graves qu'on ait connues au cours des dernières décennies". En Centre-Val de Loire, les mois de 25 ans étaient près de 15 000 à chercher un emploi, soit une baisse de 17% sur un an.
Et pourtant, sur cette classe d'âge, le taux de chômage reste deux fois plus élevé que sur la population générale (7,4%). La raison ? "Entrer sur le marché du travail, c'est forcément plus difficile pour quelqu'un qui n'a pas encore eu d'expérience professionnel", note Fabrice Gaussens, directeur territorial de Pôle emploi en Eure-et-Loir. Un cas de figure qui, évidemment, concerne avant tout les jeunes.
Donner sa chance
Alors, pour les accompagner, les collectivités, services publics et entreprises se retroussent les manches. Ainsi, en Centre-Val de Loire, 40% des formations proposées par la région (dont c'est la compétence) sont à destination des jeunes. Des dispositifs utiles : la direction régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités du Centre-Val de Loire (Dreets) a mené une enquête auprès de personnes en recherche d'emploi avant une inscription à une formation. Et 9 mois après la dite formation, 44% des interrogés se trouvaient en situation d'emploi.
Pour le vice-président de la région chargé de l'Emploi, Jean-Patrick Gille, il existe une tendance de fond en France, où "les employeurs peuvent considérer qu'un jeune, c'est plutôt un problème parce qu'inexpérimenté". Pour lui, il faut bien que quelqu'un "donne sa première chance" aux nouveaux arrivants sur le marché du travail.
Et l'un des moyens privilégiés par les entreprises pour donner leur chance aux jeunes, c'est l'apprentissage. Les sociétés peuvent ainsi engager, pendant 6 mois à 4 ans, un apprenti qui partagera son temps entre son école et l'entreprise, où il apprendra les ficelles du métier. Et histoire de leur donner l'envie de prendre un apprenti, les employeurs bénéficient d'une aide unique et d'une exonération de cotisations sociales.
L'apprentissage a le vent en poupe
Ces aides semblent avoir aidé les entreprises en ces temps de crise économique. Après une hausse de 40% entre 2019 et 2020, le nombre de contrats d'apprentissage a encore bondi en 2021 : 718 000 nouveaux contrats ont été signés l'année dernière, soit une nouvelle hausse de près de 40%. Depuis 2017, ce chiffre a ainsi été multiplié par 2,4, note le ministère du Travail.
Antoine Gauthier, lui, n'a pas attendu 2021 pour prendre des apprentis. Installée à Mer, en Loir-et-Cher, son entreprise de chaudronnerie a la formation de jeunes "dans sa culture" : "J'ai toujours fonctionné avec des apprentis, explique-t-il. Quand j'ai commencé ma carrière dans une grosse boîte, j'étais responsable de cinq apprentis, ça m'a donné la fibre." Et depuis qu'il a monté son affaire en 2001, il a "toujours eu au moins un apprenti".
En revanche, il ne les embauche jamais. "Il faut absolument qu'ils fassent plusieurs entreprises, qu'ils fassent la tournée des popottes pour voir comment ça se passe ailleurs". Mais il rassure : "Je les envoie ailleurs, je les laisse pas à l'abandon !"
Élève en bac pro, Enzo est son apprenti depuis 2 ans et demi. Pour lui, il est essentiel d'être "déjà dans le bain de l'entreprise, comme ça on n'arrive pas dans une autre boîte en disant qu'on a fait que des études". Car, pour un jeune diplômé sans passage en entreprise, décrocher cette première expérience peut être compliqué, surtout quand "on leur demande d'avoir déjà de l'expérience en entreprise pour être embauché", note Enzo.
Transmission du savoir
Pour remédier à ce problème, le gouvernement avait lancé en grande pompe, dans le cadre du plan de relance, son plan "1 jeune, 1 solution" en juillet 2020. Son objectif : que "chaque jeune [puisse] trouver une formation, un emploi, une mission ou un accompagnement qui corresponde à ses besoins", selon le ministère du Travail. Parmi ses dispositions, l'opération "1 jeune, 1 mentor". Le mentorat permet de "mettre en contact, pour des courtes ou longues durées, des jeunes âgés de 13 à 25 ans, avec des personnes expérimentées et volontaires", explique la Dreets. Car tout est une histoire de transmission des savoirs et des savoir-faire.
Le conseil régional a également signé une convention avec l'État, l'académie d'Orléans-Tours et l'association des missions locales du Centre-Val de Loire pour rattraper les décrocheurs de 16 à 18 ans. Toujours selon la Dreets, le nombre de décrocheurs est passé de 9 000 en 2012 à 5 500 en 2021.
Et puis il y a le contrat d'engagement jeune, qui propose un coaching intensif et mise sur l'immersion en entreprise. "Les demandeurs d'emploi sont en capacité d'occuper un poste, mais ils ont besoin de s'adapter et de découvrir les métiers", soutient ainsi Fabrice Gaussens, directeur territorial de Pôle emploi en Eure-et-Loir. Car le marché du travail est "en tension" : dans la région, il y a 93 000 projets de recrutement pour 2022, soit une augmentation de plus de 13% sur un an. Un niveau de besoin "historique", se réjouit-il.
Bien vendre son métier
Encore faut-il réussir à pourvoir ces postes. "Il y a de grandes difficultés dans les secteurs de l'hôtellerie-restauration, du bâtiment, de l'agriculture, parce qu'ils n'attirent plus", estime Fabrice Gaussens. En plus des campagnes de com et de certaines adaptations des entreprises concernées, Pôle emploi mise donc sur ces immersions pour "faire découvrir les métiers". "Il faut un mouvement de masse des entreprises, parce que les personnes opérationnelles vont très rapidement retrouver un emploi". Autrement dit, il n'est plus possible pour les employeurs de faire la fine bouche.
Antoine Gauthier l'a bien compris. "La chaudronnerie, ça ne fait pas rêver, concède-t-il. Donc si on veut que des jeunes viennent, il faut que notre entreprise soit ouverte au max." Alors quand un établissement scolaire lui demande d'accueillir une visite d'élèves, "je dis oui et j'essaie de bien vendre mon métier".
Car le haut taux de chômage des moins de 25 ans n'est pas un chiffre en l'air, ses conséquences sont très tangibles : à en croire l'Insee, près d'un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté en France.